Squire Trelowney et le docteur Livesey nous avaient charitablement prévenus : nous ne saurions jamais rien de la situation de
l'île au Trésor. Et pourquoi cela ? Parce qu'une partie du trésor y était resté caché. Condamnés à ronger notre frein dans l'ignorance, c'est avec soulagement que nous avons découvert avec
Alex Capus qu'il était peut-être possible de découvrir le secret de Jim et de ses compagnons.
Voyage sous les étoiles n'est ni un roman historique, ni une biographie savante de
Stevenson, ni un simple récit de voyage. Mais il faut bien avouer que cela tient un peu de tout cela. Au fil des pages on suit une enquête sur cette île Coco où se réfugia l'auteur du roman et qui aurait peut-être caché un trésor.
Pour ma part, ne connaissant rien à la biographie de
Stevenson, j'ai beaucoup appris. J'ai été touché par son histoire « d'amour » avec Fanny, cette femme plus âgée que lui de dix ans et mère de trois enfants, qui est restée liée à lui par des sentiments probablement plus maternels que véritablement inspirés par une passion amoureuse.
Contrairement à ce que j'imaginais,
Stevenson n'a pas écrit son roman dans une île du Pacifique mais en Europe, d'abord en Ecosse dans la maison de ses parents. le livre, écrit pour des adolescents, l'a été avec le concours du jeune fils de Fanny, Loyd, auquel Louis lisait régulièrement les chapitres qu'il écrivait. « Tout cela était conçu comme un simple divertissement pour un garçon que le mauvais temps condamnait à rester cloitré à la maison sans rien faire. » Il a bénéficié également de l'aide de son père, Thomas, qui lui aurait même soufflé la fameuse scène où Jim se cache dans un baril de pommes pour surprendre les projets des pirates. Ecriture au galop : au moins pour les quinze premiers chapitres qui auraient été rédigés en quinze jours. Et puis au seizième, « il perdit honteusement le fil … ne trouvant plus un seul mot de
l'Ile au Trésor. » Il retrouvera l'inspiration au cours d'un séjour à Davos durant l'hiver 1881, achevant le reste du livre tout aussi rapidement qu'il l'avait commencé.
Stevenson hanté par les images qu'il avait créées optera pour les grands espaces et l'air chaud et humide du Pacifique pour soigner (on croit rêver) la tuberculose qui l'emportera quelques années plus tard. L'ile Coco, dans les Samoa, où il réside à partir de 1888, c'est le bout du bout du monde. Perdue dans l'immensité du Pacifique,
Alex Capus nous la présente dans son contexte historique, au moment où l'Allemagne de Guillaume II et les Etats-Unis, puissance émergente, se disputaient ces territoires lointains.
Stevenson y vivra sept années, entouré non seulement de Fanny mais d'un véritable clan comprenant Belle, la fille de Fanny de son premier mariage, avec son fils Austin et son mari ; la mère de Louis, Margaret, et son cousin Graham Balfour. Fanny survivra à Louis près de vingt ans, vivant une étrange relation avec un jeune homme de quarante ans plus jeune qu'elle.
Avec AlexCapus, on se laisse entraîner dans des « racontars que personne n'a voulu confirmer » et qu'il a recueillis au cours de trois voyages successifs
dans les mers du Sud. Racontars ? Oui, mais caractérisés comme tels et complétés par de solides références biographiques. Au total, c'est une biographie qui fait sa part au rêve, qui le prolonge en partie ; mais biographie sérieuse appuyée par une bibliographie conséquente.
Alex Capus n'est pas assez lu. Il mériterait de l'être plus.