Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,
Voilà un ouvrage, petit par la forme, mais percutant par le fond : “Discours sur le colonialisme suivi de Discours sur la négritude” du célèbre écrivain, poète et homme politique français martiniquais
Aimé Césaire aux Éditions
Présence Africaine.
L'ouvrage est donc divisé en deux parties. D'abord un texte d'
Aimé Césaire sur le colonialisme, puis un autre texte traitant cette fois si de la négritude, dans le cadre de la Première Conférence Hémisphérique des peuples noirs de la diaspora, qui a été organisée par l'Université Internationale de Floride à Miami, en hommage à l'auteur, ou il prononça ce discours le jeudi 26 février 1987.
Commençons d'abord par le commencement : le discours sur le colonialisme. Dans ce véritable blâme du colonialisme,
Aimé Césaire détruit à coup de phrases assénées méthodiquement, toute l'idéologie colonialiste et ces défenseurs avec.
Par des analogies qui peuvent appeler à la polémique, des exemples terrifiants, mais vrais, et des retours sur des réalités idéologiques de nombres d'intellectuels,
Aimé Césaire nous rend compte d'une idéologie de la barbarie. Une barbarie qui a le culot de se surnommer civilisation.
Césaire montre comment une classe bourgeoise européenne prend l'idéologie colonialiste comme un humanisme, qui en fait n'en est pas un. Il explique comment finalement la colonisation implique non pas une civilisation des colonisés, mais bien l'inverse : une barbarisation des populations qui est enclenchée.
Aimé Césaire compare notamment, et a plusieurs reprises, l'idéologie colonialiste, qui est basée sur le racisme le plus pur, à l'idéologie nazie.
Aimé Césaire rend compte d'un colonialisme, qui n'a rien à envier au nazisme, et que Hitler n'est que l'un des maillons d'une longue chaine de barbarie européenne qui a commencé bien avant lui.
Les exemples de situation coloniale, il y en a des dizaines, l'auteur aimant à parler de la situation malgache, zaïroise, ou encore indochinoise.
Le poète martiniquais, écrit certains propos qui paraissent teintés de communisme, et va jusqu'à, à un unique passage, prendre exemple sur l'URSS de l'époque. Il explique que l'idée colonialiste est une idée développée par la bourgeoisie européenne, et qu'elle implique la prolétarisation des pays colonisés.
Aimé Césaire s'attelle aussi à étaler et dénoncer les propos choquants de nombreux intellectuels européens, sur les sois-disant bienfaits du colonialisme, à partir de plusieurs disciplines : la géographie, l'ethnologie, la psychologie, la théologie, la philosophie, etc.
Enfin, le fil rouge (c'est le cas de le dire), de ce discours foncièrement anticolonialiste, est d'une actualité frappante : il faut lutter contre l'européanisation du monde, et la destruction des sociétés anciennes, des sociétés extra-européennes et de leurs civilisations.
La suite de l'ouvrage est consacré au discours sur la négritude, prononcé en 1987. Dans ce discours particulièrement intéressant,
Aimé Césaire revient sur le concept phare qu'il a lancé avec
Léopold Sedar Senghor,
Léon-Gontran Damas et plus tard Alioune Diop et d'autres intellectuels noirs, au milieu du 20ᵉ siècle : la négritude. Un concept, qui a influencé un grand nombre de personnalités noires et qui est même devenu un mouvement littéraire.
Aimé Césaire définit donc ce concept, en trace les grandes lignes, l'expose comme un concept qui a eu un impact sur le monde. Il définit ce concept, comme ayant en effet une dimension ethnique, mais surtout une dimension historique, “une manière de vivre l'histoire dans l'histoire”. Ce n'est pour lui ni une philosophie, ni une métaphysique, ni “une prétentieuse conception de l'univers”. Il explique la négritude comme un refus de l'oppression, un combat contre l'inégalité, une révolte contre ce qu'il appelle “le réductionnisme européen”, donc contre l'acculturation et l'aliénation culturelle du monde par l'Europe. Autrement dit par le fait que l'Europe agisse comme si sa culture relevait de l'universel.
Aimé Césaire arrive enfin sur le concept d'identité, qui est finalement la question que pose la négritude. Une question bien plus importante et bien plus profonde que l'ethnicité. Une question phare, pour
Césaire.
Pour conclure, on ne peut qu'être émerveillé face à la plume de
Césaire. Une écriture, belle, très profonde, très élaborée, digne du poète qu'il était. L'on voit l'intérêt qu'il porte pour la lutte contre le colonialisme, l'engagement qu'il prend par ces deux textes pour l'égalité, contre l'oppression et pour la culture. Son analyse tranchante du colonialisme, son dégout de cette idéologie, nous dévoile un homme profond par sa réflexion et intelligent par son analyse.
Merci aux Éditions
Présence Africaine pour ce petit ouvrage extrêmement instructif, une maison d'édition qui a très longtemps accompagné
Césaire.
Un livre à lire et à relire pour se souvenir, ne pas oublier et continuer à combattre contre ces idéologies, ces pensées qui aujourd'hui existent encore, pas loin de trois quarts de siècle après ce discours sur le colonialisme.
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