Sans un bruit

Le chauffeur parle de la météo, du fait qu'il va faire chaud à Noël. Il me demande si j'ai des projets, et je réponds que oui, que mon projet est d'enterrer mon fils qui a été assassiné ce matin. Fin de la conversation.

J’ai l’envie soudaine de lui dire que je gagne ma vie en tuant des gens. Que si quelqu’un est capable de commettre le crime parfait, c’est bien moi.

......mais quelque chose a attiré les badauds en plus grand nombre autour de la maison. Les pancartes sont plus grosses, les messages plus agressifs, mais pour le moment tout le monde est calme, en train de prendre le petit déjeuner, de boire du café, de discuter, et la plupart des pancartes ne sont même pas encore brandies. Un jeune type qui vit de l'autre côté de la rue a planté sur sa pelouse un panneau annonçant qu'il ouvre ses toilettes au public pour deux dollars. Il y a déjà la queue à sa porte. Il a aussi installé un barbecue et vend des hot-dogs, et là aussi il y a la queue.

Bon sang, je me sens… à un moment je me sens engourdi, et l’instant suivant j’ai l’impression que je vais fondre en larmes, et ensuite j’ai envie de hurler. Je veux le récupérer. Je veux le récupérer sain et sauf. Je voudrais me réveiller et que rien de tout ça ne soit arrivé.

Le mal qui peuple mes livres vient de murmurer mon nom et de passer son doigt sur ma nuque.

La petite voix dans ma tête – celle du parent, qui demande toujours et si ? – me rappelle que c’est le genre d’environnement que j’ai vu dans d’innombrables films, où à un moment votre enfant est là, et l’instant d’après il est à l’arrière de la camionnette d’un inconnu.

Ça doit être difficile pour deux personnalités distinctes de créer une seule fiction.

– C’est génial. Tout est génial.
– Vous voyez, si c’était moi qui devais travailler et vivre avec la même personne au jour le jour, je crois que j’aurais du mal. Surtout avec le boulot que vous faites. Chacun cherchant à imposer ses idées. J’imagine que le stress du boulot peut déteindre facilement sur la vie familiale quand deux personnes travaillent et vivent ensemble. Ça doit être difficile.

Je sais que les saint-huberts sont doués. Nous les avons déjà utilisés dans nos livres. Leur odorat est mille fois supérieur à celui des humains. Ils sont si doués que leur capacité à trouver – ou ne pas trouver – des indices peut être utilisée lors de procès dans d’autres pays. Le seul endroit où Zach se soit rendu à pied au cours de la dernière semaine est Haydon Park.

J’ai l’impression d’avoir le cerveau comprimé, et la sensation fait osciller et se dilater les murs du salon tandis que les meubles rétrécissent et frémissent. Ça pourrait être une embolie, peut-être un état de choc, ou peut-être un accès de tout ce qui peut faire souffrir. Je me relève. J’ai besoin de mouvement. Je me rends à la fenêtre. J’ai les oreilles qui sifflent.