- Qu'y a-t-il dans le feu, Michael ?
- Tout ce que quelqu'un veut voir, affirma le prévenu avec un sourire sinistre.
Les gens n'aiment pas parler mais, sans aucun doute, ils aiment être écoutés.
Des morts qui ne savaient pas qu'ils étaient morts et des vivants qui ne pouvaient pas mourir.
Parce que la réelle difficulté n'est pas d'affronter le jugement des autres, mais de vivre chaque jour et chaque nuit avec l'idée de ne pas ressembler au brave type que l'on pensait être.
[…]Surtout, ils représentaient un échappatoire. Sa façon de disparaître. Elle se plongeait dans la lecture et tout le reste - y compris elle-même - cessait d'exister. Dans les livres, elle pouvait être n'importe qui. Ce qui revenait à n'être personne.
Ils attendaient depuis des années que quelqu'un se présentât pour les libérer de la malédiction de ressembler aux vivants. Comme dans un conte macabre, il suffisait de prononcer un mot secret.
Leur nom.
Je viens de l’obscurité et c’est dans l’obscurité que je dois retourner…
Elle se tourna vers le berceau pour récupérer la poupée et sortir au plus vite.
- Elle s'appelle Na, dit la femme. Du moins, c'est le nom qu'elle lui donne. Quelle mère serais-je, si je ne connaissais pas le nom de la poupée préférée de ma fille?
Et elle, a-t-elle un prénom ? Mila était curieuse, mais elle ne posa pas la question. Le monde extérieur ne savait rien de l'enfant. La policière imagina ce qui serait arrivé si elle n'était pas venue.
Personne ne cherche une petite fille qui n'existe pas.
La femme, percevant le dégoût dans son regard, devint hostile.
- Je sais ce que vous pensez, mais nous ne somme pas des assassins. Nous ne l'aurions pas tuée.
-C'est vrai, lui accorda Mila. Vous auriez attendu qu'elle meure.
– La lionne qui tue des bébés zèbres pour nourrir les siens est-elle bienfaisante ou malfaisante? Bien sûr, le zèbre souffrira de la perte de ses petits, mais l’autre possibilité est que la lionne voie les siens mourir de faim. Les catégories du bien et du mal se confondent parce qu’il n’existe pas de lions végétariens, n’est-ce pas? Dans le monde animal, quand le choix est obligatoire, le jugement reste en suspens. Mais pour les êtres humains?
– Nous sommes plus évolués. Choisir entre le bien et le mal devrait être plus simple.
– En réalité, la réponse est dans une autre question. S’il existait un seul homme sur la terre, serait-il bon ou mauvais?
– Ni l’un ni l’autre… ou peut-être les deux.
– Exact. Les deux forces ne constituent pas une dichotomie, deux opposés nécessaires supposant que le bien n’existerait pas sans le mal, et vice-versa. Parfois, le bien et le mal sont le résultat d’une convention mais, surtout, ils n’existent pas sous une forme absolue. L’Hypothèse du mal dit: le bien de certains coïncident toujours avec le mal d’autres, mais le contraire vaut également.
– C’est un peu comme affirmer qu’en faisant du mal on peut aussi faire du bien, et que pour faire du bien il est parfois nécessaire de faire du mal.
Dans le fond, les policiers étaient habiles pour forcer la réalité: quand ils se retrouvaient dos au mur, plutôt que d'admettre qu'ils étaient en difficulté, ils interprétaient les faits pour prouver qu'ils avaient toujours le contrôle de la situation.