Dans ce début de vingtième siècle, le couple Doudieux vit l'opulence de la Belle Époque, la richesse et la douceur de vivre de l'avant-guerre. L'agitation sociale qui commence à poindre alors n'atteint pas encore Monsieur Doudieux, à qui sa firme de meubles et le cercle de son épouse permettent l'aisance et la fréquentation du beau monde.
Les jours s'écoulent, heureux, paisibles, et puis… Une lettre anonyme arrive entre les mains d'Irène Doudieux. Une simple phrase : « Pourquoi ne pas empoisonner votre femme ? ».
Deux pages à peine pour planter le décor, et nous voici projeté dans une sombre histoire, celle d'une ancienne conquête de Monsieur restée vieille fille et revenue du passé, celle de présents empoisonnés, celle d'un jeune ténor mort dans un lit de la demeure.
Les chapitres sont courts, l'écriture haletante ; on est tout de suite plongé dans cette époque au sein de laquelle les apparences, les normes sociales et les convenances peuvent faire germer les plus noires pulsions. Sur la couverture est indiqué « roman », mais l'ensemble a le goût du théâtre, le soupçon comique de
Molière, la dramaturgie de Dumas fils ; le narrateur brise le 4e mur, et parsème d'une ironie fort contemporaine un récit de l'époque conté avec maestria. Ce contraste rend le récit très vivant, immersif, et on ne peut le lâcher avant d'être arrivé à son terme où l'on apprend par une note qu'il s'inspire en plus de faits réels.
Une lecture que je ne saurais que trop recommander, un petit bijou au verbe fort et à la plume ingénieuse. Brillant.