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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
De la lassitude à l'exaltation, de la critique au lyrisme, du dégoût à la passion, Emil Cioran parcourt toutes les contradictions qui le constituent et que ses veilles nocturnes ont révélé, pareilles aux éclairs de lucidité de l'homme illuminé. S'il a pu gravir les Cimes du désespoir plutôt que de mener l'existence plus classique d'un étudiant parisien planchant sur des thèses et se limitant aux digressions intellectuelles en trois parties -thèse– antithèse, synthèse-, Emil Cioran le doit à sa maladie : l'insomnie. Peu importe que personne ne considère vraiment cela comme un mal. La maladie a des charmes captieux qu'il suffit de désirer ne serait-ce que partiellement pour en être touché.


« Il n'est personne qui, après avoir triomphé de la douleur ou de la maladie, n'éprouve, au fond de son âme, un regret –si vague, si pâle soit-il. […] Lorsque la douleur fait partie intégrante de l'être, son dépassement suscite nécessairement le regret, comme d'une chose disparue. Ce que j'ai de meilleur en moi, tout comme ce que j'ai perdu, c'est à la souffrance que je le dois. Aussi ne peut-on ni l'aimer ni la condamner. J'ai pour elle un sentiment particulier, difficile à définir, mais qui a le charme et l'attrait d'une lumière crépusculaire. »


L'activité d'écriture d'Emil Cioran apparaît alors comme un moyen de dépasser ses terribles insomnies qui l'écartèrent de toute existence conventionnelle et lui firent connaître les nuits solitaires ou marginales de Paris. le dépassement de cet état maladif constitue une attitude que Nietzsche n'aurait pas reniée et pourtant, Emil Cioran s'écarte des conclusions de son prédécesseur et choisit de ne pas exalter la puissance pure mais sa forme désenchantée : la mélancolie.


« Les éléments esthétiques de la mélancolie enveloppent les virtualités d'une harmonie future que n'offre pas la tristesse organique. Celle-ci aboutit nécessairement à l'irréparable, tandis que la mélancolie s'ouvre sur le rêve et la grâce. »


Emil Cioran reste trop humain en acceptant ses fléchissements. S'il est probable que Nietzsche ait connu une apathie aussi virulente que lui, son combat contre les sentiments compassionnels lui aura refusé d'en relater le moindre récit personnel. Emil Cioran ne revendique quant à lui aucune volonté de la sorte. En dehors de lui-même, le mal et le bien n'existent pas. Ne sont réelles que les luttes contradictoires qui se mènent dans son âme à la fois exaltée et fatiguée. Les paragraphes courts font s'alterner des voix qui ne semblent pas toujours émaner du même individu, si le goût pour la transcendance désenchantée de leur auteur ne constituait pas le refrain lancinant de leurs variations. Emil Cioran reconnaît une apathie des plus funestes, traduisant l'intérieur d'un homme dévitalisé –malade de l'insomnie, et malade de la refuser.


« En ce moment, je ne crois en rien du tout et je n'ai nul espoir. Tout ce qui fait le charme de la vie me paraît vide de sens. Je n'ai ni le sentiment du passé ni celui de l'avenir ; le présent ne me semble que poison. Je ne sais pas si je suis désespéré, car l'absence de tout espoir n'est pas forcément le désespoir. »


Il reconnaît aussi le vertige qui saisit l'homme enivré de son ascension, celui qui, ayant dépassé la plupart des autres hommes dans un parcours de solitude et de désespoir, se rend compte que abîmes menaçants qui l'entouraient n'avaient jamais été une menace pour son âme invincible.


« Je ressens en ce moment un impérieux besoin de crier, de pousser un hurlement qui épouvante l'univers. Je sens monter en moi un grondement sans précédent, et je me demande pourquoi il n'explose pas, pour anéantir ce monde, que j'engloutirais dans mon néant. Je me sens l'être le plus terrible qui ait jamais existé dans l'histoire, une brute apocalyptique débordant de flammes et de ténèbres. »


Peu importe que ces deux attitudes s'excluent -excepté dans le caractère extrême de leurs descriptions- car elles ne convaincront peut-être pas qui refuse le chaos en soi, mais sauront faire abdiquer celui qui accepte de le connaître ou celui qui l'a déjà connu.


« Ceux qui n'ont que peu d'états d'âme et ignorent l'expérience des confins ne peuvent se contredire, puisque leurs tendances réduites ne sauraient s'opposer. Ceux qui, au contraire, ressentent intensément la haine, le désespoir, le chaos, le néant ou l'amour, que chaque expérience consume et précipite vers la mort ; ceux qui ne peuvent respirer en dehors des cimes et qui sont toujours seuls, à plus forte raison lorsqu'ils sont entourés –comment pourraient-ils suivre une évolution linéaire ou se cristalliser en système ? »


Nietzsche craignait d'exalter la fatigue vitale en relâchant l'autorité qui cadenassait en lui tout instinct compassionnel ; Emil Cioran, au contraire, reconnaît cette pitié comme un tendre laxisme qui redonne de la confiance à une âme que la fatigue ne se permettrait de toute façon jamais d'épargner. La fougue au charme captieux d'Emil Cioran semble alors le souffle épique qui accompagne et enchante celui qui se dirige vers les Cimes du désespoir.


« Comment oserait-on encore parler de la vie lorsqu'on l'a anéantie en soi ? J'ai plus d'estime pour l'individu aux désirs contrariés, malheureux en amour et désespérés, que pour le sage impassible et orgueilleux. »

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Cioran c'est au final l'équivalent d'une leçon réaliste sur la vie . Quand l'on se penche sur les liens entre le réalisme cynique de la vision de Cioran et le constat de l'étude de la vie , l'on découvre que Cioran est au fond l'un des rares à étre en phase avec ce qui constitue la réalité de l'existence . Une plongée au coeur de l'oeuvre de Cioran c'est une prise de contact avec le réalisme de la vie . Cela n'est pas compatible avec toutes les sensibilités , mais l'expérience est profitable au final .
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Sur les cimes du Désespoir de Cioran aux éditions
est un essai philosophique magistral, un concentré de pensées, une réflexion profonde sur le Désespoir. La mélancolie. L'inanité d'une existence, la solitude, l'insomnie, l'extase, sont autant de toiles de fond pour construire cette réflexion, aussi propre à Cioran qu'elle est aussi universelle.
Autant de textes, composant Sur les Cimes du Désespoir qui touchent les tréfonds de l'âme et donnent inconditionnellement une introspection sur le sens de la vie. Emil Cioran avec cet essai pose les bases de son oeuvre, profondément pessimiste mais qui évoque avec lucidité les bonnes questions. Il jette ainsi les bases de son nihilisme.
J'avais déjà lu Sur les Cimes du Désespoir à 20 ans, je comprends pourquoi cet essai m'avait fait un choc
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Parmi les livres non-fictifs que je souhaitais lire depuis longtemps figurait Sur les cimes du désespoir de Cioran, alors le voir dans la liste de la dernière Masse Critique était un signe !
Bien que j'ai toujours aimé la philosophie en général, je ne lis pas souvent de livres philosophiques et je manque de connaissance sur ce sujet. du coup, ma critique n'aura pas la pertinence des autres mais voici mon avis.

22 ans. Emil Cioran n'avait que 22 ans lorsqu'il a écrit cet essai sombre, pessimiste ou empreint de scepticisme.

Le livre se divise en une cinquantaine de thèmes couvrant ce que la vie a de plus négatif : la mort, le suicide, le désespoir, l'insomnie dont il était lui-même sujet, etc...

Sa lucidité, et à travers elle sa connaissance de la psychologie humaine, à son si jeune âge est tout simplement bluffante.
Fx1, dans l'une des critiques publiées ici, a écrit : "[...] on découvre que Cioran est au fond l'un des rares à être en phase avec ce qui constitue la réalité de l'existence". Ceci est parfaitement juste.

Beaucoup de réflexions sont intéressantes et je me demande où il est allé chercher tout ça, toutes ces pensées, sorti de l'adolescence depuis peu :

“Qu'arriverait-il si le visage humain exprimait fidèlement toute la souffrance du dedans, si tout le supplice intérieur passait dans l'expression ? Pourrions-nous encore échanger des paroles autrement qu'en nous cachant le visage dans les mains ?”

Mais aussi intéressants soient ses discours, j'ai pu relever ce qui me paraissent être des contradictions.

Par exemple, on ressent sa douleur dans certaines phrases : “...mes larmes suffiraient à noyer ce monde, comme mon feu intérieur à l'incendier” puis il ajoute qu'il n'a besoin d'aucun appui. Mais l'expression de la souffrance n'est-elle pas un appel à l'aide ?

Il estime qu'un homme qui souffre ne peut pas avoir de compassion envers autrui. Je pense au contraire que les épreuves doublent notre capacité à comprendre autrui, à compatir à leur peine que nous connaissons.

C'est ce que j'aime avec la philosophie : le fait d'envisager et de vivre les choses différemment sur les mêmes bases que les autres.

A mes yeux, l'art vient de la souffrance. Ici, le sombre est très beau. La douleur palpable dégagée par les mots de Cioran est intense et la justesse de la plupart de ses observations font de ce livre un chef-d'oeuvre.

Ce fut une lecture des plus intéressantes et je remercie chaleureusement Babelio et les éditions L'Herne pour l'envoi de ce livre et leur confiance.
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Quand un excès de lyrisme conduit le philosophe à devenir poète du chaos. Quand trop d'insomnies empêchent l'interruption de la veille
nécessaire au repos de l'âme et à l'oubli, alors une lucidité sans répit devient torture, le monde un enfer, la vie une absurdité.
Cioran est l'apôtre insomniaque du Néant. Son nihilisme n'est pas une posture, ni un héritage de son époque, mais procède d'une destruction radicale, systématique, du sens de l'existence.
Aucune concession n'est faite, pas l'ombre d'un espoir. L'homme est pris au piège entre deux abîmes, toutes ses agitations sont vaines et vouées à un inéluctable retour à la poussière cosmique.
La seule certitude, après celle de la souffrance, est la mort.
Chez Cioran, l'intuition de l'éternité ne vient pas d'une idée claire et distincte d'un être transcendant tout puissant, mais trouve plutôt son origine dans la contemplation du gouffre sans fond qui le hante, rêve d'une chute sans fin vers les cimes.
Parfois une lueur jaillit du cauchemar, celle de la beauté de la flamme qui nous consumerait en une ultime extase avant le grand bain sidéral.
A lire de préférence la nuit, dans une semi-pénombre, en écoutant Henrick Górecki.
(Ambiance garantie)
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Sur les cimes du désespoir est un livre écrit à l'âge de 22 ans par Emile Cioran, en 1934. C'est un recueil de réflexions philosophiques portant sur l'existence et le rapport au monde.
Bien qu'il s'agit d'un texte philosophique et que je ne sois pas coutumière de ce type de texte, je ne l'ai pas trouvé difficile à lire. Les phrases s'enchaînent sans être pompeuses et la lecture est fluide. Les chapitres sont brefs et éclectiques, ils portent chacun sur une pensée de Cioran. J'ai perçu ce livre comme un journal intime de désespoir et parfois de rage en raison justement de l'aspect décousu des chapitres entre eux. Cela n'en empêche pas la lecture, bien au contraire, c'est comme si une frontière s'était brisée entre l'auteur et le lecteur. Nous montons directement avec lui aux cimes du désespoir. C'est pourquoi j'ai eu besoin de temps pour mettre des mots sur ma lecture après l'avoir terminée.

Shakespeare dans Hamlet faire dire à la reine, à la suite d'une confrontation avec son fils : “Oh! ne parle plus, Hamlet. Tu tournes mes regards vers les tréfonds de mon âme ; Et j'y vois des tâches si noires et si profondes que rien ne pourra les effacer.” C'est terriblement ce que j'ai ressenti durant ma lecture. J'ai reconnu dans ces lignes la noirceur qui peut caractériser l'âme de la jeunesse, que j'ai moi-même longtemps ressenti et qui parfois étreint encore mon coeur.
Au cours des différents chapitres, Cioran pose des questions existentielles qui résonnent chez le lecteur, lequel doit trouver en lui-même des réponses pour avancer. Il fait part de ses angoisses profondes et de ses souffrances d'exister. Vous voilà prévenu, c'est un texte sombre qui va au-delà de la mélancolie. Je l'ai trouvé très beau.

Ce n'était pas le premier Cioran que je lisais, mais c'est pour l'instant celui qui m'a fait l'effet le plus fort. Je ne compte plus le nombre de post-it et de traits de crayons qui ont accompagné ma lecture. C'est une lecture qui donne le vertige, tant par sa noirceur que par sa capacité à mettre en lumière des sentiments dont je n'avais pas forcément conscience mais qui étaient pourtant là, sous la surface.

Je tiens à m'excuser sincèrement auprès de la maison d'édition et auprès de Babelio pour le retard dans ma chronique. J'ai eu besoin de temps pour digérer cette lecture. Je vous remercie beaucoup pour l'envoi de ce livre que je n'oublierai pas de sitôt.
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Appréhender un livre de Cioran n'est jamais évident tant la philosophie de l'homme peut apparaître aride et profondément déstabilisante pour qui n'a pas la capacité ou l'envie de prendre suffisamment de recul intellectuel par rapport aux propos d'un auteur définitivement à part. Profondément crépusculaire, voir morbide sous certains aspects le moins que l'on puisse dire c'est que cet ouvrage « Sur les cimes du désespoir » ne peut laisser le lecteur indifférent. le pessimisme, l'obsession du suicide, de la mort sont autant de thèmes qui reviennent inlassablement dans ce court ouvrage. L'on y voit Cioran écrire ainsi que « La mort étant immanente à la vie, celle-ci devient, dans sa quasi-totalité une agonie ».. Les aphorismes y sont nombreux et non dénué d'un certain « humour » comme lorsqu'il dit ceci « Je suis mécontent de tout. Même si j'étais élu Dieu, je présenterais aussitôt ma démission (…) » Ecrit alors qu'il n'avait que vingt deux ans, en 1933, l'on peut dire que cet ouvrage est philosophiquement très riche tant il est dérangeant. Cioran a le mérite de nous faire réfléchir sur le sens que l'on peut donner ou pas à notre existence. « Rien ne saurait justifier le fait de vivre » écrit-il. Sa perception de la foi chrétienne, son point de vue sur la personne du Christ notamment, en tant que croyant, je ne le partage pas mais j'ai néanmoins été profondément marqué par sa lecture, par la mine de réflexions qu'il sous tend. Je l'ai relu deux fois, comme pour mieux m'imprégner de son discours afin par la suite de m'en détacher sur certains points qui me semble clé mais également de me rapprocher de sa pensée sur d'autres, comme lorsqu'il écrit ses mots magnifiques « (…) le salut réside dans l'oubli. J'aimerais pouvoir tout oublier, m'oublier moi-même et le monde entier. » Un texte riche d'un penseur qui n'a pas fini de nous interpeller: « Pour l'animal, la vie est tout ; pour l'homme, elle est un point d'interrogation. »
Lien : https://thedude524.com/2011/..
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"Sur les cimes du desespoir" quel beau titre ! A la fois nous pouvons le comprendre comme un propos sur ce qu'est le désespoir, ce que le livre traite principalement, et à la fois ce titre lyrique révèle que l'auteur traverse une période sombre, l'apogée de sa souffrance, ce qu'il avoie volontiers.
Ce recueil de pensées philosophies se lit très facilement tant les phrases sont clairs, ciblées. L'écriture lyrique est envoûtante et j'aime y lire le coeur de l'auteur.
J'ai pris mon temps pour apprécier chaque mot, chaque pensée conceptuelle. La lecture m'a éprouvée tant le pessimisme y est constant et frappant. Cioran y révèle son indifférence au monde, à la religion, mais aussi ce qu'est le malheur, la solitude et pourquoi certains êtres sont hors les codes, comme lui.
Je me suis retrouvée dans chaque mot, chaque phrase et chaque pensée. Ce livre a été pour moi une vraie révélation et je me sens comprise et moins seule en lisant ses propos.
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incroyable.
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Bergson pensait que le langage et les mots bornaient la pensée, Cioran prouve le contraire, il nomme les contradictions sans les réduire, il permet de comprendre le mal-être intérieur du lecteur qui s'identifie. Ouvrage poignant et inoubliable, merci Émile
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