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sur 2107 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« J'ai passé mon enfance à croire passionnément tout ce qu'il me disait, et le reste de ma vie à comprendre que rien de tout cela n'était vrai. Il m'avait beaucoup menti. Martyrisé aussi. » Cette seule phrase résume l'enfer que fut la cohabitation d'un fils avec un père mythomane et violent, dont la vie s'achève dans un asile psychiatrique. Un père confronté à ses mensonges par son fils pendant le procès Barbie auquel il assiste en tant que journaliste alors que son père est simple « spectateur ». Dans la réalité, Sorj Chalandon a découvert le rôle de son père pendant la Seconde Guerre mondiale qu'après sa mort. À savoir que celui-ci avait été un garçon qui entre 18 et 22 ans avait revêtu cinq uniformes différents et avait déserté aussi souvent. Tantôt du bon ou du mauvais côté. En tout cas révélée dans ce livre assez poignant, une vérité arrivée trop tard pour réparer le mal fait dans le coeur d'un enfant aimant, devenu un adulte à jamais fragilisé par la violence et les mensonges de son père.
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Les livres sur la France pendant la Seconde Guerre Mondiale ou sur la Shoah sont légion. S'attaquer à ce sujet n'est finalement plus une chance garantie de succès, même si la question intéresse beaucoup de gens. Il faut trouver un angle original, des choses nouvelles à raconter, ce qui n'est pas évident au vu de la masse déjà existante. Malgré tout, ce livre de Sorj Chalandon, dont j'avais déjà beaucoup aimé la prose dans le quatrième mur, réussit pour moi le défi.

Il le réussit par deux moyens : la chronique judiciaire du procès de Klaus Barbie et l'utilisation de l'auto-fiction pour relater le passé trouble de son père pendant la guerre. Les deux récits s'entremêlent pour tirer toutes les ficelles qui pourraient lier ces deux histoires. de ce que j'ai vu dans certaines critiques, le procédé a déstabilisé voire irrité certains qui auraient préféré l'un ou l'autre, voire les deux récits mais successivement. Je trouve au contraire que cet entrelacement amène beaucoup de richesse au propos. Il représente parfaitement pour moi l'entrelacement que je ressens en tant que lecteur. J'étais très jeune (8 ans) pendant le procès Barbie, mais j'ai des vagues souvenirs de l'importance qu'il avait pris dans les médias. J'ai beaucoup plus de souvenirs du procès Papon (j'avais 17 ans, ceci explique cela) et je me rappelle qu'il m'avait permis de m'intéresser plus concrètement à cette époque essentielle de notre histoire qui avait parfois tendance à pâtir de l'éloignement temporel, à perdre ainsi de sa réalité, que venait lui redonner ce procès si actuel.

Il y a un autre élément qui me permettait de m'intéresser concrètement à cette période: l'histoire familiale; mes deux grands-pères avaient vécu la guerre : l'un deux prisonnier en Allemagne, l'autre fuyant en France libre pour éviter le même sort, mais restant de ce fait séparé de sa famille pendant de longues années. Un de mes arrières grand-pères était resté en zone occupée, dans le Nord de la France, et avait donc vécu la cohabitation avec les Allemands et les accommodements avec sa conscience : petites combines de marché noir pour améliorer le quotidien qui ont donc supposé des arrangements avec l'occupant. Ma grand-mère hésitait souvent à nous le raconter, laissant se déposer un voile trouble sur ces années qu'elle avait pourtant bien vécu directement (elle avait entre 16 et 22 ans).

Vous comprenez donc d'autant mieux comment les émotions retranscrites dans ce livre m'ont particulièrement touché. Je ne pense pas être une exception car nous avons tous des membres de notre famille ayant vécu la guerre. Et quand on vit une telle guerre d'occupation, avec un tel contexte de solution finale, de rafles, de camps, on a forcément des comportements divers , certains dont on peut être fiers, et d'autres qu'on préfère oublier. Ce qui se passe pendant la guerre, reste pendant la guerre... Ce genre de livres restitue ainsi un peu de notre expérience commune d'enfants de salaud... le mot est fort, même pour Chalandon, peut-être encore plus pour ceux qui ne savent pas comme lui ce qui s'est réellement passé... mais il a le mérite de provoquer la prise de conscience que malgré l'éloignement temporel, nous sommes tous les héritiers de cette Histoire et que nous ne pouvons pas l'oublier.

Alors je ne serais pas non plus de ceux qui regretteront qu'il s'agisse d'auto-fiction, que l'auteur ait romancé le récit pour faire cohabiter procès juridique et procès intime alors qu'ils n'ont pas du tout été simultanés. Parce qu'il nous offre ainsi une confrontation rêvée (cauchemardée ?) à son héritage, et nous fait vivre ainsi un peu de la nôtre, pour nous permettre non pas de tourner la page, mais bien de la lire avec lui, dans le détail. Non pas pour accabler ceux qui l'ont vécu et leur faire la leçon, mais bien pour prendre conscience de la pourriture qu'est une guerre, nous qui n'y avons pas été confronté en direct, contrairement aux Ukrainiens, aux Russes, aux Israeliens, aux Palestiniens, parce qu'on ne retient malheureusement aucune leçon, mais que cela ne nous dispense pourtant pas de continuer à les apprendre.
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Il y a des blessures intérieures qui ne referment jamais. Dans « Enfant de salaud », Sorj Chalandon propose à ses lecteurs un récit explorant le passé obscur de son père pendant la Seconde Guerre mondiale. Un passé traumatisant et destructeur pour un fils qui ne cesse d'y penser, poussé par le besoin de concevoir ce qui parait inacceptable, et de réparer les fêlures du passé familial. Sorj Chalandon ne condamne jamais, mais cherche simplement à comprendre.
Le récit se déroule principalement pendant le procès de Klaus Barbie, en 1987 à Lyon, procès qui veut établir les responsabilités du chef de la Gestapo, et que Sorj Chalandon a suivi quotidiennement pour le journal Libération. Les scènes du procès sont proches d'un reportage car fort bien documentées et les scènes décrites par les victimes rescapées démontrent que la barbarie n'a aucune limite.
L'auteur nous livre deux récits en parallèle : celui du procès public de Klaus Barbie et celui du procès intime qu'un fils instruit à l'égard de son père qui a choisi le « mauvais côté » lors de la Seconde Guerre mondiale ; le procès du père se superpose ainsi à celui du chef de la Gestapo de Lyon. Chalandon s'appuie sur des faits qu'il découvre au fil de ses recherches, mais il se donne la liberté de les restituer dans une semi fiction. Tout au long du roman, il s'évertue à confronter son père mythomane à ses actes et à son passé, et à lui faire avouer ses mensonges, mais celui-ci se mure dans ses contradictions et affabulations, et refuse de s'expliquer.
Écrire la vérité n'est jamais simple, surtout lorsqu'elle vous concerne directement, aussi ce roman passionnant et lucide est-il un « roman-pansement », car pour Chalandon le salaud du titre, c'est le père qui a trahi son fils en passant sa vie à lui mentir.
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Difficile d'apprendre que son père a collaboré avec l'ennemi allemand pendant la seconde guerre mondiale.
Difficile de découvrir que son père est passé maître dans l'art du mensonge et ce par couardise ou fanfaronnade, pour pouvoir dire : « regarde comme il est con ! ».
Il s'est inventé plusieurs vies pour fuir sa propre réalité, celle d'un ouvrier qui a vingt ans au moment de la guerre, qui sait à peine lire et écrire, pour se sentir fort en étant du côté des gagnants, par simple bêtise.
Partagé entre l'envie de condamner et l'espoir de pouvoir pardonner un jour, Sorj Chalandon raconte cette histoire, celle d'un fils confronté à la vérité, celle d'un père lâche, celle d'un salaud.
Il serait inopportun de porter un jugement sur le livre de Sorj Chalandon car c'est son histoire, mais peut-être aurait-il dû l'écrire comme telle, à la façon d'un roman. Il place face à face ses recherches sur le passé de son père et le procès de Klaus Barbie, il les confronte, mais l'un et l'autre n'ont rien en commun. le premier est un opportuniste inconscient, le second un fanatique haineux doublé d'un tortionnaire sadique.
Sorj Chalandon exerce son devoir de mémoire et livre le témoignage d'un fils sur son père dont il ne pourra plus être fier et auquel il ne pourra plus jamais s'identifier.
« Mais c'était mon père. Cette fois sans poings fermés, sans colère, sans cri, sans rage, sans mensonges, sans tous ces mondes en trop, sans passé, sans uniforme, sans guerre à raconter à personne. Sans fils à éblouir. Sans plus d'enfant à trahir. Jamais. »
« Enfant de salaud » est une façon terrible d'apprendre que d'une certaine manière on est orphelin.
Rentrée littéraire 2021.
Editions Grasset, 330 pages.
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Qu'as-tu fait à la guerre papa?

C'est avec raison que Sorj Chalandon est l'un des auteurs les plus attendus de cette rentrée. Avec Enfant de salaud, il nous livre sans doute l'un de ses romans les plus personnels, mais aussi un message universel. du drame intime au procès historique.

«Il m'aura fallu des années pour l'apprendre et une vie entière pour en comprendre le sens: pendant la guerre, mon père avait été du mauvais côté. C'est par ce mot que mon grand-père m'a légué son secret. Et aussi ce fardeau.» En ouverture de ce beau et terrible roman, Sorj Chalandon raconte la rafle des enfants d'Izieu à travers les témoignages recueillis par un journaliste en reportage dans la région. Nous sommes en 1987, à quelques jours du procès de Klaus Barbie qu'il a été chargé de couvrir et pour lequel il entend se documenter. Après cette glaçante entrée en matière, le lecteur va comprendre pourquoi ce sujet touche autant le narrateur: son père a été l'un des acteurs de cette tragédie. Après avoir longtemps raconté ses glorieux faits d'armes à son fils, il a fini par confirmer les paroles mystérieuses du grand-père qui avait confié à son petit-fils qu'en fait, il était un salaud. Engagé dans la Légion tricolore, qui entendait défendre la France contre les bolchéviques, il rejoindra la division Charlemagne puis la 33e division de grenadiers de la Waffen SS, celle qui défendra le bunker d'Hitler à Berlin jusqu'aux premiers jours de mai 1945.
Accablé par ces révélations, le narrateur essaie alors de comprendre sa honte et entend faire toute la lumière sur ces zones d'ombre, retrouver des acteurs et des témoins, des textes et des photos. Car il a vite compris qu'il ne doit pas prendre pour argent comptant la seule version de son père. Il va mener sa propre enquête.
Quand s'ouvre le procès Barbie, un procès pour L Histoire, il suivra avec attention les débats, mais observera aussi l'attitude de son père, qui a réussi à s'attitrer une des places réservées au public dans la salle durant les audiences.
Autant que le dossier qu'on lui a confié, c'est ce procès dans le procès qui va forger sa conviction: «Plus je lisais tes dépositions plus j'en étais convaincu: tu t'étais enivré d'aventures. Sans penser ni à bien ni à mal, sans te savoir traître ou te revendiquer patriote. Tu as enfilé des uniformes comme des costumes de théâtre, t'inventant chaque fois un nouveau personnage, écrivant chaque matin un autre scénario.»
On l'aura compris, trier le vrai du faux s'apparente dès lors à un travail de Sisyphe, même si certains faits vont être corroborés par des témoignages. Et à mesure que se déroule le procès Barbie se déroule aussi celui de son père, qui changeait d'uniforme et de camp, en brouillant les pistes. Mais jusqu'à quel point était-il conscient des enjeux, des risques et des conséquences de ses actes?
Sorj Chalandon a choisi de construire son roman en mettant en parallèle ces deux destins. Il propose ainsi au lecteur d'associer les plus intimes et les plus forts des sentiments aux faits historiques. Au-delà de la question de savoir ce que nous aurions fait dans de telles circonstances, c'est la relation père-fils qu'il creuse. C'est ce lien très fort qu'il analyse.
Et découvre alors qu'à l'heure du verdict, il ne peut y avoir que des perdants.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Court commentaire ( si je peux ) , pour cet ouvrage lu d'une traite , car tout a été dit déjà , sans doute .

« Être anonyme, ta vie entière s'est construite autour de cette menace , Mais tu étais comme un enfant , Et tu as fait n'importe quoi » .

«  Tu t'es prétendu agent double, Un brave faufilé dans les rangs collaborationnistes pour leur soutirer des renseignements ? » .

Deux extraits de ce livre choc après «  La-legende-de nos pères » et «  -Profession du père  » lus il y a un moment .

L'auteur se mesure pour la troisième fois au «  pater familias » .
Le «  salaud » du titre n'est autre que son propre père.
SORJ -Chalandon durant le premier confinement réussit à récupérer un extrait de son casier judiciaire.
Il y apprend successivement son jugement du 18 août 1945 puis son incarcération entre décembre 1944 et février 1946.
Le choc violent ——-la vue de l'enveloppe brûlante , grise,posée sur la table par son ami Alain ——-qui savait que le passé de son père torturait l'auteur , l'incite à entreprendre les démarches afin de récupérer l'entièreté du dossier .
Ce sera chose faite en mai 2020 .
Stupeur , colère , chagrin , peine ,douleur, tels sont les pensées lancinantes, les cris silencieux , infinis du narrateur.
«  Papa, pourquoi tu ne m'as pas raconté ?
«  Juste raconté ? ! »
«  Ce que j'ai lu dans le dossier , c'est Zelig ! Un homme caméléon ….
«  le mec qui est partout à la fois , qui a porté cinq uniformes en quatre ans : armée française armée d'armistice , légion française vichyste , maquis du Nord et même armée américaine avant de s'enfuir à nouveau » !! .

En fait le lecteur découvrira pourquoi , au fond , la figure immense du traître hantera , sera en quelque sorte le pivot , la matrice de toute l'oeuvre de Sorj Chalandon.

Des traîtres qui font presque partie de lui,….

Le roman est traversé par le procès de Klaus Barbie qui donne un relief particulier , auquel le fils journaliste assiste en tant que journaliste accrédité , le père , lui y est confronté à ses errements ….
Blessures , imposture , mensonges ! Fourvoiement , orgueil , brouillage de pistes , patriote d'occasion, SS de pacotille,….quel roman !
«  J'ai passé mon enfance à croire passionnément tout ce qu'il me disait et le reste de ma vie à comprendre que rien de tout cela n'était vrai .
Il m'avait beaucoup menti . Martyrisé aussi ! »
Cette phrase ,à mon sens contient , résume à elle seule la blessure intime, la faille , le manque criant, ,la cohabitation insincère , mensongère sous forme d'imposture ignoble auprès de ce père mythomane , violent, menteur pathologique qui finira sa vie en hôpital psychiatrique ! .

En vérité Sorj. Chalandon ne découvrira le rôle de son père durant la deuxième guerre qu'après sa mort.

Un livre poignant , une vie entière à tricher, pétri d'émotions violentes , dont on ne sort pas indemne : ce père : ce guignol insaisissable, fuyant, désordonné , salopard, pitoyable , tragique .
«  le salaud c'est le père qui m'a trahi » .
Merci à mon libraire .
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La folie ordinaire en temps de guerre
Ou
La guerre sourde au quotidien.

C'est un livre coup de poing. Un livre qui prend aux tripes.

Le père de Sorj – appelons le simplement “ père” puisqu'il n'est nommé nulle part – le “père” donc, est un sale type. Il tape sa femme, il tape son gosse. Il n'en a eu qu'un, donc c'est lui qui prend les coups. Lui aussi qui doit admirer les récits de guerre de ce résistant exemplaire. Vous commencez à compréndre la nécessité des guillemets ? On ne sait pas quel est le métier du “père”, il n'apparait que pour frapper ou pour se pavaner. Grand invalide de guerre – c'est pratique pour garer sa voiture. Canne et claudication à l'appui. Rosette de la Légion d'Honneur à la boutonnière ! Mais on la cache aux environs d'un gendarme ou d'un policier. Parce qu' “ ils sont cons, les gens, hein !” Ca le fait souvent rire, le “père”, “ la connerie des gens”.

Puis un jour, le grand'père lâche le morceau : “ton père portait un uniforme allemand pendant la guerre, t'es un enfant de salaud !” Et Sorj passera des dizaines d'années à essayer de comprendre.
Résistant ou collabo ? Pourquoi ? Comment ?

Au fil de cette biographie romancée du père, l'enquête du fils dévoile peu à peu un portrait en mosaïque. Déserteur de l'armée française de la troisième république, oui. Engagé volontaire sous le régime de Vichy, donc collabo. Déserteur, à nouveau : tout compte fait, il fait trop froid sur le front de l'Est, et les russes se défendent rudement bien. On erre, puis on se réengage, cette fois sous l'uniforme de la Wehrmacht. Rien d'héroïque : on creuse des trous pour le Mur de l'Atlantique. On s'ennuie, ou alors les américains débarquent. A nouveau il jette son uniforme aux orties, se fait engager... par les Rangers de l'infanterie américaine. Puis, la guerre touchanr à sa fin, il s'improvise résistant. Il aide à fait déguerpir les allemands de quelques fermes, rien de plus. Il est capturé par les alliés. Jugé. Echappe au peloton. S'en tire avec un an de prison et cinq années de privation de droits. Tout est dans le dossier judiciaire que Sorj, journaliste, peut consulter grâce aux bons offices d'un ami historien.

Bien entendu, il n'est pas question de collaboration pour motifs idéologiques, le “père” n'est pas de ceux qui croient – à l'époque ou de nos jours – rendre service à l'humanité en levant la patte. Il n'était pas non plus de cette pègre qui cache ses vols, viols et assassinats sous l'uniforme de la milice. Alors pourquoi ? Et bien... pourquoi pas ? L'occasion était trop belle. Enfant, celui qui deviendra “père” ne tenait pas en place. Ce fils de bon bourgeois éduqué, avant guerre chef de service dans une compagnie d'assurances, a à peine réussi à finir l'école primaire. Il a sans doute essayé pas mal de métiers, s'est fait virer de partout. A quatorze ans, il est engagé comme remplaçant estival du facteur au bourg où son père ( “pépé”) est né. Il le reste neuf jours. C'est que le courrier n'arrive plus. Dès le premier jour il le jette au ruisseau, l'enterre sous une pierre, et se met au soleil. A rêver, à dormir. Quand le chef de service et pépé l'interpellent, il invente des histoires à dormir debout. Des brutes habillées en indiens lui ont volé sa sacoche ! Ca, c'était le premier jour. le second... le second ils n'étaient pas habillés en indiens ! On retrouvera lettres et paquets un peu partout dans la nature.

Ni fasciste ni assassin, mais bon à rien. Fainéant, menteur, opportuniste. Mais surtout mythomane au dernier degré. C'est qu'il faut avoir une imagination inépuisable pour recouvrir les faits par des couches de mensonges sans cesse renouvellées. Pour lui la vie, la guerre, n'étaient qu'une course pousuite de gardes champêtres et de voleurs de poules. Une farce ! le tout puissamment assaisonné de mensonges énormes, grandiloquents, pour se cacher, pour dissimuler son ineptie, sa lâcheté, son insignifiance totale... Tantôt il avait fait sauter des installations allemandes, tantôt il faisait partie du dernier carré de Waffen SS qui se battait autour du bunker d'Hitler. Un veau qui se faisait passer pour un loup. Qui s'amusait à faire peur.

Alors, d'un coté un malade – qui finira d'alleurs ses jours en hopital psychiatrique – et de l'autre des victimes ? Non. On apprend que “pépé”, le père du “père”, le beau monsieur en complet veston, lui aussi battait sa femme. La seconde, la première s'étant suicidée. Et Sorj? Rien qu'une pauvre victime ? En tous cas, la violence est en lui. Quand sa mère prend sa pension, seulement trois collègues sont présents à la crêperie où on la fête. Et son cadeau ? Un saladier. le genre de truc à dix euros. Bon, c'est pas très sympathique, seulement trois collègues et un cadeau en toc. Mais la réaction de Sorj? Ah ! Heureusement qu'il n'était plus jeune ! Il y serait monté, à ce service de l'administration. Il aurait flanqué le contenu des armoires par terre, jeté les encriers au mur, et collé les tampons sur les têtes de ceux qui s'étaient abstenus ! Même à quarante ans, il avait encore un noeud à l'estomac, la crèpe ne passait pas.

C'est un livre dur, je ne vous l'ai pas caché. Sans doute tous n'auront-ils pas envie de le lire. C'est tout à fait compréhensible. Mais je suis heureux de l'avoir lu. Et je trouve qu'il mérite ses quatre étoiles. A vous de juger.


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Pour l'instant je n'ai jamais été déçue par cet auteur donc je l'avoue, j'ai acheté ce livre les yeux fermés.
Dans ce texte Sorj Chalandon nous parle de son père, le "salaud" du titre, un personnage extraordinaire et révoltant. En parallèle se déroule devant nous le procès Barbie, on replonge dans la rafle des enfants d'Izieu, les tortures des Résistants....
Le livre est passionnant, et constitue une plongée dans la notion de vérité (avec un "v" majuscule ? sa vérité ? une vérité ? qu'est-ce que la vérité in fine ?).
Je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à "mon traître", décidément Chalandon collectionne les menteurs patentés....
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Un titre choc, car « tu es un enfant de salaud », c'est ce qu'a révélé son grand-père au narrateur.

C'est un roman, pas une autobiographie. Mais c'est écrit au « je » et si l'auteur joue avec les faits et les dates, il utilise aussi les émotions qu'il a vécues pour « changer ses larmes en encre », comme il le dit si bien dans le livre.

C'est une histoire qui peut toucher d'autres personnes, car elle est tenace, « l'omerta » sur ce que grand-père a vraiment fait durant la guerre. Et même en dehors de la guerre, combien d'enfants souffrent de ce qu'ont fait leurs parents!

En parallèle, le procès de Klaus Barbie à Lyon en 1987, une autre source d'émotions intenses pour un journaliste qui va écouter jour après jour des témoignages des victimes et observer la morgue amusée de Barbie.

Un roman qui n'est pas rigolo, mais où est bien présent, le talent d'écriture de l'auteur, dont on pourrait dire aussi qu'il a hérité de l'imagination et du talent de conteur de son père, mais en transformant les affabulations paternelles en littérature émouvantes…
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La rentrée littéraire 2021 a été prolifique avec le thème du père. D'ailleurs Amélie Nothomb a reçu le prix Renaudot avec le sien.
J'ai choisi de lire Sorj Chalandon pour le titre intriguant "Enfant de salaud" qui ne peut que sidérer celui qui reçoit cette insulte. Lors de ses entretiens précédents ce roman, je voyais déjà dans le journaliste un homme blessé qui retenait un énorme tristesse mais ses nombreux reportages dans les pays en guerre pouvaient être la cause.
Désormais l'abcès est percé. Chalandon s'est lancé dans la narration d'un personnage atypique , son père, qui durant la seconde guerre mondiale s'est faufilé entre les mailles de la Collaboration et de la Résistance.
Un père mythomane qui se fait passer pour un héros n'est pas nouveau. Mais ici l'auteur rapporte son vécu et pas une fiction même si le livre est tamponné roman.
Les mensonges du père sont tellement imbriqués que nul ne peut démêler le vrai du faux.
Seul un dossier pénal que se procure le fils permet de découvrir les véritables agissement de ce père félon: soldat dans la légion tricolore et donc vichyste, ou à la solde du NSKK pour finir maquisard à la fin de la guerre.
Ce père déroutant au passé trouble m'a horrifié devant tant de lâchetés et de promiscuité avec l'ennemi allemand.
Le dossier judiciaire est confondant devant tant de mensonges et d'impostures.
Chalandon avide de vérité a eu la judicieuse idée d'alterner le portrait de son père avec le procès Barbie de Lyon en 1987.
Cette perspective des deux hommes a mis en évidence la monstruosité notoire du "boucher de Lyon" et la vie d'un anonyme avide de gloriole.
Un roman tout à la fois émouvant et glaçant quand on lit les témoignages des survivants de l'holocauste. D'ailleurs j'ai pu voir le procès projeté au centre historique de la Résistance à Lyon. J'en suis ressortie vidée.
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