l'enragé de
Sorj Chalandon.💔
La rage, moteur puissant, effrayant souvent, mais qui peut aussi quelque fois prendre des détours surprenants, au gré des rencontres…
Découverte de
Sorj Chalandon pour moi avec ce roman passionnant, inspiré de faits réels et historiques.
Je l'ai littéralement dévoré, entraînée par le sentiment d'impuissance mêlé de rage non contenue du personnage principal.
Il y a de la rudesse bien sûr au coeur des lignes, de la violence, de l'insoutenable. Des vagues qui emportent tout sur leur passage.
Et il ne peut en être autrement puisque la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer (années 1930) pose le cadre de ce roman.
Alors, comme il est difficile parfois de reprendre de l'air au milieu de la submersion...
Mais quelle histoire, et quel rythme !
En se glissant dans la peau de Jules Bonneau,
Sorj Chalandon redonne de l'existence à tous ces oubliés, ces exilés, ces mineurs mis au ban de la société et de la Nation parce que juste vagabonds, orphelins, ou contraints de voler parfois pour survivre...
Méprisés, haïs, enfermés, subissant des sévices et des humiliations d'une violence inouïe, ces enfants ne sont pas nés dans la bonne famille, et à défaut, "au bon moment".
En effet, c'est en 1945 seulement que seront posés en France les grands principes modernes de la justice pénale des mineurs. Les protéger et les éduquer deviendront les piliers de cette justice.
Et une juridiction pénale spécifique aux mineurs sera créée, de même que la fonction de juge spécialisé des enfants.
La notion de discernement disparaîtra du droit pénal des mineurs et ils bénéficieront alors d'une présomption d'irresponsabilité.
C'est peu connu, mais suite à la révolte des enfants de la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer décrite dans ce roman, le journaliste
Alexis Danan ainsi que
Jacques Prévert dénonceront la répression et la "chasse à l'enfant" qui s'en était suivie. Ils contribueront ainsi à la fermeture des "bagnes d'enfants".
Attention, car la plume de
Sorj Chalandon est magnifique, mais percutante, crue et brutale parfois, les mots brûlent, heurtent, frappent avec une dureté et un réalisme nécessaires sans doute pour nous permettre d'imaginer ce qu'ont pu être les conditions de vie de ces enfants martyrisés. Imaginer seulement, et cela déjà est une épreuve en soi.
Pourtant, et c'est un tour de force, la fureur née de cet invraisemblable, l'auteur la transmute, et la sublime en espoir. Et si le lecteur courageux accepte de le suivre sur ce chemin de tourmente, alors, il verra aussi la lumière surgir de la nuit...
Un roman puissant dans la même veine que le roman de
Veronique Olmi ┃
Le gosse.