Poirot est vieux.
Eh oui, nous sommes dans le Swinging London de 1966, 40 ans après la première enquête du détective belge relatée par
Agatha Christie: la série télé "Chapeau melon et bottes de cuir" a débuté 5 ans plus tôt, l'album Revolver des Beatles sort en août , c'est la période yéyé en France et le Flower Power psychédélique s'épanouit de l'autre côté de l'Atlantique.
Nous sommes dans les années 1960, donc, et une jeune fille évaporée arrive chez Poirot sans se présenter, dit avoir pu tuer quelqu'un, sans donner l'identité de la victime supposée, et s'enfuit aussi vite qu'elle est venue, non sans avoir lâché, gênée, qu'il était trop vieux pour l'aider ! Sacré défi pour le coup : avec aussi peu d'infos, Poirot réussira-t-il à résoudre l'enquête et aider cette jeune fille ( et par là-même démontrer que, malgré le temps, sa moustache n'a rien perdu de son charme, ni ses petites cellules grises de leur éclat, comme dirait Gaston le roux ^^).
Années 1960, où l'élégance sobre des années 1930-40, emblématique des romans d'
Agatha Christie, appartient au passé et doit laisser place à une époque de jeunes filles colocataires et de peintres un peu prétentieux ( comme
David Baker, "le Paon") qui sied cependant très bien à l'exubérance d'Ariadne Oliver, l'autre faire-valoir récurrent de Poirot avec Hastings. L'autrice de romans policiers, auto-caricature de Christie elle-même, est loin d'être aussi guindée que le capitaine, mais a pour Poirot la même affection, et la même utilité: foncer tête baissée dans les pièges et plans des assassins!
Elle est ici essentielle pour démarrer l'enquête; et payera de sa personne au point de courir un grave danger et perdre au passage quelques mèches de sa perruque ( les perruques ont d'ailleurs un rôle similaire à celui dans
le Chat et les pigeons) dans une agression...
Années 1960, et
Agatha Christie utilisera donc un poison moderne
le LSD pour intoxiquer sa victime; mais si Poirot est vieux et donc plus proche de la fin ( on est à quatre romans du 33ème et dernier roman du détective belge) que du début, il décortique pourtant toujours avec obstination et panache les crapuleuses machinations bourgeoises, à l'identique cruauté quelle que soit l'époque, pour en sauver les boucs émissaires même peu sympathiques: voilà sa tâche favorite, comme dans
ABC contre Poirot ou Mrs Mc Ginty est morte...
L'enquête est alambiquée comme on aime (peut-être trop au goût de certains) et ce roman de 1966 est un bon cru de par la présence de Miss Oliver: les joutes verbales entre Poirot et elle, de même qu'avec Hastings, et sa personnalité attachante et fantaisiste, fournissent au récit une certaine saveur!