Sigmund Oropa est un modeste magistrat au sein de l'Office des fraudes de l'Union Européenne ayant ruiné, du fait de ses postures intransigeantes confinant à l'arrogance, ses chances d'une carrière prestigieuse au sein de la commission européenne.
Il enquête sur une affaire de détournement de fonds destinés aux réfugiés : la construction d'un « hotspot », « sur les côtes ottomanes », par une société « Arcadia », où il est question « de verser des fonds à un agent communautaire pour gagner le marché ». (P.30). Ces précisions s'imposaient… Nous y reviendrons.
Dès lors Oropa s'embarque dans une galère - non pas pour « s'y taire » ni pour Cythère, mais pour Salonique, Idoménée ou encore errant dans les couloirs du palace du Sun Beach Hôtel - il va se faire entendre et connaitre, dans une poursuite effrénée autant contre la corruption qu'à la recherche d'une gloire et d'une reconnaissance personnelles, dans sa quête de réparation des fêlures familiales et de son égotisme.
Bien mal lui en a pris, le justicier est projeté au sein d'une organisation mafieuse qui le dépasse : technocrates psychorigides, employés de l'office des fraudes compromis, espions, son ancien grand amour de jeunesse impliqué dans la sulfureuse société « Arcadia », mais aussi des personnes assassinées…
«
L'hymne à la joie » (Éditions du faubourg, 2021) est un roman d'
Aram Kebabdjian qui est, sans aucun doute, un bon écrivain et romancier - étant donné ses précédents romans : « Pour
Les Désoeuvrés » (Seuil, 2015), «
le songe d'Anton Sorrus », (Seuil, 2017) – récompensé du Grand Prix de la Société Des Gens de Lettres.
Néanmoins «
L'hymne à la joie » est un mauvais roman, une imposture littéraire et subversive qui répand des discours ambigus et pervertis des pays du Sud à l'endroit de l'Occident.
Marc Augé, anthropologue et ethnologue, affirme que « l'on dit les idéologies mortes, mais les plus efficaces sont celles qu'on ne perçoit pas comme telles ». Ces propos de bon sens résument excellemment la démarche d'
Aram Kebabdjian dans «
L'hymne à la joie ».
Sous le prétexte d'un « conte philosophique » - expression inadéquate - l'auteur trompe le lecteur à un autre titre plus grave.
Le récit n'est pas en filigrane un réquisitoire contre la dérive de l'union européenne et de ses idéaux, mais une attaque en règle de celle-ci et, plus généralement de l'Occident, et de sa politique migratoire – pourtant, et à juste raison, bienveillante autant que faire ce peut.
Partant, le roman apparait comme la copie conforme du programme politique de certains partis politiques de la gauche extrême et manichéenne.
Revenons au fait déclencheur du roman : Oropa souhaite démanteler une société – Arcadia (le nom n'est pas choisi au hasard) – désireuse de construire des hotspots, société qui aurait obtenu le marché grâce à la corruption d'un fonctionnaire de l'Union, Sabiani.
Or, ces faits ne constituent pas une invention romanesque de l'auteur, mais un travestissement de faits réels à des fins déloyales. Et c'est là qu'apparait toute la duplicité et la malhonnêteté de l'auteur. Il s'agit, effectivement, d'un projet de l'Union, au début de l'année 2016, dans la région précise située par le roman, destiné à l'installation de hotspots, qui a donné lieu à un rapport accablant du GISTI du mois d'octobre 2016. Mais en aucun cas, il n'est question de ce que dénonce
Aram Kebabdjian, à savoir l'immobilisme, la technocratie ou, pire, la corruption de l'Union européenne.
L'on connait bien, en revanche, la « politique » de ces organisations « d'aide aux immigrés » prêtes à violer ostentatoirement les lois des États souverains occidentaux, mais qui, dans le cas de l'espèce, mettent en cause la Turquie et le chantage de son président Erdogan, ce que jamais ne dénonce l'auteur….
Tout est ainsi construit dans le roman. Les méchants occidentaux qui aliènent les déplacés : aucune hauteur de vue, aucun recul, aucun sens des réalités : « On construit des camps dans le désert… Pour retenir les populations de déplacés… empêcher qu'elles arrivent chez nous. Des gens qui crèvent la dalle, qui fuient la guerre et meurent dans ces camps-là… Sabiani se sucre au passage… (P.71)
« L'Union avait favorisé des partis peu recommandables » (P.220)
Tout le livre est une diatribe contre l'Occident par invention, dénaturation de la réalité et la minimisation des comportements, très discutables, des associations, ONG et passeurs de migrants.
Quant à la fin de l'ouvrage, c'est un déchainement à l'endroit de l'Union européenne et de l'Occident.
Sur la forme, l'écriture est exécrable. Des phrases n'ont aucun sens et sont naïves. Simplement quelques exemples :
- Sa mâchoire tombait au sol, le sol s'effondrait dans les soubassements dans le dedans et le dedans remontait en haut, (P54)
- Étrange sentiment qu'Angèle se soit mise à parler… avec sa bouche et sa langue (P.50),
- Ses sourcils flottaient, ils se fondaient dans le décor, son imperméable avait la même couleur que son teint, qui avait la même teinte que les murs et les murs que le ciel, c'est-à-dire gris…. (P.53),
Vers minuit, le juge accomplissait encore les gestes de cette comédie que l'on appelle « chercher le sommeil » (P.57),
- Ruth avait badigeonné les cloisons de ce jaune pisseux que se choisissent les dépressifs, pensant égayer leur cadre de vie (P.57),
- Oropa sentait qu'il lui manquait un élément pour remettre en perspective ce qui avait bien pu se passer dans son existence ce qu'il appelait la sienne (P.57),
Et tout est ainsi : le degré zéro de l'écriture.
L'« Ode à la joie », appelée également « Hymne à la joie », est un magnifique poème de Friedrich von Schiller (1975), connu, comme fin du quatrième mouvement de la 9e Symphonie de Beethoven – hymne officiel de l'Union Européenne -aurait mérité davantage de respect.
Je ne conseille pas ce livre.
Michel.
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