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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un roman d'une noirceur extrême, A travers ce récit il y a l'enragé Jules Bonneau , alias la teigne, et moi avec ma rage. L'auteur plante le décor avec ce personnage, à l'aube de ses 6 ans sa mère l'abandonne, son père absent, des grands parents à l'âme peut charitable, ne veulent pas le prendre en charge,Une nouvelle épreuve pour lui, à 13 ans , il se retrouve enfermé, prisonnier dans ce bagne pour jeunes enfants et adolescents. Un centre où sa vie va prendre un nouveau tournant,celui du cauchemar à l'état pur, Un endroit , où il difficile, voir impossible de si échapper, Nous sommes à Belle île en Mer , un nom qui peut faire rêver, mais nous sommes loin d'imaginer ce qu'il se passe , a travers ces murs,. Un monde où des enfants et des adolescents, vivent impensable, l'insoutenable, l'inimaginable. Ils subissent des sévices extrêmes, ils sont violés, frappés,rabaissés au quotidien, il faut faire sa place, prouver sa supériorité, pour éviter les pires ignominie.
En 1934, 55 enfants décident de s'échapper, tenter l'impossible pour s'éloigner ,se libérer de cet enfer, une lueur d'espoir qui s'éteint et l'obscurité reprend son pouvoir, retour dans cet univers ignoble, Jules, arrivera à rester introuvable, Un marin , le prend en estime, en charge, un nouveau monde s'ouvre pour Jules,Il vit avec ses démons, il est toujours sur le qui vif, lui qui n'a connu que la violence, il a beaucoup de mal à donner et avoir confiance des autres,
L'auteur signe un nouveau puissant, terrifiant. Il a du faire de nombreuses recherches, pour retranscrire un sujet aussi documenté, La plume est percutante, cru, sans pudeur, qui peuvent déranger les lecteurs face à ce faits réels, Pour ma part, il y a eu séquences qui m'ont mises mal à l'aise et l'auteur ne ménage aucunement ses lecteurs,
Une partie de l'histoire peut connue, où des enfants non pas connus l'amour , la tendresse, d'une famille, des enfants qui n'ont connus que la violence, Je vous laisse découvrir cette histoire , il est impossible de ressortir indemne d'un tel récit.
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Le 27 août 1934, 56 enfants s'évadent de la colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer. Coincés sur l'île, pourchassés comme des nuisibles par les matons du centre, les gendarmes, les habitants et même quelques touristes alléchés par la prime de 20 francs offerte par gamin capturé, ils seront tous rattrapés, sauf un…

C'est à ce garçon que l'on dit noyé, que Sorj ChalandonMon traître », « le jour d'avant ») décide de donner vie. S'inspirant de ce sombre fait divers, l'auteur imagine la destinée de ce jeune bagnard, abandonné par ses parents, enfermé dès l'âge de douze ans, qui avance les poings serrés et le regard féroce, prêt à en découdre avec quiconque se mettra sur cette route qui le mène enfin vers la liberté. Jules Bonnot, dit La Teigne, est un naufragé de la vie, une victime de violences, d'humiliations et de privations, un enragé incapable de contenir la colère qu'il a emmagasiné au fil d'une enfance malheureuse…

L' « Enfant de salaud » utilise son personnage comme exutoire d'une haine qui l'a également accompagné tout au long de sa propre adolescence. Il entre dans la peau de son personnage pour déterrer ses propres sentiments, ceux que l'on a déjà entrevus lors de ses précédents romans autobiographiques. C'est lui qui desserre les poings au fil des pages, afin de pouvoir accepter la main tendue par ces quelques adultes prêts à l'aider…

À travers ce cri de rage, l'auteur dénonce également la violence exercée sur les enfants enfermés dans ces centres d'éducation où régnait la loi du plus fort. Des bagnes pour mineurs où les gamins étaient non seulement exploités économiquement, mais également impunément battus et humiliés par les surveillants.

Ancrant son récit dans l'Histoire, marquée par la guerre civile espagnole, la montée du fascisme et communisme, l'auteur donne également naissance à des personnages secondaires forts et terriblement attachants, tout en rendant hommage aux courageux pêcheurs bretons. Il invite même à croiser le chemin d'un certain Jacques Prévert, qui immortalisa cette évasion, suivie d'une horrible battue, dans son poème intitulé « Chasse à l'enfant » :

« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant… »

Coup de coeur !
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Lui que la violence et la folie paternelles ont marqué à jamais, lui inoculant une « rage » restée inextinguible bien après sa fuite loin du monstre, à dix-sept ans, ne pouvait qu'être touché au plus profond par la terrible condition et par la révolte des enfants du bagne de Belle-Ile en 1934. C'est avec les tripes que Sorj Chalandon leur rend hommage, prolongeant la vérité historique par l'imagination : et si, comme lui, l'un d'eux avait vraiment réussi à échapper à ses tourmenteurs ? Trouve-t-on jamais la paix lorsque l'injustice et la cruauté ont fait de vous un « enragé » ?


Dans les années vingt, à treize ans, Jules Bonneau – déjà suspect pour son homophonie avec le célèbre anarchiste – est envoyé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne, à Belle-Ile. La prison politique ouverte trois-quarts de siècle plus tôt a en effet été convertie en maison de redressement, hypocritement baptisée « institution d'éducation surveillée ». Depuis 1880 y sont relégués des mineurs à partir de huit ans, des gamins considérés irrécupérables, qu'au lieu de protéger et d'insérer, l'on exclut et punit dans ce qui n'est autre qu'un bagne pour enfants : un lieu d'enfermement où les détenus, exposés aux pires châtiments, triment durement et vivent dans des conditions dégradantes. Qu'ont-ils donc fait pour atterrir dans cette galère ? Certains ont commis des vols ou des délits mineurs – Jules a volé trois oeufs et a fait preuve d'insubordination dans le cadre d'une grave injustice –, d'autres ont fui des parents violents ou incestueux – le vagabondage est alors sanctionné par la loi –, les derniers enfin n'ont d'autre tort que leur état d'orphelin ou d'enfant abandonné.


Se glissant dans la peau de Jules devenu fauve à force d'injustices et de mauvais traitements, l'auteur raconte fidèlement l'infâme quotidien au sein de la colonie, jusqu'à ce que l'incident de trop, lui aussi véridique, provoque la mutinerie. le soir du 27 août 1934, l'un des garçons contrevient au règlement en mangeant son fromage avant d'avoir fini sa soupe. Craignant pour sa vie, ses codétenus tentent de s'opposer à son passage à tabac. Dans le pugilat général, cinquante-six jeunes bagnards réussissent à faire le mur. Dénoncée par les vers de Jacques Prévert qui, alors en vacances sur l'île, s'en retrouve le témoin consterné, une « chasse à l'enfant » s'organise, gens du cru et touristes s'en donnant à coeur joie pour toucher une prime de vingt francs par fugitif capturé. Au matin, les évadés sont à nouveau sous les verrous, à la merci d'une sauvage répression. Tous, sauf Jules, que l'auteur a imaginé pour contredire l'Histoire et lui donner sa chance. Mais comment échapper à son destin quand l'au-delà des murs est encore une prison : une île, infailliblement gardée par la mer ?


Comme Jean Valjean sauvé par Monseigneur Myriel, Jules l'enragé va rencontrer pour la première fois la bonté et apprendre à faire confiance. « Sans la confiance, tu es seul au monde. » La fresque historique s'élargit pour épouser le monde de l'entre-deux-guerres, alors que sur fond de fascismes montants, la collaboration de la population aux exactions commises sur des enfants par une administration sans âme ni conscience semble entrer en résonance avec les bien funestes perspectives que l'on sait. Déjà des forces de résistance, ici toutes bretonnes, se font jour, incarnées par l'improbable mais très symbolique duo d'un patron de pêche communiste et d'une infirmière « faiseuse d'anges ». Et tandis que Jules, même si à jamais marqué par la haine et la violence, trouvera peut-être la rédemption en troquant son esprit de vengeance contre celui de la rébellion, c'est l'ombre de l'enfant que fut l'auteur, né sans amour et maltraité, que l'on perçoit derrière ses mots âpres et engagés.


Fresque historique et roman social, ce dernier livre de Sorj Chalandon est un cri de douleur et de colère, où à la rage de Jules La Teigne, l'enfant bagnard, fait écho celle de l'auteur, éternel enfant battu désormais en guerre, de toute la force de sa plume de journaliste et de romancier, contre les injustices et les violences du monde. Coup de coeur.

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Rentrée littéraire 2023.

Les premières pages de l'enragé nous plongent dans l'enfer qu'était la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer en 1932 avec le jeune Jules Bonneau, alors âgé de 18 ans et qui a réellement existé.
Si Belle-Île-en-Mer évoque aujourd'hui un site touristique remarquable situé dans le golfe de Gascogne, au sud de la Bretagne et appelle immédiatement à fredonner le célèbre refrain de Laurent Voulzy « Belle-Île-en-Mer, Marie-Galante », il faut se souvenir qu'il est également le site de Haute-Boulogne, fortification élevée en 1802, prison devenue colonie pénitentiaire maritime et agricole pour jeunes délinquants. La discipline y est alors extrêmement sévère et les jeunes délinquants subissent quotidiennement des violences physiques et psychologiques ne pouvant créer que rancoeur et désir de vengeance.
Lors d'un repas du soir, un enfant croque dans son fromage avant de manger sa soupe, violant l'ordre imposé par le règlement. Aussitôt les gardiens lui tombent dessus et le frappent. Un déchaînement de violence se produit alors, et en cette nuit du 27 août 1934, cinquante-six gamins se révoltent et s'échappent de la colonie pénitentiaire et se dispersent sur l'île.
La chasse aux enfants est ouverte et en quelques heures, l'ensemble des fuyards est capturé, un seul manque à l'appel, Jules Bonneau alias « La teigne »…
C'est l'histoire de ce garçon, que Sorj Chalandon raconte dans l'enragé, un garçon qu'il va construire à partir de son propre vécu, à partir de ses propres colères et de sa rage.
En effet, lui aussi a été un enfant battu, menacé à chaque bêtise, pendant toute son enfance, d'être envoyé en maison de correction par son père, comme il le raconte dans Enfant de salaud. Une enfance qui l'a traumatisé.

l'enragé est un roman dans lequel règne dès les premières pages une tension extrême.
Par la voix de Jules qui s'exprime à la première personne, Sorj Chalandon réussit avec brio à faire revivre cette colonie pénitentiaire, prison naturelle censée remettre les jeunes délinquants dans le droit chemin en les faisant travailler mais plus apparentée à un bagne, tant les jeunes vivaient un quotidien coercitif et violent.
J'ai suivi pas à pas et avec anxiété le cheminement de ce jeune gars, toujours crispée lorsque la rage l'envahissait craignant ses débordements, indignée et furieuse du comportement de ces soi-disant éducateurs et complètement ulcérée d'apprendre que les îliens et les touristes eux-mêmes se soient laissés corrompre par une somme de 20 francs pour participer à la recherche des fuyards. Une véritable chasse aux enfants est ainsi conduite, un épisode qui interpellera Jacques Prévert de passage sur l'île et lui inspirera le poème La chasse à l'enfant.
Sorj Chalandon, avec le talent qu'on lui connaît nous fait vibrer tout au long de ce récit lorsqu'il raconte la métamorphose de ce jeune gars. Au départ, il n'a que ses poings pour se faire entendre et faire sa place, mais n'hésite pas à attaquer les caïds lorsqu'ils s'en prennent aux plus faibles. Peu à peu, on assiste à sa transformation au fil de ses rencontres, à la naissance de l'espoir, à son ouverture à la vie, jusqu'à devenir un homme.
le contexte historique dans lequel se déroule l'action du roman, entre octobre 1932 et décembre 1942, cette période entre les deux guerres avec la guerre civile espagnole, le communisme, la montée du fascisme, est superbement incarnée par des personnages à la très forte personnalité.
Si les hommes sont très présents et plutôt majoritaires, les femmes ont également leur place dans le roman avec deux figures féminines en totale opposition, l'une collaborant et l'autre n'hésitant pas à prendre des risques pour aider des femmes en détresse.
Quant aux séquences de pêche à la sardine, l'auteur nous les conte réelles et vivantes, tout comme il sait mettre en évidence le courage de ces marins-pêcheurs.
Une importante documentation a été nécessaire pour écrire un tel ouvrage. Elle en augmente d'autant la crédibilité de ce roman puissant et absolument bouleversant.
Dureté, cruauté, noirceur mais aussi lumière, sensibilité et tendresse sont présentes dans ce roman que l'on ressent écrit avec les tripes, avec le coeur, et une lettre finale… pour laquelle je n'ai pas de mots pour la définir.
l'enragé de Sorj Chalandon : Sublime !

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Rentrée littéraire 2023.

Impressionnant, émouvant, révoltant, captivant… les mots me manquent pour qualifier le nouveau roman de Sorj Chalandon, roman hors normes, une fois de plus.
Pourtant, cet écrivain m'avait déjà emballé avec Une promesse, Mon traitre, La légende de nos pères, Retour à Killybegs, Profession du père, le jour d'avant, Une joie féroce, Enfant de salaud et le Quatrième mur. Avec l'enragé, il me fait encore « partager un sac de pierres » comme il me l'avait confié lors d'une Fête du livre à Saint-Étienne, tellement ce qu'il raconte avec un coeur énorme, est fort.
Le narrateur dit s'appeler « La Teigne » mais refuse qu'on le nomme ainsi. Il a 18 ans et il est enfermé dans ce que l'on osait appeler une « colonie », même si le mot pénitentiaire qui suivait modifiait un peu le sens d'un mot qui évoquait autrefois les vacances à la mer ou la montagne.
Jeune homme enfermé avec beaucoup d'autres dans ce bagne installé sur Belle-île-en-mer, il refuse d'être traité comme un objet, rue dans les brancards, saute sur un surveillant particulièrement odieux et reçoit coups et blessures avant d'être menotté.
Cette Colonie pénitentiaire est une Maison d'éducation surveillée dont les gardiens veulent être appelés moniteurs mais appliquent punitions, coups, corrections, corvées, supplices, privations de nourriture et de boisson. Ils sont sur une île et l'océan est le gardien le plus cruel car il ôte tout espoir d'évasion. de plus, ces garçons sont employés dans des travaux maritimes ou agricoles et c'est la colonie qui touche leurs salaires. Il faudrait ajouter quantité de détails qui donnent les frissons car il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas au Moyen-Âge mais entre les deux guerres mondiales et que cet « établissement » n'a été fermé qu'en 1977 !
Le narrateur dit s'appeler Jules Bonneau mais rien à voir avec le célèbre anarchiste et criminel et sa bande… Pour permettre de cerner davantage son personnage, Sorj Chalandon retrace son enfance et toutes les vexations, les privations subies causant une colère rentrée, prête à exploser. Seul lui reste le souvenir de sa mère partie alors qu'il n'avait que 5 ans : ce ruban gris perle qu'il conserve à son poignet.
La tension est déjà à son comble mais augmente encore car Sorj Chalandon m'emporte, avec son écriture percutante, précise, efficace, dans une histoire qui me fait trembler à chaque page, me poussant à aller toujours plus loin pour découvrir toute l'horreur d'une société qui se dit bien-pensante mais qui est prête à se lancer dans une chasse à l'homme des plus révoltantes après l'évasion de cinquante-six « pensionnaires ».
Heureusement, la pêche à la sardine apporte un peu d'air frais grâce à Ronan Kadarn et son équipage. Mais que c'est flippant ! de plus, voilà les Croix-de-Feu, organisation nationaliste, fasciste et cette Citroën jaune qui attirent Jules voulant en savoir plus sur ces gens. Quelle tension !
Enfin, je ne peux passer sous silence la lutte de cette infirmière pour les femmes voulant avorter et qui prend tous les risques dans une société pas vraiment prête à accepter cela. Là encore, Jules veut savoir, veut comprendre et l'auteur fait preuve de beaucoup de psychologie sans nuire au suspense qui est total jusqu'au bout alors qu'un poète intrigue beaucoup et se révèlera être Jacques Prévert qui écrit « Chasse à l'enfant » :
« …Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis… »
l'enragé est un roman prenant, haletant, basé sur une réalité historique et Sorj Chalandon, qui a déjà fait partager tous les tourments de son enfance y a mis une bonne part de son vécu tout en prouvant, une fois de plus, un talent littéraire affirmé et un sens du récit impressionnant.

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Imaginez un mur. Il y a deux façons de voir ce mur, selon le côté où l'on se situe. Être du mauvais côté du mur, enfermé, ou bien être de l'autre côté, s'évader, rejoindre le bon côté. C'est sans doute ce qu'ont pensé ces cinquante-six enfants lors de cette nuit-là de mutinerie, celle du 27 août 1934, enfermés dans ce lieu qu'on appelait pudiquement une maison de correction ou de redressement, ici d'ailleurs le terme désigné était précisément maison d'éducation surveillée. D'autres parlaient de colonie pénitentiaire. Je vous arrête, c'était un bagne pour enfants. Il paraît que le lieu fut cela jusqu'en 1977. On peut aisément imaginer que plusieurs d'entre eux de cette dernière génération soient encore vivants.
Parfois on croit qu'il y a deux façons de voir ce mur, on s'en évade et on découvre terriblement qu'il n'y en a qu'une seule en définitive, car s'évader de ce bagne pour enfants, c'est rencontrer l'hostilité du lieu et des hommes de l'autre côté. Belle-Île-en-Mer, c'est comme l'île d'If ou Alcatraz avec la bêtise humaine en plus... On franchit un mur et on en rencontre aussitôt un autre plus infranchissable encore, l'océan, l'océan à perte de vue...
Ainsi, parfois, ayant choisi de s'en évader, on continue de rester du mauvais côté du mur, surtout lorsqu'une traque des enfants est organisée avec une récompense à la clef : une pièce de vingt franc en argent pour chaque enfant sur lequel il sera mis la main. Tout le monde alors ou presque se mobilise sur l'île dans un zèle effréné comme si cela avait un sens. Bien sûr il y a les gendarmes, les policiers, les gardiens du centre, mais aussi les habitants et curieusement des touristes présents à ce moment-là, en vacances sur l'île... On appelle cela des braves gens... Bienvenue ! Nous sommes bien en France, la France des droits de l'Homme, la France des Lumières, mais aussi la France du zèle pour dénoncer son prochain, nous sommes en 1934, dans quelques années, très peu d'années d'ailleurs, l'exercice sera un sport national, le voisin de pallier qui a une drôle de tête, qui est Juif, les gendarmes zélés, le Vel d'hiv, plus tard ce seront les mêmes en 1961, - le métro Charonne, alors vous pensez bien, ici ces enfants sont sûrement des monstres prêts à égorger la population autochtone, il faut s'en défendre.
Cinquante-six enfants évadés de cet enfer, cinquante-cinq seront récupérés. Un seul manquera à l'appel avec ce mystère demeuré à jamais : qu'est-il devenu cet enfant absent après la traque, comme on pourchasse un animal lors d'une chasse, - parce que c'était ça, traquer des enfants qui n'étaient pas des anges certes, mais qui étaient des êtres humains, des enfants devenus des fauves par l'enfermement d'un lieu.
Un seul manquera à l'appel. S'est-il noyé tentant de s'échapper de cette prison de mer ? A-t-il été protégé, recueilli, hébergé par une famille, une maison ? Tous ces gens n'étaient pas des salauds, loin de là. Pourtant je pourrais vous en dire des choses sur les autochtones de nos îles. On est parfois loin de l'exotisme breton qui peut faire rêver...
Un seul manquant à l'appel et Sorj Chalandon, connaissant ce fait historique, a eu l'idée de donner un nom à celui-là, de lui donner vie et corps, de lui donner des ailes dans un corps d'enfant, dans un coeur meurtri par la vie quand on a treize ans et qu'on franchit les portes de ce centre de redressement qui n'était rien d'autre qu'un bagne pour enfants.
Il lui donne un nom, Jules Bonneau, à ne pas confondre avec le célèbre Jules Bonnot et sa bande, non celui-ci serait plutôt du genre solitaire, une sorte de Jean Valjean en culotte courte... Mais très vite cet enfant devient La Teigne, pour lui, pour les autres, lorsque ses démons l'emportent sur sa part encore belle de lui.
S'évader de ce lieu signifie mourir. Jules va survivre. Il va survivre grâce à la fois à son bon côté, c'est-à-dire l'enfant de la Mayenne d'où il vient, mais aussi grâce ou à cause de cet autre versant de lui, son côté ombre, - La Teigne, façonné par la vie qui broie des enfants, façonné par les murs d'un bagne pour enfants, des gardiens qui en ont tant vu, eux souvent sortis miraculeusement des tranchées de Verdun, alors eux la vie ils ont l'impression de la connaître d'un certain point de vue, et ces gosses qu'on leur envoie, il faut les mater. Ils se sentent investis d'une mission. Qu'importe si ces enfants sont des orphelins, des orphelins de guerre, qu'importe s'ils ont volé un morceau de pain, un jambon, une poule rien que cela... Porté le poing un samedi soir pour un regard de travers... Souvent c'est à peine cela... C'est ainsi que Jules devient La Teigne...
Parce que sur les îles il y a aussi de la fraternité, Jules va survivre et ne pas se noyer... Mais jusqu'à quand ?
Il va survivre grâce à Ronan le patron pêcheur, Alain le communiste, Pantxo le Basque et Sophie, épouse de Ronan et aussi infirmière là-bas entre les murs...
Ce roman est un rendez-vous avec l'humanité telle qu'elle est.
Sorj Chalandon a transmis sa rage d'enfant meurtri dans ce roman que j'ai adoré. Connaissant quelques romans de cet auteur, connaissant son histoire, sa relation avec son père, un menteur, un mythomane, un être violent, une mère absente ou tout au moins consentante à tout ce que le père imaginait comme perversité, Sorj Chalandon est sans doute ici pour moi cet enfant qui s'évade, non pas de cette prison physique pour enfant, mais de la sienne, celle érigée par ses parents. Effroyablement.
Peu m'importe alors qui est Jules Bonneau, ce qu'il adviendra de lui... Puisque désormais je l'ai démasqué.
Un enfant qui pense que le monde des adultes n'est que violence. Que le monde réel est celui-là, ce monde qui fait peur, hostile et ingrat, jusqu'à ce moment où à la faveur d'une barque de pêcheur, un autre monde s'ouvre, se tisse avec des liens de confiance, un homme surgit, un patron pêcheur, d'autres hommes, une femme...
Sorj Chalandon a fait de ce personnage un enfant qui tient debout, qui court, dans la traque des autres hommes lâchés comme des fauves. Un enfant peut-être échappé de lui-même.
J'ai vu dans ce roman fulgurant l'expression d'une humanité irréductible face à l'incompréhension, à la violence, la méchanceté du monde.
Ainsi l'enragé, c'est cela ce texte qui m'arrache à ma vie tranquille, qui me happe, qui me broie, avec une incroyable et saisissante manière de rendre vivant ces personnages devant moi, cette force romanesque qui rend possible la fuite, la douleur, le chagrin, l'espoir, la fraternité, la trahison aussi, peut-être le futur d'un enfant né à un mauvais endroit au mauvais moment.
Pendant ce temps où les enfants étaient traqués comme du vulgaire gibier, un homme dans un bar, fumant la pipe, buvant un petit canon, était là avec son chapeau et ses yeux tristes de chien battu mais son regard tendre et ironique sur le monde alentour, gisant dans ses rêves, ses pensées, imaginant qu'une île n'était pas cela, un fragment d'horreur à la dérive... Il aimait la mer, la pêche à la baleine mais seulement quand la baleine se rebelle, il aimait Brest sous la pluie, la rue de Siam, il écrirait plus tard rappelle-toi Barbara il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là, il dirait quelle connerie la guerre et on pleurerait sur ses paroles, mais ce jour-ci d'un mois d'août de l'année 1934 il ne pleuvait pas sur Belle-Île-en-Mer et son coeur fut malgré tout transi de pluie à force de voir ce spectacle horrible devant lui, cette traque, cette chasse non pas à la baleine mais à l'enfant...
« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux,
Tout autour de l'île, il y a de l'eau.
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
C'est la meute des honnêtes gens
Qui font la chasse à l'enfant. »
Ce roman d'une puissance d'évocation incroyable est peut-être le livre de Sorj Chalandon qui m'a le plus remué jusqu'ici, sans doute parce qu'il y a mis aussi beaucoup de lui-même, à travers la figure de cet enfant, sa tendresse et sa rage.
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« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant. »
Ce poème intitulé « La chasse à l'enfant », on le doit à Jacques Prévert. Il s'est inspiré du tragique épisode des enfants révoltés de Belle-Ile en mer qui prirent la fuite le 27 aout 1934.
Tout l'art de Sorj Chalandon, c'est d'avoir su mêler à la véritable histoire de ces enfants bagnards celle de ce fugitif, Jules Bonneau, dit "La Teigne". Récit bouleversant que celui de cet enfant maltraité dont la famille ne veut plus s'occuper après le vol de trois oeufs !
« Comme je ne pouvais pas être abandonné à la rue sous peine de vagabondage, la Justice a décidé de m'en voyer en maison de redressement jusqu'à ma majorité
Ils appelaient ça une colonie pénitentiaire. »
Le récit à la première personne nous le rend plus poignant. On souffre pour ce garçon qui se durcit à force d'endurer coups, brimades et humiliations. Car, dans cette colonie pour mineurs qui ressemble fort à une prison, c'est la loi du plus fort qui prévaut. Et les surveillants, brutaux et souvent alcooliques, ne sont pas les derniers à frapper pour assouvir leurs frustrations. La Teigne, qui fait honneur à son surnom, a la rage chevillée au coeur. Pourtant, quelques parcelles d'humanité et de pitié sont encore là qui le pousseront à protéger le plus faible, Camille Loiseau.
L'auteur nous fait tout partager du quotidien de Jules, de ses pensées, jusqu'à ses cauchemars.
Après la mutinerie, les colons en fuite dans l'ile seront chassés comme un vulgaire gibier par les gendarmes mais aussi les habitants, excités par l'appât du gain puisqu'on paye 20 francs pour chaque enfant rattrapé.
L'histoire de la Teigne, le seul à passer à travers les mailles du filet, on la doit à l'imagination de l'auteur qui a su se glisser dans la peau du fugitif et lui faire vivre de nombreuses péripéties en rapport avec l'époque. Nous sommes à la veille de la seconde guerre mondiale et on découvre les prémices du fascisme avec les Croix de Feu et la guerre civile espagnole. C'est le drame de Guernica que relatent les journaux tandis que sur l'île, on côtoie la loyauté et le courage des pêcheurs bretons.
Un jour, des journalistes vont enquêter sur ces colonies pénitentiaires et rendre public les maltraitances sur enfant.
« Alexis Danan, un journaliste parisien, traitait lui aussi la colonie de bagne. Il avait enquêté. Nous n'étions pas seulement des détenus mais aussi des esclaves. «

Au-delà du roman social et historique, c'est l'histoire d'une lutte contre toutes les injustices et les violences faites aux plus faibles. C'est aussi le récit d'une résilience, celle d'un enfant meurtri qui doit beaucoup à son auteur, lui-même victime, enfant, de maltraitance. Et c'est pour cela, sans doute, que cette histoire sonne si juste.
Roman puissant à la construction tendue et à l'écriture subtile, « l'enragé » m'a profondément marquée et ne va pas me quitter de sitôt.


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« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit "J'en ai assez de la maison de redressement"
Et les gardiens, à coup de clefs, lui avaient brisé les dents
Et puis, ils l'avaient laissé étendu sur le ciment »



C'est la révolte des enfants de la maison d'éducation correctionnelle de Belle-Île, dans le Morbihan, ayant eu lieu le 27 août 1934, qui a inspiré à Jacques Prévert son poème "La chasse à l'enfant", alors en vacances sur l'île au moment des faits, et qui l'ont profondément marqué. Ce jour-là, une centaine d'enfants s'est révoltée pour protester contre les mauvais traitements qu'ils subissaient. 55 d'entre eux (ou 56 selon les sources) se sont évadés. L'administration de la colonie pénitentiaire a fait un appel à l'aide de la population pour récupérer les fuyards, coincés sur l'île. Certains s'en sont donnés à coeur joie, d'autant qu'une récompense de 20 francs était attribuée à qui livrerait l'un des "voyous".

C'est de cet événement que Sorj Chalandon nous parle dans son roman, à travers le personnage de Jules Bonneau, dit « La Teigne », l'un des détenus de ce bagne qui n'est pas censé en être un. Ce sont d'abord les conditions de vie dans la colonie qu'il nous conte, avant de revenir sur les raisons de sa détention, puis la mutinerie, l'évasion, la "chasse à l'enfant" et tout ce qui s'en suit après.

À savoir que la moitié des "colons" était des orphelins qui n'ont pas pu être placés ailleurs et que l'autre moitié n'avait commis que de petits larcins, tel que Jules par exemple, condamné à seulement deux ans mais qui y est resté après avoir purgé sa peine parce que sa famille ne voulait pas de lui. Aucun d'entre eux ne méritait de subir tous ces châtiments, toute cette violence à leur encontre de la part des employés de la colonie (si tant est que quiconque puisse mériter de tels traitements...).

Et toute cette injustice, toute cette maltraitance, toutes ces brimades et tous ces coups ont eu de quoi faire enrager les jeunes détenus. À être éduqués par la violence, on ne répond plus que par la violence. La tension monte, à petit feu, et ce qui doit se produire devient inévitable...

« La Teigne » a la rage, il a peur, il souffre, mais pour survivre, il se doit de garder tout ça pour lui, dans un petit coin au plus profond de lui-même, pourtant prêt à surgir aux moments opportuns, ou quand la coupe se fait pleine... Toutes ces scènes qu'il imaginait, rendant justice et vengeance, et qui l'aidaient à tenir bon, deviennent d'un coup réalité...

Je ne connaissais pas encore Sorj Chalandon et il est évident que je reviendrai vers d'autres de ses livres. Avec sa plume sèche et spontanée, aux phrases courtes, il m'a cisaillé les tripes, le coeur et l'âme. Je ressors de cette lecture avec toute la rage qu'il a su me transmettre à travers celle de Jules. Tout ce qu'on souhaite, c'est le prendre par la main et l'aider à se cacher. Mais loin de cette île-prison, on se sent impuissant en même temps que la peur pour lui se fait de plus en plus tenace. On souffle enfin un peu dans la deuxième moitié du livre, mais tout en sachant que la rage de Jules n'en a pas encore fini avec lui.

L'auteur a su tout bien dépeindre et rendre l'ensemble très réaliste. On ressent clairement que le sujet et les événements évoqués lui tiennent à coeur. le personnage de Jules incarne tout ce que les enfants détenus ont pu vivre dans la réalité. C'est dur et poignant, oppressant et tendu, révoltant sans aucun doute. Mais Jules fait tout de même de jolies rencontres, et grâce à elles, il peut comprendre ce que signifient les mots bonté et bienveillance. C'est dans ces moments-là que l'auteur épargne enfin son lecteur, en lui permettant de se reposer un peu afin de mieux entrapercevoir les rayons de lumière qui arrivent à traverser ici et là toute cette sombritude. Après une première partie éprouvante, et malgré la rage qui persiste jusqu'au bout, on assiste à la renaissance d'un personnage pour qui l'on ressent toutes sortes d'émotions.

Ce roman est sans l'ombre d'un doute affreux, parce que révoltant et douloureux, quelque peu angoissant par moments, mais aussi poignant et de plus en plus chatoyant. On ne peut en ressortir indemne. La tension et la rage s'immiscent en vous, petit à petit. Ce n'est pas insoutenable parce qu'on ne s'en rend pas compte immédiatement, mais ça laisse des marques, telles de petites plaies dont la douleur ne se réveille qu'une fois qu'on les a remarquées.

J'ai beaucoup aimé et je ne suis pas près d'oublier un tel livre.



« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs, ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil »
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« Tous sont tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit. »

C'est ainsi que commence ce roman. Et contrairement à ce que pourraient laisser croire ces mots, la scène ne se déroule pas dans un élevage canin. On se trouve à Belle Île la très mal nommée ici, dans un bagne pour enfants. Ah, pardon, il ne faut plus dire bagne, mais colonie pénitentiaire, et les gardiens ne sont plus des matons, des cogneurs, des hurleurs, des salauds, mais des moniteurs.

240 pages de bonheur d'écriture et presque autant d'horreur devant les atrocités racontées. C'était en France, il y a à peine un siècle.

l'enragé, celui qui raconte, c'est la Teigne. Je vous le dis tout bas qu'il n'entende pas, car ce nom, comme il le dit lui-même :
« Personne n'a le droit de m'appeler comme ça. Jamais. C'est mon nom de guerre, gagné à force de dents brisées. Moi seul le prononce. Je le revendique et les autres le craignent. Aucun détenu, aucun surveillant, pas même Colmont le directeur ne peut l'employer. « La Teigne », c'est mon matricule et ma rage. Mon champ d'honneur. »

Comme la plupart, il n'a pas vraiment fait grand chose de mal. Ils sont là pour beaucoup, parce qu'ils n'avaient plus de famille, parce qu'ils avaient faim, parce qu'ils avaient tenté de survivre par de moyens pas toujours légaux. Leurs conditions de vie sont désastreuses, inhumaines, leurs gardiens sans pitié.

Un jour où un gamin de trop est frappé par les surveillants les colons se mutinent et 56 s'évadent. 55 seront repris, grâce à l'aide des habitants de l'ile et des touristes. Pensez, 20 Francs par enfant, c'est une somme. Heureusement, la bonté existe aussi sur cette ile, et l'enragé, la Teigne en profitera. Et cette deuxième partie, moins noire, malgré encore la présence de quelques ordures, permet de respirer.

Et je finirai ce retour volontairement court par ces mots : vive la Sainte-Sophie. Et je ne parle pas du jour de ma fête.

Plus court que souvent, car je veux partager avec vous ce poème écrit par Jacques Prévert, présent dans l'ile lors de cette révolte :

« Chasse à l'enfant

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Qu'est-ce que c'est que ces hurlements

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant

Il avait dit
J'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coups de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant pas besoin de permis
Tous les braves gens s'y sont mis
Qu'est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent

Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau. »

Merci à NetGalley et aux éditions Grasset pour ce partage #LEnragé #NetGalleyFrance
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ENORME COUP DE COEUR

Une fois de plus Sorj Chalandon m'a tiré des larmes, m'as prise par les tripes, m'a donné envie de vomir parfois. de son écriture qui coule toute seule il m'a emmené me révolter sur ces bagnes d'enfants qui existaient il y a encore moins de 100 ans.

Les colonies, les bagnes d'enfants, ont vu se succéder des milliers d'enfants, des caïds, des petites frappes, mais aussi des enfants innocents, abandonnés ou orphelins. Là pas d'éducation, ou très sommaire, mais des conditions de vie éreintantes, où les enfants pouvaient travailler jusqu'à 15 heures par jour. Ils étaient traités comme de véritables prisonniers, recevaient des coups, étaient privés de nourriture, étaient aussi violés parfois. Les gamins arrivaient dans ces maisons dès l'âge de 5 ans...

Ces "Colonies" furent démantelées à la fin de la guerre en 1945, mais le gouvernement français avait déjà pris des mesures suite à un événement tragique survenu en 1937 : la révolte de la colonie de Belle-île en mer. Les enfants ont réussi à s'échapper, mais dans l'île fut organisée une véritable chasse à l'homme pour retrouver ces malheureux enfants.

C'est l'histoire de cette révolte que nous raconte Sorj Chalandon. Il ne nous la raconte pas de l'extérieur mais bien au travers des yeux d'un de ces miséreux : Jules Bonneau, alias la Teigne.

Jules ce n'est pas un tueur, pas un violeur. Il a été abandonné par sa maman à 5 ans, qui a préféré un accordéoniste, son père et son grand-père s'en sont débarrassés dès que l'occasion s'est présentée. Il est devenu la Teigne pour survivre dans le bagne. Vous allez souffrir avec lui, dans sa chair, par ses yeux qui voient l'inadmissible.

Sur un fond de France où se mêle montée du fascisme et communisme, où le manque d'empathie rejoint l'inhumanité, où les droits des femmes sont bafoués, où les droits des enfants n'existent pas, revivez avec Jules un de ces pans de l'histoire noire de la France.

Jules Bonneau, mort pour la France en 1942, patrie qui n'a jamais voulu de lui.
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