A peine avais-je terminé ce roman, que survenait la mort de son auteur,
Andrea Camilleri. Certes il était âgé (93 ans), mais s'il avait pu rester encore un peu, un tout petit peu... suffisamment pour nous donner d'autres nouvelles de Salvo Montalbano... je me sentirais moins triste au moment d'écrire cet avis. Mais il paraît que l'ultime enquête du beau commissaire a, depuis longtemps, été dictée de façon à ce que tout soit conclu et consommé. En attendant, il en reste une petite dizaine à traduire en français et, par conséquent, de belles balades à Vigata en perspective !
Ce dernier opus commence très fort par une scène angoilarante qui met aux prises Salvo avec un... poulpe. L'irascible commissaire s'en prend ensuite à un jeune chauffard qui se révèle avoir un père très influent. On frôle la bavure ! Mais lorsque la compagne du jeune homme est assassinée, le commissaire a bien du mal à se montrer objectif... forcément ! A cette première enquête s'ajoute celle concernant le vol dans le supermarché local.
Cambriolages, suicides plus ou moins volontaires, ingérences de la mafia, pressions politiques... cette double enquête a de quoi porter l'énervement de Montalbano vers des sommets himalayesques ! D'autant que le charmant commissaire se rend vite compte qu'il est la cible de politiciens corrompus qui veulent sa retraite, de préférence sans fleurs ni médailles.
Des raisons d'être énervé, en colère, mélancolique, cafardeux, rogue, le commissaire en a à la pelle : la vieillesse qu'il sent venir aussi inexorablement que la nuit après le jour ; ses relations ombrageuses avec Livia, l'éternelle fiancée ; la corruption ; les compromissions ; l'injustice ; la bêtise ; le populisme ; l'impéritie de sa hiérarchie... Tout cela donne une tonalité mi-figue, mi-raisin à l'histoire : entre comique des situations et des dialogues (ah ! l'inénarrable Catarella et sa façon toute "pirsonnelle" de transmettre les appels téléphoniques !) et mélancolie des balades digestives sur le môle. Pourtant les évènements tragiques du roman précédent ne sont jamais évoqués. C'est que, comme l'indique l'auteur dans une note, les mystères de la programmation éditoriale ont fait paraître "
Une voix dans l'ombre" après "
Une lame de lumière" alors que chronologiquement il se déroule avant.
Mais peu importe ! Celui-ci comme le précédent recèle les mêmes bonheurs d'écriture et de traduction, la même vie et toujours le plaisir de continuer à voir (bien) vieillir Montalbano !