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Adrien Pasquali (Traducteur)
EAN : 9782889600885
180 pages
La Baconniere (20/01/2023)
3.93/5   15 notes
Résumé :
Avec un désenchantement chirurgical et une ironie savamment dissimulée, Alice Ceresa dresse le portrait intimiste d'une famille ordinaire et aliénée, et décrit les rapports entre chaque composant - un père, une mère et deux soeurs -, le jeu de forces et de tensions qui les agrègent, dans le quotidien partagé au fil des années, de l'enfance à l'âge adulte. Proche de l'Agota Kristof du Grand Cahier, Bambine (Einaudi, 1990) est servi par une écriture limpide et féroce.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
« Nous savons tous que l'on peut dire des choses abstraites avec la réalité et des choses très réelles avec des rêves et l'imagination pure. Personnellement, j'espère juste avoir écrit un livre décent. »
Ainsi commence « Bambine », troisième volume après « La fille prodigue » en 1967, qui remporte le prix Viareggio, puis « La mort du père » en 1979.
Fil rouge intrinsèque sur la symbolique du féminin et « les dynamiques familiales ».
« Il est nécessaire de dessiner pour commencer une petite ville. »
D'emblée on pressent le renom, une écriture particulière, adroite et unique. Ici, pas de fioritures, de dialogues, de surplus. Nous sommes dans une modernité avouée, certifiée. Une écriture personnelle et altière, divinement libre et assumée.
« Elle ne sait en fait à quel saint se vouer et elle commence à s'embrouiller et à s'égarer dangereusement entre l'être-mère et l'être-épouse, qui sont naturellement deux choses différentes même si, changement, l'une donne son essor à l'autre. »
Mère de deux fillettes, l'aînée et la cadette, nommées ainsi. Une mise en abîme, tel un scénario, un quasi huis-clos, où pas une minute n'échappe au regard aiguisé d'Alice Ceresa.
Une femme qui se sent dénigrée dans son rôle de mère, soumise à la domesticité latente et sournoise. Sa progéniture soignée plus que bercée. Les gestes au ralenti, l'amour inexistant. Un mari préoccupé de sa petite personne, résolument oppressant, sévère et patriarche jusqu'au paroxysme.
Ce récit taillé au scalpel, la sociologie dévorante, étudiée à la loupe, ne laisse rien dans les angles et capte l'attention affûtée d'Alice Ceresa.
« Cet homme en fait ne regarde chaque chose que pour la soupeser et éventuellement la blâmer… Même si les rares démonstrations d'affection sont, si possible, à éviter, parce qu'elles comportent elles aussi le regard dans le regard dont, craignant le pire, elles sont plus qu'incapables… Elles peuvent pourtant se livrer à des expériences en cachette… L'homme peut rester tranquille, et en fait, il est tranquille. »
Deux petites soeurs, siamoises dans l'adversité, éloignées dans l'enjeu des expériences.
« Sortant des lieux connus, les deux petites soeurs avancent en se tenant par la main, apeurées mais pleine d'assurance. »
Elles évitent le genre masculin dans leurs pérégrinations. Elles déambulent, curieuses et lucides des disparités avec leurs parents.
Lui, aimant peu ses enfants, fillettes qui dérangent sa tranquillité, pourrait le faire douter. Assume sa froideur au fronton des interdits. Sa femme, limitée à la sphère domestique et avilissante.
Ce récit est un kaléidoscope psychologique, hypnotique. La démonstration appliquée par une littérature souveraine, moderne, tirée au cordeau. Une famille décryptée au peigne fin. Ici, l'idiosyncrasie du corpus identitaire est dévoilé avec brio, analyse et pertinence. Dans ce livre la fiction n'est plus. La trame est vive, sans pathos, mature et certifiée.
Écoutez : «  La mère en revanche ne dit rien, vouée comme elle est à la vie quotidienne. On peut la distraire et la solliciter à volonté, et elle s'exprime totalement dans ses gestes. de ce fait, elle est reçue avec une extrême inattention. »
C'est un livre efficace, dont le style laisse sans voix, tant les émotions sont inexistantes.
« Bambine » est envoûtant, de haute précision, extraordinaire. le vacillement dans une famille radicale. Il éveille notre fébrilité d'écouter une langue rare, inventive, au libre-arbitre avéré. Alice Ceresa transperce dans ce récit. Avant-gardiste, elle tisse, sans le dire un seul instant les masculinités dévorantes qui foudroient tout désir d'envol. C'est une fresque sans lyrisme, fascinante et sublime de justesse. Inestimable, tant son ressac est révélateur.
Publié en 1990, puis traduit en 1993 par les Éditions Zoé, la chance fabuleuse de le savoir réédité par les Éditions La Baconnière en cette rentrée littéraire hivernale de 2023. Traduit de l'italien par Adrien Pasquali, traduction révisée par Renato Weber, vous l'aurez compris c'est une chance éditoriale hors norme.
À noter : ce roman comporte une biographie d'Aselle Persoz, l'interview d'Alice Ceresa par Francesco Guardiani, le roman en lui-même, et l'étude en pages finales d'Anneta Ganzoni « Bambine », le roman « raffiné et cruel » d'Alice Ceresa et ses traductions.
Un grand classique de la littérature, précieux et inestimable.


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Merci encore à Babelio pour son Masse critique de Janvier, grâce à cette opération, j'ai gagné ce livre (éditions de la Baconniere). Adresser un livre d'une auteure née à Bâle, puis ayant vécu au Tessin et en Italie, à une fille d'émigrés italiens comme moi, qui vit dans la ville de Bâle depuis 13 ans et qui a vécu également en Italie, c'est faire un couple parfait. Je n'avais jamais lu Alice Ceresa, et la lecture de Bambine me donne envie d'en lire encore. Son écriture et son style si particulier, si dangereusement histologique, que l'on pourrait imaginer l'auteure face à son microscope, ou scalpel en main et dictaphone dans l'autre pour décrire ces deux petites filles si communes et si particulières à la fois. Ce qui étonne dans ce style, c'est le détachement, et la pointe d'humour qui l'accompagne, dans les descriptions qui ont ce gout si autobiographique que de page en page, on cherche à savoir si l'auteure était l'ainée ou la cadette, puisque tous les champs restent ouverts et qu'aucune indication dans sa biographie n'aide à cela.
Concernant ces personnages, ils sont comme caricaturés au possible, pour leur donner un impact plus grand, une généralisation de l'argument majeur, celui de l'étude de cette famille, classique, avec un père puissant, taiseux, une mère effacée, et dédiée aux choses de la maison, et les deux petites qui grandissent dans cet environnement. Leur apprentissage des choses avec toujours le tacite pouvoir du père, la soumission de la mère comme clé de lecture. Une mise en évidence de la société italienne, machiste, mais aussi matriarcale, et donc une nécessité pour les deux petites de trouver leur place, sans aucune aide extérieure, et là seules deux solutions, reproduire ou briser ce moule. Une étude très forte qui donne à réfléchir sur la difficulté de changer les mentalités enracinées dans des siècles d'acceptation. J'aurai encore plus apprécié la lecture de ce livre en italien. Une très belle découverte.
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Une biographie et une interview passionnantes entament ce petit OVNI littéraire d'une unicité et d'une implacabilité saisissantes ! Les éléments personnels qui y sont distillés, accompagnent à merveille la lecture de Bambine. La singularité d'Alice Ceresa transparaît avec une évidence effarante et époustouflante.

On débute ce roman avec la description de cette famille, qui de toute évidence pourrait représenter n'importe quelle autre famille. Mais la façon incomparable et inébranlable dont l'auteure nous la dépeint, est une merveille de réalisme empreinte d'un cynisme à peine voilé.

La rigueur, la précision avec lesquelles Alice Ceresa nous décrit chacun des membres de cette famille est remarquable par son intransigeance. On sent à travers ces portraits un besoin, une recherche de valeurs, de convictions, de conscience, d'intelligence émotionnelle qui fait cruellement défaut à ce modèle familial déprimant et désespérant.

Très tôt on détecte la dénonciation de l'incapacité parentale qui semble s'être installée de générations en générations. Une tare incommensurable et source de conséquences multiples et pourtant si souvent niées avec le plus grand soin et la plus opportuniste des mauvaises fois. Une foultitude de traumas qu'on laisse traîner, et ainsi, une foultitude de familles dysfonctionnelles font leur entrée en ce monde.

Le style d'écriture dont use Alice Ceresa est de prime abord quelque peu déroutant. On croirait s'être lancé dans la lecture d'une étude sociologique et comportementale au sein d'une famille lambda. Ce choix relève tout simplement du génie. Il donne le ton, il laisse son empreinte unique et nous plonge dans une expérience. On sort de la simple lecture. On vit l'Expérience Alice Ceresa.

Ce chemin parcouru aux côtés de ces deux fillettes que l'on voit grandir et se préparer à la vie, est à la fois déconcertant et incroyablement touchant. le rôle des parents étant évidemment déterminant.

L'écriture est incisive, tranchante, sans aucune concession. L'écrivaine nous offre la vérité, le réel, l'authenticité de notre statut d'être humain, dans toute son originalité et dans toute sa médiocrité.
La description de la machine familiale par Alice Ceresa est si écrasante, si dure, si inflexible, qu'elle apparaît presque cruelle. Ces sensations sont exacerbées par l'utilisation de mots complexes et rares, de phrases souvent lourdes et longues qui transfigurent l'ouvrage.

La lecture de la vie de ces deux fillettes qui deviennent femmes est sans nul doute inoubliable.
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Bambine n'est pas un roman. C'est le deuxième écrit de la trilogie d'Alice Ceresa consacrée à « la vie féminine.
L'auteure décrit d'une façon clinique, froide , le fonctionnement d'une famille patriarcale en se centrant sur les souvenirs d'enfance et d'adolescence des deux filles, « l'aînée «  et la « cadette ».
En italique, Alice Ceresa , dresse au tout début du livre un cadre plutôt universel et intemporel dans lequel évoluent en vase clos les quatre membres de la famille.
La hiérarchie est déterminée par la naissance et le sexe. Les enfants sont des élèves qui imitent .
A la naissance des filles le mari et la femme se transforment en père et mère, chacun restant attaché (e) à sa famille d'origine ce qui l'oppose à la famille de l'autre.
L'auteure relève les particularités paternelles dans leur fonction spécifique à l'homme de façon chirurgicale : les cheveux, les pieds,le nez, le regard .Quand les filles deviennent adolescentes,le contrôle exercé sur elle par leur père et la gent féminine est caricatural..,.
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Livre reçu dans le cadre de Masse critique de janvier. Je remercie les organisateurs et les Editions La Braconnière pour cet envoi.
Si je m'en tenais à noter cet ouvrage pour son écriture, je mettrai sans hésitation 5 étoiles. Cette notation descend à 2 étoiles en raison du manque d'intérêt que j'ai trouvé dans cette lecture, et cela malgré sa qualité littéraire.
Dans ce roman, il n'est pas question d'une histoire mais d'une succession d'épisodes décousus de vies d'une famille patriarcale composée du couple parental et de ses deux filles. Les chapitres pourraient presque être lus indépendamment, ils se suffisent à eux seuls. L'écriture est particulière, froide, sans émotion, snobe, chirurgicale, se rapprochant dans une certaine mesure d'un compte rendu médical voire judiciaire. Les phrases sont longues, à n'en plus finir, au point qu'on en perd le sens une fois arrivé à leurs termes. le lecteur peut se sentir essoufflé par cette narration sachant que ce texte se lit d'une traite.
Je vous invite à vous faire votre propre avis au regard des critiques dithyrambiques rencontrées. de mon côté, la famille au centre de ce roman sera très vite oubliée.
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critiques presse (1)
LeMonde
14 avril 2023
La puissance de ce texte est d’être antipathique… Il rejette de bout en bout l’empathie propre au roman, il déjoue l’identification et refuse de faire des femmes et des jeunes filles des objets d’attention. Il offre, ainsi, une expérience stupéfiante du renversement féministe des points de vue.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Elles peuvent pourtant se livrer à des expériences en cachette. Les deux petites sœurs s'asseyent l'une en face de l'autre et se regardent mutuellement dans les yeux. Le jeu, soumis semble-t-il à des règles sévères, ne paraît pas très facile. Il s'agit en fait de ne pas battre des paupières durant l'opération, même minimement, ni de détourner le regard en quelque direction que ce soit, auquel cas il faut recommencer péniblement depuis le début. Le but de l'opération est évidemment de reproduire en se raidissant le regard paternel, chacune étant juge de l'autre. (page 50)
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Dans un intérieur respirent et se meuvent les éléments d'une petite famille. C'est un noyau sous vide qui s'exprime par des opérations infimes dont il est difficile, si ce n'est impossible, de suivre les déroulements moins banals que ceux des simples tâches de la vie matérielle. (page 29)
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