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EAN : 9782844853219
48 pages
Allia (21/08/2009)
3.44/5   16 notes
Résumé :
A travers La Crise commence où finit le langage, Éric Chauvier tente de saisir les raisons de l’essor de la "crise" qui, plus qu’un mal de notre temps, apparaît comme le nouveau mode de désignation de la catastrophe auquel sembleraient vouées l’Histoire et l’espèce humaine.Loin de consentir à un tel fatalisme, l’auteur entreprend de mettre à jour ce qui se cache derrière le mot "crise" dans la mesure où ce terme semble avant tout être agité comme un paravent voué à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
LA CRISE : ET SI ON EN PARLAIT ?

En 45 pages d'un petit opuscule publié par les excellentes éditions Allia, et pour une somme fort modique, Éric Chauvier nous invite à réfléchir sur notre consommation d'informations et l'angoisse de l'être ordinaire qui y est confronté. "La crise commence finit là où commence le langage" est second volet du dyptique entamé avec "Que du bonheur", et qui part à peu près du même postulat : le langage, surtout dans ses formules anodines, est un traître qui vous prépare à l'asservissement. Comme précédemment, Éric Chauvier part d'un fait sans importance : une conversation commerciale au téléphone entre lui et une de ces voix aux formules toutes faites. Après avoir disséqué la part de consensus de part et d'autre que constitue ce type de dialogue, il va assez profond dans la tentative d'explication du profond malaise qu'il suscite en lui. S'appuyant sur Wittgenstein surtout, Cavell un peu moins, il creuse, revient sans cesse sur ces quelques lignes banales, pour en arriver à un constat devant lequel on le sent terrifié : ces échanges commerciaux ne seraient qu'une torture, consentie de part et d'autre, en vue de préparer l'acceptation de la misère sociale. En épuisant les mots, en vidant le langage de sa force, en nous faisant accepter que les échanges verbaux n'aient plus de sens, on nous prépare à dire amen aux formules acceptées par tous, et notamment toutes celles sans cesse délivrées sur la crise actuelle. Une démonstration dense et parfois ardue que l'auteur, par ailleurs anthropologue, a le bon goût de rendre précise et rapide, condensant ses concepts philosophiques pointus en quelques pages assez enlevées.
Le vivre ensemble reposerait ainsi désormais sur une technique oratoire de l'urgence susceptible d'être réitérée de façon illimitée. Claude Lévi-Strauss disait : « La crise est bonne à penser », ce que l'universitaire ne nie pas forcément mais dont il estime qu'il reste à en définir le cadre et la démarche de cette réflexion, qu'il ne pense pas se situer du côté des politiques ni des économistes, trop souvent autoproclamés experts, mais plutôt du côté des philosophes. L'existence de chacun ne se renouvellera pas en profondeur sans une clarification régulière de l'usage qui est fait du langage ordinaire. « Lorsque les mots seront clairement prononcés, le temps sera venu de ne plus se faire d'illusions », conclut Éric Chauvier.

Un texte bref, parfois cinglant, qui ne cède jamais à la facilité, et qui, sous couvert d'une critique définitive de l'utilisation dévoyée du langage, voire de l'annonce de sa fin véritable, est cependant une invitation à l'éveil nécessaire des conscience et à la lutte, ne serait-ce qu'individuelle, des intelligences contre des fantasmagories, totalement hors contexte et décontextualisées, préfabriquées et terriblement nuisibles de notre temps.
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Ce court essai datant de 2009 a été complété dix ans plus tard par "Comment la crise a généré les réseaux sociaux".

Au départ d'un banal appel téléphonique à visée commerciale, Chauvier analyse nos modes de communication actuels et s'interroge sur le rôle que joue la crise de 2008 dans les changements récents de ceux ci. Pourquoi culpabilisons-nous lorsque nous raccrochons alors que l'interlocuteur chargé de nous refourguer sa camelote est toujours en train de déballer son boniment ? En quoi ce type d'échange est-il encore de la communication ? En quoi la richesse et la précision du vocabulaire sont-ils nécessaires à l'action ? C'est ce que l'auteur nous explique ici.

Dans un second temps, il reprend le fil de sa réflexion en démontrant que cette crise, qui est aussi une crise de langage, a permis aux réseaux sociaux d'émerger dans les années 10, modifiant peu à peu nos codes communicationnels mais au-delà, notre perception même du réel.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Les effets désastreux [de la crise économique de 2008] constatés dans la vie de chacun sont les fruits d'arrangements qui n'ont rien d'ésotérique. Ces dérives financières s'inscrivent dans des pratiques réelles qui prennent forme dans des lieux réels (...) : des salles de conseils d'administration de multinationales ou de banques, des conseils des ministres, des salles de réunion des grands de ce monde (Fonds Monétaire International, Banque mondiale, G20, etc.), des lieux plus informels dévolus à la réflexion ou à l'apprentissage de la gestion de crise, etc. De même, le mot "bourse" ne désigne pas un événement qui cause votre perte, mais un lieu identifiable sur une carte, un lieu où l'on spécule, avec des salles de conférences, des séminaires, des bars lounge où l'on parle clairement de l'état du monde. Ceux qui occupent de tels lieux succombent moins que vous à l'illusion métaphysique de la crise. L'intimidation y est plus rare. Le langage n'y connaît pas de fin. Ceux-là savent que la crise n'est pas satellisée dans un ciel métaphysique, qu'elle n'est qu'une illusion résultant d'un consensus d'intimidation qui interdit d'investir pratiquement en mots et, par là, en actes, les lieux où se noue le théâtre des opérations.
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Le vivre-ensemble repose désormais sur une technique oratoire de l'urgence susceptible d'être réitérée de façon illimitée. Cette rhétorique vous presse et vous intimide, favorisant votre projection dans un environnement d'invisibles, axé sur la défiance, l'individualisme, le repli sur soi, l'absence d'idées personnelles, de perspectives critiques et, pour tout dire, de tempérament.
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C'est ainsi que prend forme le consensus de crise : dans la prostration du langage. C'est ainsi que toute disposition individuelle à la vulnérabilité psychologique est travaillée au corps par le langage ordinaire, par ces mots qui n'ont l'air de rien.
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Vous n'avez plus à chercher le nom de l'environnement où vous éprouvez votre vulnérabilité. Grâce soit rendue à l'évolution pathétique du monde, ce qui vous accable est désormais identifiable. Vous pouvez enfin être intimidé par un mot, qui fait à présent exister quelque chose, une clameur à la fois inconsistante et omniprésente, universelle et ultra-localisée, qui fait autorité de Wall Street jusqu'en Papouasie. C'est un mot transculturel qui pénètre votre existence sans cesser de tournoyer dans l'espace métaphysique. Ce mot évoque un trou noir, une matière évanescente, mais, aussi, presque de la chair - presque votre chair : la crise.
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En 2019, les façons de parler dans les nouvelles métropoles du désir sont indexées sur les modèles de la communication numérique. Que l'individu soit ou non commercial, il doit éprouver l'impression de participer à la vente d'un produit. Il apprécie la plus futile des situations ordinaires avec l'impression de "liker". Pour être compétitif, il doit parler comme s'il "likait" un produit sur Internet, comme s'il était lui-même "likable". Son pouvoir de "liker" sans indexicalité est devenu un signe distinctif. Il peut aussi oraliser un petit stock d'émojis en néologismes : "wesh", "oki".
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Vidéo de Eric Chauvier
Eric Chauvier vous présente son ouvrage "Plexiglas mon amour" aux éditions Allia. Rentrée littéraire automne 2021.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2545362/eric-chauvier-plexiglas-mon-amour
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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