Disgrâce

Il continue à enseigner parce que cela lui donne de quoi vivre; et aussi parce que c'est une leçon d'humilité, cela lui fait comprendre la place qui est la sienne dans le monde.(...)c'est celui qui enseigne qui apprend la plus âpre des leçons, alors que ceux qui sont là pour apprendre quelque chose n'apprennent rien du tout.

"Je ne pense pas que le concept du bouc émissaire soit celui qui convienne le mieux, dit-il prudemment. La pratique du bouc émissaire a marché tant u'elle avait le soutien du pouvoir religieux. On mettait les péchés de la cité sur le dos du bouc : on le mettait hors les murs, et la cité se trouvait purifiée. Cela marchait parce que chacun savait décoder le rite, y compris les dieux. Et puis, les dieux sont morts, et tout d'un coup il a fallu purifier la cité sans l'aide des dieux. Il fallait des actes, pas du symbolisme. C'est alors qu'est né le censeur, au sens que les Romains donnaient au terme. Le mot d'ordre devint alors la surveillance - la surveillance de chacun par tous. La purge a remplacé la purgation."

Quand on arrive à un certain âge, toutes les liaisons sont sérieuses. Comme les crises cardiaques.

Il y a des risques à posséder quoi que ce soit : une voiture, une paire de chaussures, un paquet de cigarettes. Il n'y en a pas assez pour tout le monde, pas assez de chaussures, pas assez de voitures, pas assez de cigarettes. Trop de gens, pas assez de choses. Et ce qu'il y a doit circuler pour que tout un chacun ait l'occasion de connaître le bonheur le temps d'une journée. C'est la théorie. Tiens-t'en à la théorie et à ce qu'elle a de réconfortant. Il ne s'agit pas de méchanceté humaine, mais d'un grand système de circulation des biens, avec lequel la pitié et la terreur n'ont rien à voir.

Après un certain âge, on n’a tout simplement plus de charme, il faut s’y faire. Il ne reste qu’à serrer les dents et vivre ce qu’il reste à vivre. Faire son temps.

Le plaisir qu'il trouvait à la vie a été mouché comme une chandelle. Comme une feuille au fil de l'eau, comme une vesse-de-loup portée par la brise, il flotte, de-ci, de-là, vers sa fin dernière. Il le voit bien, c'est clair et cela l'emplit (pas moyen de chasser le mot) de désespoir. Le sang de la vie s'échappe de son corps et c'est le désespoir qui le remplace, le désespoir, comme un gaz inerte, sans odeur, insipide, sans vertu nutritive. On inspire, les membres se détendent, et tout devient indifférent, même au moment où la lame presse sur la gorge.

"Si vous n'aimez pas ça, vous épouserez un homme qui sait cuisiner".

Tous les deux, il voient le tableau : la jeune femme avec ses fringues tape à l'oeil et ses colifichets voyants se pointe à la porte, elle hume ce qui vient de la cuisine, avec impatience ; le mari, l'homme idéal, tout ce qu'il y a de terne, enveloppé dans un tablier, est penché sur le fourneau dans la cuisine embuée.

Renversement des rôles : recette obligée de la comédie bourgeoise.

- C'est gentil à toi de m'inviter, ma chérie, mais je tiens à ce que nous restions bons amis. Les visites prolongées ne valent rien à l'amitié.

Il y a des risques à posséder quoi que ce soit : une voiture, une paire de chaussures, un paquet de cigarettes. Il n'y en a pas assez pour tout le monde, pas assez de chaussures, pas assez de voitures, pas assez de cigarettes. Trop de gens, pas assez de choses. Et ce qu'il y a doit circuler pour que tout un chacun ait l'occasion de connaître le bonheur le temps d'une journée. C'est la théorie. Tiens-t'en à la théorie et à ce qu'elle a de réconfortant. Il ne s'agit pas de méchanceté humaine, mais d'un grand système de circulation des biens, avec lequel la pitié et la terreur n'ont rien à voir.

Et puis, il faut qu'il arrête de l'appeler la pauvre Bev Shaw. Si elle est pauvre, lui a fait faillite.