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Ils sont sept locataires à vivre dans le manoir de l'Observatoire, dans les faubourgs d'une ville qui pourrait être Londres. Sept habitants bizarres et maniaques, qui se morfondent consciencieusement dans un ennui dûment structuré, et dont la règle première pourrait être : " La solitude n'a de prix que si elle est vécue au milieu des autres. " Dès les premières pages, l'éblouissant roman de Carey défile comme une sorte de chronique des jours moribonds : " Les années s'étaient succédé à notre insu. " le narrateur, Francis Dorme, est un garçon un peu laid, un peu bête, un peu méchant, qui vit dans l'appartement de ses parents : " Je n'étais pas un petit garçon. J'avais trente-sept ans. Ma lèvre inférieure était enflée. Je portais des gants blancs (...). J'étais le gardien d'un musée. Un musée d'objets précieux. Je portais des gants blancs pour ne salir aucun des neuf cent trente-six objets de ma collection (...). " Des objets souvent volés, gardés secrètement au fond d'une cave, des objets si mal assortis qu'ils en disent long sur l'état mental et moral de Francis : une cireuse industrielle, les minutes d'un procès, un monocle, une poignée de chasse d'eau, etc. L'univers de Carey est traversé par des êtres jamais vraiment fous, jamais vraiment malheureux, douloureusement humains : le père de Francis vit reclus en lui-même, cloué dans un fauteuil à l'abri de la lumière ; Miss Higg, éternellement collée devant le petit écran, croit réel l'univers de fiction des séries télévisées ; Peter Bugg, l'instituteur à la retraite, passe son temps à pleurer et à transpirer ; " la femme-chien " aboie mais il y a longtemps qu'elle n'a plus l'usage du langage. Et voilà les habitudes de ce petit monde perturbées par l'arrivée d'une nouvelle locataire venue occuper l'appartement 18. Anna Tap est jeune, myope, pas particulièrement jolie, et elle a la mauvaise idée de faire remonter à la surface les histoires personnelles de chacun, faisant entrer la petite communauté dans ce que le narrateur appelle " l'ère des souvenirs " : " Et ce fut elle qui nous libéra de nos histoires, jusqu'au moment où il y eut trop de voix, trop de fantômes d'objets pour qu'elle put en garder le contrôle. " Car cet accouchement d'une mémoire non désirée provoquera bien des drames. Autour d'une idée simple, Carey a réussi à créer un univers décalé et inquiétant, pourtant si tangible. On gage qu'avec son jubilatoire sens de la démesure, non éloigné de celui d'un Will Self, il s'affirme comme l'une des voix les plus originales de la nouvelle littérature anglaise.
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Dans ce roman, nulle suite d'événements sortant du commun ne vous sera contée puisqu'on reste presque exclusivement dans la résidence de l'Observatoire et centré autour des petits incidents de la vie quotidienne de ses locataires très peu nombreux. Mais toute la richesse de ce roman se loge là, dans le minuscule, le quelconque, l'insignifiant, représenté par la collection de Francis Orme, curieux narrateur qui amasse des objets plus banals les uns que les autres (ticket de caisse, soldat de plomb, bouton de veste…) pour constituer une sorte de musée personnel et secret qu'il vénère et contemple en cachette. Car des personnages bien étranges habitent cet endroit : une femme vivant uniquement par procuration à travers des feuilletons télévisés et ses personnages qu'elle confond avec des personnes réelles, une « femme-chien », qui se croit un canidé et ne vit qu'avec eux, que comme eux, et qu'on n'ose chasser de la résidence, le portier, qui ne parle pas vraiment mais « chuinte » et passe son temps à faire le ménage de façon maniaque, les parents du narrateur, une mère plongée à jamais dans la nostalgie du passé et un père apathique, comme mort au monde et à lui-même, ainsi qu'un professeur à la retraite ne cessant de transpirer et pleurer tout à la fois. Et Francis n'est pas de reste, plus étrange sans doute qu'aucun autre, avec ses gants blancs qu'il ne peut jamais quitter, sa « loi des gants blancs » qu'il s'est lui-même donnée et son incapacité à réellement communiquer avec autrui.
Mais une nouvelle locataire va entrer dans leur vie, bien malgré eux au départ, et, voulant se faire des connaissances, va peu à peu chercher à comprendre chacune de leur bizarrerie, ce qui va donner lieu à une entrée progressive dans le passé et le cerveau de toutes ces personnes incompréhensibles, car Anna, dont le nom n'est peut-être pas un hasard, est un peu comme une psychologue qui parvient, sans se laisser impressionner, à mettre au jour les traumas et mécanismes qui les ont fait devenir comme ils sont. Et comme en thérapie, il y a des résistances, les locataires ne veulent pas fouiller trop loin, ce qui menace de mettre en péril leur équilibre, le bouleverser mais pourrait aussi les mener vers une vie nouvelle plus ouverte au monde extérieur et plus heureuse…
Francis parait alors tour à tour affreux et malsain, vu tout ce qu'il met en oeuvre pour qu'Anna parte aussi vite qu'elle est arrivée mais on découvre aussi finalement les raisons profondes d'un tel comportement : en premier lieu la peur, une peur vissée au corps de la moindre nouveauté dans sa vie. Car ce personnage, à travers le regard duquel on sait tout ce qui se passe dans la vie de tous, et dont on se demande s'il est légèrement attardé, ou bien autiste, ou phobique social, ou bien insensible, ou bien tout autre chose, qui parait aimer certaines personnes puis être complètement indifférent à tout, qui parait perpétuellement obsédé par ses gants et les taches qu'il peut y faire et qui passe du « je » au « il » pour parler de lui-même, restera plus ou moins une énigme jusqu'à la fin mais on découvrira aussi l'origine de son obsession pour ses gants et l'importance de son trouble (qui faut le conduire à se laisser mourir, même dans le danger le plus grand, tellement sa phobie de transgresser sa « loi des gants blancs » est vissée en lui), de son goût pour le vol des objets d'autrui auxquels ils tiennent plus que tout dont il fait collection.
La fin du roman est très émouvante également.
En bref, voici un roman singulier aux protagonistes tout autant singuliers, dans un style également étonnant -celui de Francis puis du discours direct de ses parents un moment- , poétique, touchant, mystérieux, qui fouille l'humain, l'enfance et la magie du quotidien, qui doit se laisser apprivoiser mais qui est beau et mérite le détour dans cette résidences de « fous ».
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Edward Carey est un auteur au style tout à fait particulier. Vous entrez dans son monde en ouvrant ce livre et vous vous laissez embarquer par l'histoire. Tout y est atypique, à commencer par les personnages, fascinants, sorte d'êtres en suspension entre deux mondes, ultra-sensibles et complètement décalés. Il y a le scénario bien sûr qui dépeint la dernière aventure de cette famille décrépite de la noblesse anglaise. Et aussi le style d'écriture d'Edward Carey qui est un monument à lui seul: affranchi des codes (comme ses personnages), bouleversant, puissant... J'ai été submergée par tout cela si bien que j'ai dût me procurer les quelques autres livres d'Edward Carey pour essayer de percer le mystère de cet auteur.
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L'observatoire. Un huis clos assez particulier autour d'un ancien observatoire devenu habitation pour particuliers. Hors du temps, hors de la réalité, comme un no-mens-land d'un quartier anglais voué à la démolition.
Des personnages atypiques définis par une particularité physique ou psychique vivant chacun dans leur propre monde.
Roman indéfinissable. Un moment lecture suspendu.
Il faut entrer dans ce monde la tête la première et y rester jusqu'à la fin.
Mais pas de demi-mesure. On aime ou pas.

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Comment décrire un tel roman ?
Après la trilogie des ferrailleurs, j'ai découvert un univers encore plus loufoque, encore plus décalé me semble-t-il... pour mon plus grand bonheur de lectrice. Ca a été une plongée en eaux profondes, dans le petit monde du Manoir de l'Observatoire de Francis, dans les souvenirs de ses parents, dans son rapport aux objets, aux autres et à lui-même. Une belle écriture et un beau scénario, que demander de plus ?
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L'Observatoire est un microcosme, une enclave isolée au coeur d'une petite ville d'Angleterre, qui réunit en son sein des individualités atypiques. Cette bâtisse, partie intégrante de l'ex domaine de Tearsham qui au fil du temps, grignoté peu à peu par la ville, s'est réduit à peau de chagrin, a été reconvertie en immeuble locatif. Sa décrépitude atteste du poids des ans, et pourtant il en émane une étrange énergie, à la fois dense et mortifère, liée à la dimension insolite de ses locataires.

Parmi eux, le narrateur, Francis Orme, est le fils des anciens propriétaires du domaine. A trente-sept ans, il vit d'ailleurs toujours chez ses parents, dans l'un des appartements de l'Observatoire.
Son père, désormais impotent, a toujours été une sorte de mort vivant, un contemplatif absorbé dans une immobilité quasi permanente, un rêveur amoureux des arbres et des étoiles. La mère n'est guère plus active : constamment allongée, elle ne consent à ouvrir les yeux que pour porter son regard sur l'un ou l'autre des objets souvenirs qui envahissent sa chambre. Francis aussi a ses manies : obsédé par la propreté de ses mains, il porte en permanence des gants blancs qu'il change à la moindre salissure, et entrepose dans la cave de l'immeuble, à laquelle lui seul a accès, une étrange collection dont je ne vous dévoile rien, tant il est plaisant d'avoir la surprise de la découvrir !

Hormis Francis et ses parents, l'Observatoire compte quatre locataires : Peter Bugg, percepteur retraité, dont le corps sanglote en permanence, déversant ainsi des litres de liquide... Claire Higg, qui vit dans un monde de fiction télévisuelle... une femme-chien... et un portier hostile et chuintant.
Ils constituent un monde parallèle, hors des de toute "normalité", et le narrateur n'étant pas le moins excentrique de la bande, il dépeint les lubies et l'étrange mode de vie de ses voisins avec un naturel réjouissant !

Tous les résidents de l'Observatoire ont au moins deux points communs : leur refus de quitter ce lieu si adapté à leur bizarrerie qu'il en est comme un écrin, et leur rejet vis-à-vis de tout ce qui vient de l'extérieur. Aussi, l'arrivée d'une nouvelle locataire suscite un émoi profond, chacun s'employant par tous les moyens à la chasser. Mais Anna Tap est coriace et résiste, malgré les marques de franche hostilité et de malveillance dont elle est l'objet. Sa ténacité lui permet d'apprivoiser peu à peu ses étranges voisins, qui semblent alors vivre un éveil certes douloureux mais nécessaire. le lecteur découvre ainsi les destins tragiques, les souvenirs douloureux que la torpeur dans laquelle ils s'étaient volontairement plongé avait pour but de faire oublier.

Quel plaisir que cette lecture où l'on navigue de surprise en surprise ! J'ai vraiment aimé me plonger dans cet univers à la fois sordide et inquiétant, sclérosé et fantaisiste. "L'Observatoire" est un récit décalé, glauque, et pourtant étrangement poétique.

La loufoquerie de Francis Orme ne l'empêche pas de s'exprimer dans une langue précise et profuse -un véritable régal-, et de faire preuve dans ses analyses d'une grande finesse de jugement. Edward Carey nous livre avec son "Observatoire" un roman drôle et insolite, et nous attache irrémédiablement à ses personnages extraordinaires.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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L'histoire des locataires de l'Observatoire, ancienne « propriété de maître », nous est racontée par Francis Orme, le fils des propriétaires. Francis Orme a la particularité d'être obsédé par la saleté et la poussière : il porte jour et nuit des gants de coton blanc. Il travaille comme mannequin dans un musée (célébrités en cire) puis dans un parc, « à son compte ». Les jours s'écoulent invariablement jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle locataire, Anna Tap. le quotidien de chacun est bouleversé : Claire qui ne vit que par et pour sa télé, la femme chien, le portier, Peter Bugg l'ancien précepteur de Francis … Un livre étrange où tous les personnages souffrent de « psychose », sur l'enfermement et l'incommunicabilité.
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Quel drôle de roman.
L' Observatoire, est le nom donnée par ses habitants à un ancien manoir de la campagne anglaise transformé il y a quelques années en une résidence regroupant plusieurs appartements. À travers l'histoire du lieux c' est également les histoires de ses locataires tous plus farfelus, mystérieux voir parfois complétement fous les uns les autres qui nous est raconté.
Ils forment une communauté des plus étranges, avec le temps ils ont appris à se connaître, c'est un petit groupe soudé qui va voir sa routine bouleversée par l'arrivée d' une nouvelle habitante.
C'est un roman plein d' humanité, de tolérance et de bonté, on oscille sans cesse entre l' humour et la tristesse, le suspens et la crainte, un condensé d' émotion et de sensibilité.
Caché derrière le farfelus de l'histoire, le lecteur trouve au fil des pages de plus en plus réponse.
C'est une lecture des plus étrange, une très belle réussite mais pas sûr qu' elle plaise autant à tout les lecteurs.
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L'OBSERVATOIRE, Edward Carrey

Je ne m'attendais pas du tout à vivre une expérience lecture comme celle-ci. J'avais déjà lu Petite ( qui nous relate le destin de Madame Tussaud) j'avais beaucoup aimé l'ambiance et la minutie avec laquelle Carrey nous décrit son monde avec des plein détails étranges.
J'ai bien apprécié le 1/3 du livre : c'était si étrange de découvrir ces curieux personnages aux obsessions et au train de vie décalée au travers du style bien particulier de l'auteur et du livre , emplit de quelques digressions, phrases courtes. L'auteur s'amuse avec les tournures de phrases et c'est là que l'on peut observer que ce dernier est aussi un dramaturge.

Le 2/3 du livre fut une torture. On se retrouve dans « l'air des souvenirs » de tous nos protagonistes et c'était vraiment vraiment vraiment ennuyant. J'avais l'impression que toutes ces descriptions et digressions incessantes n'apportaient rien au récit, enfin, rien à part l'alourdir.

Là j'ai fait une grosse pause dans ma lecture et j'ai hésité à vraiment l'abandonner.

Le 3/3 fut un petit soulagement de finir ce livre mais aussi par ce que des révélations sur certaines tares des personnages sont faites, on a une version de la réalité plutôt rationnelle(et crue) qui casse avec la 1er partie du livre, qui elle est complètement loufoque.

J'ai beaucoup apprécie le fait que Francis vole, récupère et collectionnent les objets des habitants ou ce qu'il trouve dans la rue, à la fin du livre vous avez la liste des 996 objets ( dites un nombre entre 1 et 996 et je vous indiquerais l'objet en question en commentaire :D)

Je ne sais pas si je conseille cette lecture au vu de toutes les particularités du style et du récit. Peut-être pour les curieux d'une littérature de ce genre.
Dans mon envie de découvrir tous les livres de l'auteur je devais passer par là.

Lien : https://www.instagram.com/kh..
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Avant d'entamer la trilogie Ferrailleurs, je suis rentrée dans l'univers d'Edward Carrey par son roman l'observatoire... Et quelle belle entrée en la matière. L'univers de l'auteur est unique. de sa formation de dramaturge, sa construction des personnages qui hantent ce roman est magistrale. Aucun personnage n'est lisse non, ils sont tous comme un vieux parchemin usé par le temps. Rentrer dans l'univers de Carey, c'est comme regarder un film de Tim Burton ! C'est un univers gothique et sombre où les objets (oui comme dans les Ferrailleurs) nous racontent des histoires. Bref un univers qui vaut le détour.
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