Atemporel
Une légère amertume en refermant ce premier volume. Un arrière-goût confus mêlant tellement de saveurs distinctes. Un clair-obscur où qu'on n'sait pas bien où on a mis les pieds, ni si on en est complètement ressorti. Bref, un ressenti en demi-teinte quoi.
Mes attentes principales concernaient avant tout le style, l'écriture, l'âme des lettres et de la culture orientale. J'avais envie de quelque chose de neuf, de dépaysant. C'est là ma plus grosse déception. Si
Terre Errante laissait entrevoir ces sonorités à la fois nostalgiques et pleines d'espoir, atemporelles même, ce romantisme si singulier empreint de nature et de légendes antiques,
le Problème à trois corps n'en fait rien. Peut-être n'y avait-il plus de place dans ce long roman pour y instiller un peu de cette magie du verbe et du poème.
Ici, c'est lissé à l'occidentale, et c'est bien dommage. La culture chinoise ne ressort que dans les aspects politiques, l'opposition des élites et du peuple. La mentalité du régime communiste, de sa population à la fois idéaliste et fanatique, est parfaitement retranscrite. le contexte d'une époque pas tout à fait révolue aussi, avec ses dérives, ses dangers, et les élites (scientifiques en tête) qui naviguent sur un fil ténu entre une vie dédiée au régime et illégalité. C'est bien fait, c'est propre, net, on s'y retrouve plongé totalement, mais ce point précis ne m'intéressait absolument pas.
L'aspect historique, en revanche, est amené de façon efficace, intéressante et ludique. L'association entre une astrophysique universelle et la frise chronologique des différentes dynasties chinoises est portée par une réalité virtuelle totalement immersive. Procédé vu et revu, mais diablement efficace ici. On vibre pour des personnages à la fois réels, car tirés du passé tumultueux de leur pays, de leur monde, et totalement imaginaires. En effet, la rencontre de certains, hautement improbable, permet des réflexions plus que pertinentes, sans compter l'intervention d'esprits modernes (les joueurs) qui permettent au scénario d'évoluer. C'est malin.
Ce jeu vidéo est en fait le lien entre les différents et nombreux aspects du roman, une sorte de fil d'ariane que l'auteur a eu la sagesse de ne pas trop imposer en premier plan.
ATTENTION ! PETIT SPOILER
Liu Cixin a beau user de plus de 300 pages pour tout mettre en place (oui, c'est long), il parvient je ne sais comment à maintenir notre intérêt à flot. Si la réponse au message envoyé vers les étoiles m'a d'abord un peu surpris, l'intervention extraterrestre prend très rapidement du sens, et l'on devine que ce lien entre deux civilisations en conflit avant même de se connaître sera déterminant pour la suite des évènements.
Certains parlent de hard-sf pour qualifier ce roman. Alors, oui, il y a un peu de science, mais franchement abordable, tantôt vulgarisée, tantôt amenée avec persuasion, si bien que l'on accepte jusqu'aux théories les plus fictionnelles. Moi, je lis pour m'évader, alors je serais bien mal avisé de trouver à redire lorsqu'un auteur prend certaines libertés.
Ce livre est tout autant un thriller qu'une science-fiction. Un répertoire historique aussi, étude anthropologique pourquoi pas, essai psychologique sur les rapports de force… Oui, c'est ça ! Voilà ce que peut produire un peuple élevé au mah-jong, avec un passé aussi riche, une politique extrémiste et une vision tristement réaliste de l'espèce humaine. Mince ! Ce Problème est sacrément contemporain au bout du compte… Mieux, il y a quelque chose d'atemporel, ici, et c'est je crois ce qui m'a séduit.
Je lirai sans doute la suite, car on m'a promis un rythme un peu plus soutenu, et les thèmes entrevus à la fin de ce tome 1 m'intéressent davantage qu'un simple exposé politique manquant de dilution.
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