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Critique de Alzie


Panache français ? On sourit. Avec un grand-père engagé en 1914 dans la légion Garibaldi sous le commandement du fils du fameux chef des Chemises rouges héros de l'unité italienne on comprend pourquoi F. Cerusa, modestie oblige, réserve quelques pages à la légion étrangère (quatre-vingt-huit pas à la minute, vous savez...) dans son Dictionnaire égoïste (lettre L) pour faire l'éloge de Domenico son aïeul illustrant à ses yeux l'audace et la valeur d'un engagement ne manquant pas de panache partagé par tous ceux de ses amis de la légion (dissoute en 1915) alors que l'Italie affichait sa neutralité au début du premier conflit mondial (Parmi les engagés Curzio Malaparte et Lazare Ponticelli dernier Poilu français mort en 2008). Il est vrai que notre auteur affirme : " J'ai gardé une certaine nostalgie du sens de l'honneur et de l'esprit de chevalerie (p. 260)" et qu'il ne manquait pas de modèles pour ce qui touche à la lettre C sous laquelle Domenico aurait pu dignement figurer : Coco Chanel ; Henriette Caillaux ; Georges Clémenceau ; Maurice Clavel ; Jean-Pierre Chevènement ou François-Athanase Charette de la Gondrie forment avec tant d'autres, aux noms égrénés au fil des lettres de l'alphabet, une galerie de courts portraits aussi hétéroclites que brillamment saisis et documentés à travers lesquels l'auteur cinéphile illustre et décline son goût du panache et son sens de la formule lapidaire dans un style incisif où perce la causticité et l'énervement pour des contemporains qui en manqueraient furieusement. Cinquante-deux entrées au total, toutes très plaisantes à lire, quelques-unes saillantes ou d'autres plus surprenantes comme "Lavisse" (le sport pas oublié non plus), chaque lecteur aura ses préférences, Hélène Boucher a la mienne. Alors qu'est-ce que le panache à la française selon Cerusa me direz-vous ? Beaucoup de choses à vrai dire, une invention franco-française aux variations multiples, une façon pour lui de se raconter aussi peut être comme dans ses pages sur Gérard Philipe et quelques autres...

Entre raison et délire, le panache est de cape et d'épée, déteste la bassesse, sait dire "non", et se mesure d'abord gauloisement selon notre auteur aux aventures d'Asterix ou littérairement à la bravoure et l'inoxydable fidélité des incontournables mousquetaires – retenant Athos en particulier –, et à Cyrano bien sûr, c'est « l'éclat des vaincus », l'élégance des perdants magnifiques, autant que le rire et la fête, effectivement présents ici ; historiquement on retrouve Jeanne d'Arc et Philippe Auguste, le Général seul contre tous ou Jean Moulins trahi "Le panache assassiné", Guy Mocquet exemplaire, mais le panache est aussi musical avec Brel ou pictural et grandiloquent avec les Pompiers (les peintres Gérôme, Bouguereau, Cabanel, Gervex) ! scientifique avec Marie Curie ; culinaire près des fourneaux. Bernard Loiseau illustre pudiquement la part de désenchantement inhérente au panache : « On le croyait Porthos, il était Vatel » ; panache qui fut révolutionnaire avec Danton, courageux et féministe chez Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt ; c'est l'étoffe d'un Gabin, le goût du baroud, de l'insouciance, du risque, l'appétit de vivre et la mélancolie que partagent Joseph Kessel et Romain Gary ; un brin d'héroïsme, un défi devant la mort que résumerait bien la formule passée à la postérité du Maréchal Ney avant son exécution : « Soldats, visez droit au coeur ! » ; « Une superbe indiscipline » incarnée par Georges Darien (Biribi ; le voleur), l'esprit de révolte de Louise Michel ou celui qui préside l'invention de « la Venturi » prototype sorti tout droit de l'imagination d'un duo de choc Poiraud (ingénieur) et Godfroy (designer) pour la beauté du geste (650 voitures produites en trente ans !). Beaucoup de nostalgie chez l'ancien de "Stan" qu'est notre auteur, aucun doute... Mais une détente salutaire au milieu de la lecture moins légère du Journal des années d'Occupation d'Ernst Jünger !
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