La mort est la seule maladie qu'il ne guérisse pas.
LE MESSAGER
[...] En apercevant Créon, il perd la tête, dégaine et lui crache dessus. Créon voit son œil de rage et de dégoût. Il comprend la menace. Il se sauve. Alors Hémon s'enfonce le fer dans le corps et son cœur asperge Antigone. Ils s'épousent là dans la mort et le sang répandu.
PHONO DEUX – A la guerre comme à la guerre. Mais que veut mon petit-fils ?
PHONO UN – Je veux qu’on m’achète du pain pour donner à manger à la Tour Eiffel.
PHONO DEUX – On le vend en bas. Je ne vais pas descendre.
PHONO UN – J’veux donner à manger à la Tour Eiffel.
PHONO DEUX – On ne lui donne qu’à certaines heures. C’est pour cela qu’elle est entourée de grillages.
PHONO UN – J’veux donner à manger à la Tour Eiffel.
PHONO DEUX – Non, non et non.
PHONO UN – Un peu de silence, s’il vous plaît. Ne faites pas peur aux dépêches.
PHONO DEUX – Papa ! Papa ! des dépêches.
PHONO UN – Il y en a de grosses.
PHONO DEUX – La noce se relève.
PHONO UN – On
PHONO DEUX – entendrait
PHONO UN – voler
PHONO DEUX – une
PHONO UN – mouche.
PHONO UN – Encore, si je savais d’avance les surprises que me réserve mon appareil détraqué, je pourrais organiser un spectacle. Hélas ! je tremble chaque fois que je prononce les maudites paroles. Sait-on jamais ce qui peut sortir ? Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur.
PHONO DEUX – Vous vous demandez où sont partis le chasseur d’autruche et le directeur de la Tour Eiffel. Le chasseur cherche l’autruche à tous les étages. Le directeur cherche le chasseur et dirige la Tour Eiffel. Ce n’est pas une sinécure. La Tour Eiffel est un monde comme Notre-Dame. C’est Notre-Dame de la rive gauche.
Après LES MARIÉS, une spectatrice me reprocha qu’ils ne passassent pas assez la rampe. Comme le grief m’étonnait (masques et porte-voix passent mieux la rampe que visages et voix réels), la dame avoua aimer tellement le plafond de Maurice Denis qui décore le théâtre, qu’elle louait les places les plus hautes, ce qui l’empêchait de bien regarder la scène.
Je donne cet aveu comme exemple des réflexions faites par un petit monde sans tête ni cœur qui forme ce que les journaux appellent l’élite.
La poésie au théâtre est une dentelle délicate impossible à voir de loin. La poésie de théâtre serait une grosse dentelle ; une dentelle en cordages, un navire sur la mer.
LE CHŒUR – L’homme est inouï. L’homme navigue, l’homme laboure, l’homme chasse, l’homme pêche. Il dompte les chevaux. Il pense. Il parle. Il invente des codes, il se chauffe et il couvre sa maison. Il échappe aux maladies. La mort est la seule maladie qu’il ne guérisse pas. Il fait le bien et le mal. Il est un brave homme s’il écoute les lois du ciel et de la terre, mais il cesse de l’être s’il ne les écoute plus. Que jamais un criminel ne soit mon hôte. Dieux, quel prodige étrange ! C’est incroyable, mais c’est vrai. N’est-ce pas Antigone ? Antigone ! Antigone ! Aurais-tu désobéi ? Aurais-tu été assez folle pour te perdre !
CREON – La mort serait sa paye. Mais souvent l’espoir d’une bourse rend les hommes fous.