Ton amour est dans ma vie comme un roseau dans les bras du vent.
Tout est clair, parfaitement, je ne vis pas sans lui, c'est tout.
Cela ne durera certainement pas toute la vie, je n'en suis plus à rêver à ces sortes de choses : je connais l'usure, l'érosion des images, des visages...
Mais il y a ce présent, cette envie en moi, ce besoin de lui...
Je sais que cela aussi mourra sans doute, mais il n'y a rien de vivant que ce qui meurt.
D’ailleurs, avec une lente surprise, Pierre Formier s’aperçoit que les intérêts d’autrefois le quittent peu à peu. L’autre soir, il n’a pas regardé le match jusqu’à la fin. Son amour du football l’abandonne doucement. D’autres choses disparaissent. Un jour, peut-être, tout sera devenu équivalent, il vivra dans l’indifférence, dans une paix terne, sans surgissements.
Les hommes ont toujours besoin de prévisions.
Les désespoirs sont des nimbus, un rien peut les faire crever et changer de visage. Ils s’effilochent alors, et meurent par bribes, ils se dissolvent dans les nuées. Je me sens parfois comme eux, tout de même, gorgée d’eau et changeant de forme.
Les opéras ont des fins qui ne ressemblent pas à celles de la vie.
Une fissure : le masque se défait. Ce n’est jamais vrai que l’on n’a plus de larmes, il en reste toujours.
Pour les gens, on ne quitte pas un handicapé. Si nous divorçons, il est évident que j’aurai tous les torts. Je n’ai pas d’amant et tu as une maîtresse, mais cela ne compte pas. On ne quitte pas un homme dans ta situation sans être considérée comme une salope. On pensera, de plus, que, si tu as une maîtresse, j’y suis évidemment pour quelque chose.
Je n’ai jamais autant fumé. Chaque cigarette est une aide, un petit cylindre inefficace dont je crois toujours qu’il contient une réponse… Je n’encombrerai pas ta vie de celle d’un infirme. Même si tu m’en suppliais.
Quant au regard, n’en parlons pas, cela ressemble à une flaque d’eau croupie peuplée de lueurs maléfiques. Il s’incline toujours servilement devant ses futures victimes, et c’est, bien sûr, pour mieux leur sauter sur le ventre, à pieds joints, lorsqu’elles seront en son pouvoir.