Au Magasin des Suicides, toute la famille tire la gueule : le papa, la maman, la fille, le fils. C'est un peu normal, comment être heureux de vivre lorsqu'on fait commerce de la mort? Car, oui, dans ce magasin, la célèbre « Maison Tuvache », on vend tout ce qui peut servir à mettre fin à ses jours : corde, cyanure, pommes à l'arsenic, bombons empoisonnés et autre revolver jetable. Dans ce contexte, le moindre sourire, la moindre chanson comique ou la plus petite blague se voient irrémédiablement réprimés par le père, l'inflexible et moustachu Mishima. Pourtant, un grain de sable va progressivement gripper cette belle machinerie en la personne du dernier-né de la famille : le petit Alan. Naturellement gai et joyeux, l'enfant s'échine à diffuser des chansons drôles à plein volume pendant les heures d'ouverture du magasin, ou à saboter la marchandise vendue, la rendant inoffensive au maximum. Si, dans un premier temps, le père et la mère tentent bien d'endiguer ce flot de bonne humeur, le frère et la soeur d'Alan, après une courte résistance, se sentent par contre touchés, presque contaminés par l'optimisme naturel du gamin. Serait-ce la fin de la maison Tuvache?
Adapté du roman du même titre de
Jean Teulé, «
Le magasin des suicides » a tout du conte grinçant. Des personnages dépressifs (et déprimants) et des situations macabres, y sont mis en scène dans des décors cafardeux, le tout baignant dans ambiance de salon funéraire. le dessin de
Domitille Collardey oscille entre réalisme pur et dur (pour les décors) et album pour enfant (pour les personnages). Si certaines planches se révèlent d'un agencement classique, d'autres présentent une structure plus éclatée (très grandes cases, coupes d'architecte, contre-plongées, même personnage répété dans une seule case, récitatifs nombreux) qui nuit un brin à la compréhension de l'intrigue. L'ensemble des planches se distille dans une teinte uniformément grisâtre (sauf pour tout ce qui touche à Alan), histoire de renforcer encore le côté macabre de l'intrigue. Même si elle se révèle loin d'être déplaisante, force est de reconnaître que celle-ci, une fois l'originalité de l'idée de base assimilée par le lecteur, traîne un peu en longueur, jusqu'à un final qui lui, pour le coup, frappe par son imprévisibilité. Une demi-réussite donc, mais sans aucune doute un travail honnête et sincère tant dans le respect du scénario que dans sa mise en scène innovante.