AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782724612097
172 pages
Les Presses de Sciences Po (06/06/2011)
3/5   1 notes
Résumé :

L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne divise. Jamais élargissement n'a suscité autant de réactions contrastées, voire d'oppositions radicales. Cette candidature soulève en effet des enjeux inédits sur l'identité, les valeurs, les frontières et le déficit démocratique de l'Europe. Ces débats nous parlent avec force des non-dits d'une construction européenne fondée sur d... >Voir plus
Que lire après La Turquie en Europe : L'opinion des Européens et des TurcsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Pendant de nombreuses années, la Turquie s'est rapprochée de l'Europe dans l'indifférence. L'accord d'association de 1963, le dépôt de la candidature turque à la CEE en 1987 étaient à l'époque passés inaperçus. C'est seulement dans les années 90, lorsque l'adhésion turque est devenue une perspective concrète, que les passions se sont enflammées. Aucun des six élargissements qu'a connus l'Union européenne à ce jour n'a entraîné de polémiques aussi virulentes. Dans tous les pays, dans tous les partis politiques, des réactions parfois radicales, jamais indifférentes, ont vu le jour.

En dignes émules de l'école française de science politique, Bruno Cautrès et Nicolas Monceau utilisent les sondages d'opinion pour dresser un tableau nuancé et complexe du rapport des Européens à la Turquie et des Turcs à l'Europe. le premier est un spécialiste de sociologie électorale qui a longuement étudié la relation des Français à l'Europe. le second est un jeune sociologue dont la thèse, remarquée, était consacrée au rôle des élites dans la vie politique turque.

Ils montrent en premier lieu que, si la majorité des citoyens européens rejette la candidature de la Turquie (59 % d'opinions défavorables dans le dernier sondage Eurobaromètres fin 2010), des variations significatives existent d'un pays à l'autre. La France et l'Allemagne sont parmi les plus hostiles. le Royaume-Uni, la Suède ou la Roumanie parmi les plus favorables. L'euroscepticisme est une variable médiocrement explicative : les pays eurosceptiques peuvent aussi bien soutenir l'adhésion de la Turquie (c'est le cas de la Suède ou du Royaume-Uni) que la rejeter (l'Autriche). En revanche, la corrélation est forte entre l'hostilité au processus d'élargissement de l'UE en général et l'hostilité à la candidature turque en particulier.

Ils expliquent en deuxième lieu cette pluralité des configurations nationales par une multidimensionnalité des opinions sur la Turquie. Celle-ci est moins sociologique que nationale. D'un pays à l'autre, les opinions à l'égard de l'adhésion turque connaissent une sociologie relativement récurrente opposant les élites aux citoyens : le rejet est plus net dans les catégories les plus âgées, les moins diplômées, les plus rurales et les plus modestes. En revanche, les opinions varient considérablement d'un pays à l'autre en fonction d'enjeux spécifiquement nationaux.
Ainsi, les motifs de l'hostilité des Français et des Allemands à la candidature turque ne se recoupent pas. La « différence culturelle » n'a pas la même signification des deux côtés du Rhin : en Allemagne, la question du rapport à l'Islam est posée en termes d'héritage chrétien alors qu'en France, c'est la défense de la laïcité qui nourrit l'hostilité à la Turquie de l'AKP. de même le retard économique de la Turquie ne nourrit pas les mêmes craintes : l'Allemagne redoute l'alourdissement de sa participation budgétaire alors que la France s'inquiète des risques de délocalisation. Enfin, l'Allemagne, qui accueille plus de deux millions de Turcs, appréhende une immigration massive.
Réciproquement, le Royaume-Uni, qui a toujours fait prévaloir l'élargissement sur l'approfondissement, et qui n'a pas la même conception que la France ou que l'Allemagne, de l'intégration et du multiculturalisme, a toujours été favorable à la candidature de la Turquie. Il en est de même des nouveaux Etats membres d'Europe centrale et orientale, même si, les années passant, leur soutien de principe à l'élargissement s'est amenuisé.

En troisième lieu, les auteurs analysent, tel un miroir inversé, le sentiment des Turcs à l'égard de l'Europe. Ils identifient un « consensus permissif » caractérisé par la conjonction d'un soutien fort à l'adhésion et d'une connaissance très faible de l'Europe, de l'histoire et de ses institutions. Cette situation, dérivée de la confiance du peuple dans le projet européen poursuivi par ses élites, a toutefois évolué depuis 2004 sous le poids des désillusions. le rejet que leur candidature suscite et le manque de confiance dans la sincérité des Européennes à négocier l'adhésion nourrissent la montée de l'euroscepticisme.

Qu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, le débat autour de l'élargissement turc concerne finalement moins la Turquie que l'Europe. Il n'est d'ailleurs pas anodin qu'il est coïncidait avec l'échec des référendums français et néerlandais de 2005 et l'abandon du projet de Constitution européenne. Ces deux débats posaient en effet des questions similaires sur l'identité, les valeurs, les frontières et le déficit démocratique de l'Europe.
Commenter  J’apprécie          130
Les auteurs s'attachent à caractériser l'opinion publiques des européens sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, puis approfondissent ces points de vue en détaillant les opinions en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Enfin, ils s'attachent à comprendre l'opinion turque sur l'adhésion en Turquie.
D'une manière générale, l'opinion publique européenne s'oppose à l'adhésion tandis que (le livre date de 2010) la population turque reste favorable, malgré une baisse très importante du soutien à l'adhésion entre 2003 et 2010 (divisé par deux). En France, c'est la crainte des délocalisations et du chômage qui justifie les craintes et en Allemagne les différences culturelles et économiques. le Royaume-Uni était plutôt favorable à l'adhésion, percevant un élargissement de l'Union préférable à un approfondissement. En Turquie, les élites et les politiques étaient optimistes sur l'issue de l'adhésion et très fortement favorables tandis que la population était très minoritaire sur les possibilités d'une issue positive de l'adhésion et moins fortement favorable à l'adhésion. Les bénéfices attendus concernent une amélioration de la prospérité économique et de la démocratie. Mais l'enthousiasme de l'adhésion était alors refroidi par l'idée répandue en Turquie d'une manoeuvre de l'Europe de reprendre sa domination sur la Turquie au travers des critères de Copenhague et de l'adhésion à l'Union. Cette idée s'appuie sur les souvenirs du Traité de Sèvres, de la dislocation de l'Empire ottoman et de l'idée de la constitution de l'Etat-nation turc contre l'Europe. Une adhésion serait, selon cette conception d'une partie de la population, la fin de l'identité turque.
Les auteurs concluent que les réponses données par la population turque à l'adhésion convergent avec les observations réalisées auprès des Pays d'Europe centrale et orientale lorsqu'ils étaient candidats et évoquent la normalisation d'une "candidature ordinaire".

La synthèse date un peu mais permet néanmoins de mettre en relief l'expérience "anti-adhésion turque" dont nous gardons le souvenir en France. On se rend également compte que les critères géographiques et religieux qui avaient été fréquemment employés reviennent peu dans les opinions des européens qui insistent surtout sur le respect des droits de l'homme et de la démocratie. On retrouve également en Turquie les résistances au supranationalisme comme dans tous les autres pays européens. L'ouvrage incite à approfondir la conception que les Européens ont de l'Union européenne, qui semble plus mature selon ces premières approches que les antiennes brutales relayées par les médias.
Commenter  J’apprécie          32

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[54% des Turcs interrogés] estiment que les Etats européens essaient actuellement [en 2010] de diviser la Turquie et de la gouverner, de la même façon qu'ils ont tenté par le passé de régner sur l'Empire ottoman, tandis que 33% pense le contraire et 13% n'expriment pas d'opinion.
Commenter  J’apprécie          10
Le syndrome de Sèvres reposerait ainsi sur le souvenir traumatisant d'une confrontation violente avec l'Europe, dont les exigences communautaires actuelles ne constitueraient que la réactualisation sous d'autres formes d'une volonté hégémonique sur le pays, qui s'est incarnée par le passé à travers les croisades, les capitulations ou encore ce traité de Sèvres marquant le découpage territorial de la Turquie.
Commenter  J’apprécie          00

Video de Bruno Cautrès (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bruno Cautrès
Maintes fois repoussée, la présentation du projet de loi immigration se fera au Sénat le 6 novembre 2023, avant que le texte n'arrive à l'Assemblée nationale début 2024. de la droite qui milite pour un référendum, à la gauche qui demande des mesures "humanistes", comment le débat pour une nouvelle poltique migratoire est-il instrumentalisé par la classe politique en France, et même en Europe ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : Bruno Cautrès, politiste, chercheur CNRS au Cevipof, professeur à Sciences Po Paris Camille le Coz, chercheuse au sein du think tank Migration Policy Institute
#immigration #politique #justice
____________ Découvrez tous les invités des Matins dans "France Culture va plus loin" https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins
Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
+ Lire la suite
autres livres classés : union européenneVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (3) Voir plus




{* *}