AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,25

sur 83 notes
5
4 avis
4
15 avis
3
6 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Merci à l'opération Masse critique de Bablio et aux éditions Phébus pour la découverte de ce roman enthousiasmant et de cet auteur que je suivrai dorénavant dans ses nouvelles parutions et sur son blog (Kronix Haut et fort). Je suis maintenant moi aussi un « infortuné lecteur », ou plus exactement une infortunée lectrice, à jamais marquée par le post du 02/02/2020…
***
Dans Noir Canicule, tout commence avec Henri (l'Henri) qu'on devine très malade. Sa femme Marie (la Marie) n'est pas encore réveillée. Henri a demandé un taxi climatisé pour faire les mille kilomètres qui les attendent en cette journée de canicule. Nous sommes en 2003. Ce couple de vieux paysans habite dans les monts de la Madeleine, pas très loin de Roanne, et va se rendre dans le Sud, à Cannes. C'est Lily, qu'on rencontre au deuxième chapitre, qui conduit le taxi et qui a mis un point d'honneur à arriver à l'heure. Dans ce même chapitre, on fait connaissance avec un autre couple, Pierre et Danielle. Lui subit un malaise à cause de la canicule ; elle ne sait trop quelle décision prendre et hésite, comme d'habitude, semble-t-il. Ces deux-là sont les parents de Nicolas et de Livia, que l'on rencontrera plus tard. Au fait, Nicolas, c'est l'ex de Lily, celui qui apprécie les jeux érotiques assez poussés. On fera encore la connaissance de Bernard, agriculteur, qui prendra la suite de ses parents à la mort de son père, Henri. L'autre fils est viticulteur. Il a réussi, lui… Qui d'autre ? Carine, qui couche avec Bernard quand ils peuvent se rencontrer. Et Mélanie. Mais Mélanie, c'est la boulette…
***
Christian Chavassieux nous propose ainsi tout une galerie de personnages dont les destins se frôlent ou… se télescopent, et dont Lily est l'épicentre. Nous aurons accès à leurs pensées, à leurs états d'âme, à leurs sentiments nobles et médiocres. J'ai eu l'impression de les avoir connus, tous, de la petite chipie à l'ado avide de découvertes, subjuguée par un jeune connard riche et prétentieux en mal de reconnaissance et d'amour, aux femmes qui se débattent dans un quotidien décevant, espérant qui le retour d'un mari s'en étant allé voir si l'herbe était plus jeune ailleurs, qui une autre vie, avec un autre amant, plus attentionné ou plus original, on ne sait trop. Christian Chavassieux excelle à faire ressortir les petites faiblesses, les compromissions, mais aussi l'empathie et la générosité des figures qu'il nous présente. Amateurs de thrillers plein de clifhangers, vous serez déçus ! On comprend vite le but du voyage, on comprend aussi que Lily a un problème, et on devine relativement rapidement ce dont il s'agit. Ce qu'on ne sait pas encore, c'est qui et comment…
***
Bien sûr, l'intrigue est bien ficelée, les personnages solidement campés, leur psychologie crédible et les liens qui les unissent comme les divergences qui les font souffrir parfaitement observés. Mais ce qui m'a bluffée, ce que j'ai vraiment aimé, c'est le style : les rythmes binaires ou ternaires, souvent, les longues gradations d'adjectifs, la précision d'un vocabulaire simple, mais dont l'emploi est parfois original dans telle ou telle situation, le mot rare, aussi, mais qu'aucun autre n'aurait pu remplacer dans ce cas (voir les citations). J'ai adoré ce roman et je le recommande… chaudement !
Commenter  J’apprécie          340
La confusion des cadavres

Le “Noir Canicule” de Christian Chavassieux - en un habitacle de taxi climatisé et une journée bien remplie comme seuls les paysans peuvent en connaître, de l'aube jusqu'au coucher du soleil – est un livre sur la mort, pas tant comme sujet que comme objet de la fatalité. Celle des vies qui s'achèvent, par tautologie, mais aussi celle, apocalyptique et millénariste, qui s'impose en masse, par des effets du même nom. Ici, la Canicule du début du XXI°s., qui annonçait un chaos dont on s'est curieusement remis assez rapidement : comme chez la Marie du roman, la mémoire n'est jamais faite que d'abîmes oubliés, après tout. La Marie et le Henri, c'est sans doute comme ça qu'on les appelle au village, ce couple de vieux paysans, 56 ans de mariage au compteur, agacement réciproque compris et réprimé. Ils ont mis leurs habits du dimanche et sans doute un peu de parfum bon marché pour se fader les 800 kilomètres qui séparent leur Thébaïde de Cannes, la ville d'un tout dernier espoir pour eux et son cancer à lui. Marie, écrit Chavassieux, a beau s'être « habituée à le voir mourir plusieurs fois par jour », et connaître le sort des femmes qui restent et continuent de dormir seules du même côté du lit, elle y tient, à son Henri, même si elle l'aurait aimé plus robuste.

C'est Lily, une conductrice de taxi entre deux âges - « passable » aux yeux de tous mais plus assez aux yeux de son ex-mari qui lui a préféré une jeunette - qui se charge de ce que le narrateur nomme lui-même « un voyage extraordinaire ». Rémunérateur, certainement, mais éprouvant, quand il s'agit pour cette femme préoccupée de prendre en charge, au sens propre et figuré, ces gens qui habituellement, ne sortent jamais de chez eux. Ne vont même plus jusqu'à Roanne, ne racontent plus rien à ceux qui, dans le village, savent déjà tout d'eux. Ou croient tout savoir, parce que comme les autres personnages (le huis-clos est un trompe-l'oeil et les récits enchâssés s'imbriquent), Pierre, Nicolas, Jessica, tous ont leur part de secret, et celui qu'ils partagent, qu'elle a cru oublier et que son cancer à lui ravive, en est un au moins aussi inavouable que celui de la conductrice. Qui met du Florent Pagny en considérant l'affaire Cantat, on est pas à un grand écart près.

« Noir Canicule », comme le bon polar qu'il n'est pas (seulement), fonctionne par révélations successives, que je ne dévoilerai pas ici. Pour le coup, c'est un roman qu'on ne peut pas lâcher, parce qu'on veut savoir, et que l'auteur est chiche, dans les pistes qu'il délivre au compte-gouttes, c'est de bonne guerre. Les vies passées, présentes et à venir se croisent elles aussi, comme dans une scène de super 8 : les images des pères – ceux qui vont mourir, ceux déjà morts – reviennent, saines, doublées, dans la mélancolie, de ce que Chavassieux appelle « le poison de l'amertume ». Pénible et sensuel à la fois. Il y a ce récit central, mais on comprend assez vite que les correspondances n'en sont pas : elles ne font que proposer à cette apocalypse – du moins sa première trompette, dit-il – un tour tristement humain. Avec des vieux cons de paysans, des destins contrariés, des vies réussies et d'autres pas, dans la même fratrie, parfois. La métaphysique propre à tout voyage est omniprésente, et personne n'échappe au constat d'échec, dans cet ouvrage. Pas plus un monde qui s'achève (« Trente ans que les petits paysans crèvent ») qu'un autre qui commence dans la confusion des cadavres, une expression empruntée à Flaubert. L'écriture de Chavassieux, comme d'habitude, fait mouche, alterne les registres, reproduit des discours directs (d'ados, notamment, j'te f'rai dire !) au sein même de passages narratifs soutenus, des scènes sont volontairement cinématographiques pour en souligner immédiatement des dialogues débiles : mais c'est quoi ce film ? On n'échappe pas au naturalisme paysan de l'auteur de l'Affaire des Vivants, même dans sa contemporaine Affaire des morts. Mais chacun se reconnaîtra dans une, au moins, des concessions que chacun des personnages fait à sa propre mort à venir, celle qu'on frôle dans une voiture, celle qu'on cache au monde depuis 77. L'agonie universelle, avance l'auteur. Que Bernard, tenté d'en finir, renvoie à son terme naturel, que Séverine ("une vraie pétasse contente d'elle-même") et Séb' l'infatué chercheront à nier, que Mélanie a dû sentir passer... Que les médecins et femmes de service des hôpitaux ont vu débarquer, impuissants. On ne sait pas ce que Jean-François Mattei – l'auteur a l'élégance de ne pas le citer directement, soulignant l'impéritie d'un gouvernement dont l'inaction dénoncée par Pelloux, à l'époque, a coûté plusieurs milliers de morts évitables – pensera de ce roman, s'il le lit. Ce que je conseille à n'importe qui d'autre, par ailleurs : un Chavassieux est toujours un événement et celui-ci, s'il fausse les pistes habituelles de l'auteur, ne déroge pas à la règle. Haletant et troublant. Son plein soleil à lui.
Commenter  J’apprécie          110
✔️Mon ressenti : Je ne connaissais pas l'auteur de ce roman, je remercie vivement les éditions Phébus et Babelio pour cette lecture en avant première par le biais de la masse critique.

Eté 2003, la canicule est là. Marie et Henri sont un vieux couple d'agriculteurs. Henri semble diminué. Ils ont fait appel à Lily pour un aller- retour à Cannes dans la journée.
Ce voyage sera l'occasion pour chacun des personnages de nous laisser entrer dans leur tête et dans ce de leurs proches pour savoir ce qui les a amenés où ils sont aujourd'hui.

L'atmosphère lourde et chaude transpire entre les lignes de ce récit. Les dialogues sont peu nombreux et intégrés aux pensées des personnages. Cela m'a donné un sentiment de voyeurisme, j'avais l'impression d'entrer dans leur intimité sans qu'ils soient au courant.
La plume de l'auteur est fluide et l'accent est mis sur la psychologie de chacun des personnages. Ils sont assez nombreux, mais tous plus où moins reliés.
Je l'ai lu rapidement et cette lecture m'a remuée.
Roman difficilement classable mais assez noir dans son ensemble. Une belle découverte.

🎯Mots Clefs : Voyage / Taxi / Surprises / Personnages / Vie

🏆Ma note : 18/20
Commenter  J’apprécie          90
Eté 2003 : ça chauffe en France (et pas qu'ici d'ailleurs), la canicule commence à faire des ravages. Lily est une femme taxi au passé que l'on découvrira par petites touches tout au long de cette escapade moite et plombante. Lily doit conduire un couple de paysans âgés, vivant en pleine Loire rurale, Henri et Marie, à Cannes pour un bref aller-retour dont elle ignore tout. Henri est atteint d'un cancer, Marie est cette femme infatigable qui veille sur lui, sorte d'ange gardien. Tous deux ont un fils un peu désinvolte, Bernard, affublé d'une maîtresse, Carine.



Le parcours de Lily ne semble pas avoir été de toute repos. Elle a fait sa première fugue dès 1977, c'est dire. Père violent, attiré par les jeunes filles, dont l'une suicidée. Pas de chagrin ni larmes à sa mort (on pense à « L'étranger » d'Albert CAMUS). Lily a bien sûr connu l'amour. Son plus récent, Nicolas, est parti, sombre affaire qui est en filigrane de ce roman très noir à l'orée du polar. Polar car oui, autant vous le dévoiler de suite, il y a eu un mort dans cette affaire, une morte plus exactement. Concernant le présent, le père de Nicolas est au plus mal, hospitalisé… Avec Nicolas, le plaisir sexuel de Lily était situé du côté des jeux SM, de l'érotisation du rapport de force, pour rigoler, démultiplier le plaisir. C'était avant la naissance de Rose, leur deuxième fille.



Avant Rose, il y eut Jessica. Elle a grandi la Jessica, elle est attirée par Sèb, artiste mégalo un brin mythomane et pour tout dire insupportable, à 21 ans il croit tout savoir et écrase le monde de son mépris et de sa supériorité. Au milieu de cette galerie de personnages peu sympathiques, il semblerait bien que Lily ne soit pas étrangère à la morte évoquée plus haut…



Un roman du contraste : noir et glacial en pleine canicule, à la fois road-book et livre décrivant l'attachement à une terre, il est polar sans l'être puisque le meurtre ne tient qu'une place minime et l'enquête est inexistante. le principal est ailleurs : car il est le roman d'un passé révolu, le monde paysan archaïque représenté par Henri et Marie, et celui d'une nouvelle ère en passe de s'imposer : celle du réchauffement climatique, cette ère personnifiée par les figures les plus jeunes de cette histoire. Quant à Lily, c'est l'entre-deux, c'est-à-dire celle qui se situe à la frontière des deux mondes, épaulant Henri et Marie (mais pourquoi diable vont-ils à Cannes, c'est l'un des mystères – révélés – du roman) tout en suivant l'évolution de ses filles en devenir et de ce monde en train de changer irrémédiablement, notamment par son climat auquel il va falloir s'habituer rapidement.



« Noir canicule » est aussi le roman de l'héritage et de la transmission : « Est-ce qu'ils avaient partagé la même conviction, ses ancêtres ? S'étaient-ils vus, eux aussi, comme les derniers ? La question ne lui était jamais apparue. de se tourner ainsi vers jadis avec cette idée, offrait un peu de réconfort. Est-ce que chacun se croit le terme, avant que le prochain endosse ce doute à son tour ? Et qu'ainsi se relaient les épouvantes, jusqu'au véritable dernier, qui ne se méfie plus ».



Roman fort, maîtrisé à la virgule près dans une écriture sobre, élégante, délicate, qui fait contrepoids avec la tragédie en cours. Belle histoire sombre, personnages plus que crédibles, paysages savamment décrits genre caméra filant au-dessus du sol, ambiance très bien restituée, jusqu'à la couverture qui semble parodier avec talent le cinéma noir français d'une période récente mais révolue. Si vous n'aviez pas encore compris mon appel du pied, le voici sans nuances : n'attendez pas l'hiver pour lire ce roman brillant et impossible à reposer avant la dernière page ! Je reviendrai vers Christian CHAVASSIEUX qui m'a à coup sûr tapé dans l'oeil. Grand merci ! Bouquin sorti chez Phébus en 2020.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          60


Lecteurs (196) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
436 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}