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Critique de berni_29


« Nous n'enfermons rien d'autre en prison qu'une partie de nous-mêmes, comme d'autres abandonnent sur le bord de la route leurs souvenirs encombrants ou leurs chiens en disgrâce... »
Jean-Pierre Guéno - Paroles de détenus

Disgrâce est ma première incursion dans l'univers littéraire de J. M. Coetzee.
Comment vous écrire le pitch de ce livre en quelques mots essentiels. Mais surtout, comment aussi vous mettre en valeur le sens de ce roman, - un roman à la fois beau, sombre et très complexe, ces questionnements, ces errances, ce qu'il en reste après...
Âgé de cinquante-deux ans, deux fois marié et deux fois divorcé, David Lurie enseigne à l'université du Cap. Comment vous le décrire ? C'est un vieux beau qui le sait, qui connaît son charme sur son environnement. À quoi tient-il, ce charme qui opère encore mais peut-être plus tout à fait, -et en particulier sur ses étudiantes ? Il est beau, érudit, intelligent, possède un charisme qui touche quand il parle en public. Profitant de son statut d'enseignant, il tente d'en usurper des droits au-delà du champ légal. Sans doute par ailleurs, a-t-il jusqu'ici sur le plan sexuel, un succès qui le rassure ? Il est conscient de son pouvoir de séduction et cela pourrait même en faire une sorte de prédateur sexuel auprès des jeunes populations qu'il côtoie. Sauf que...
Tout va bien jusqu'à cette aventure avec l'une de ses étudiantes, pas vraiment consentante. Ce n'est pas tout à fait un viol mais ce n'est pas non plus un consentement mutuel. Convaincu de harcèlement sexuel, David Lurie démissionne même s'il conteste les faits.
Suite à cette démission, il rejoint sa fille qui gère une ferme en pleine brousse africaine. Il va vivre un changement d'ambiance et un choc des cultures dans ce milieu presque sauvage où la nature reprend ses droits, loin du milieu intellectuel du Cap.
Sa fille va être confrontée à un drame qui va trouver une résonance auprès de celui-ci, l'affectant lui et sa fille...
Cet événement sera le catalyseur d'une remise en question de sa vie et le début d'une chute progressive.
Nous sommes ici en Afrique du Sud, dans la période post-apartheid. Je me suis demandé si cela avait de l'importance dans le récit tant les thèmes sont multiples et entremêlés, mais oui avec le recul je pense que oui forcément. On pourrait même se poser la question : ce roman est-il une peinture sociale de l'Afrique du Sud post-apartheid ?
Disgrâce, c'est avant tout la chute d'un homme, une caricature d'un personnage qui est une sorte de Casanova vieillissant, fini, celui d'un autre monde, c'est un homme qui trébuche, s'accroche aux derniers lambeaux de sa vie, à l'image qu'il a de la représentation de sa vie masculine, de l'existence. C'est touchant et pathétique.
J'y ai vu un roman qui questionne l'intime d'un homme. Dans un texte épuré, J. M. Coetzee explore ici les thèmes de la faute, de la culpabilité, de l'injustice, de la rédemption. Mais pourquoi pas aussi celui du désir masculin et de la violence sous-tendue.
Le thème du mal est majeur et chacun lira ce récit avec sa propre histoire, religieuse ou pas. le thème de l'éthique aussi.
Les questions raciales s'entremêlent dans la toile de fond de ce récit, dans une Afrique du Sud post-apartheid.
Questionnant l'intime, le roman invite forcément à l'universel, à chaque instant, à partir d'une noirceur lumineuse, questionnant la progressive déchéance d'un homme plus ou moins résigné face à ce qui lui arrive.
Comment absoudre ce sentiment de culpabilité qui peut naître à la faveur du chaos d'une vie, ce qu'il en résulte ?
Lisant ce roman, je ne sais pas pourquoi, j'ai pensé à Philip Roth, plus ironique, moins pessimiste que J. M. Coetzee.
Les personnages vont-ils se détacher de ce qui leur arrive, sont-ils en capacité de prendre l'ascendant sur leurs existences ? Retrouver la grâce perdue ?
Disgrâce est aussi le roman de la résignation nécessaire et c'est cet apprentissage que fait le personnage principal.
S'agissant des personnages du roman, - du moins certains d'entre eux, je fus de ceux-là. Je fus de ceux-là en dépit du côté crépusculaire du roman.
Pour tout cela, j'ai adoré ce roman et j'ai aimé vous en parler. J'ai adoré l'écriture de J. M. Coetzee, sa manière de manier et bousculer les personnages, les faire vivre, nous faire aussi les heurter avec nos propres représentations...
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