Avant d'être un auteur, Franscisco Coloane (1910-2002) est lui-même un personnage de roman. Né dans les îles pauvres de l'extrême sud du Chili, il a été orphelin très jeune, baleinier, éleveur de moutons, bureaucrate, dresseur de chevaux, et même explorateur polaire.
Arrivé en âge de tenir une plume, il n'avait plus qu'à se baisser pour piocher dans ses souvenirs ce qui allait lui donner matière à écrire, pour devenir une sorte de
Jack London des mers du Sud.
Le Sillage de la Baleine est l'histoire d'un jeune orphelin du début de XXème siècle (tiens tiens) qui s'embarque sur un baleinier (tiens tiens tiens). La première partie du livre raconte plutôt l'enfance du jeune héros, dans la dure société paysanne de ces terres déshéritées ; la seconde est celle de la vie sur le baleinier, à la Melville. Les deux pourraient être indépendantes, à peu de choses près.
L'écriture de Coloane est précise et naturaliste. Elle fourmille de détails (les descriptions des scènes de chasse à la baleine, la vie des paysans) sans tomber dans l'excès. Elle ne raconte pas une histoire, elle en raconte cent, mille, chaque personnage que l'on croise pourrait nous embarquer lui-même dans son propre roman.
La beauté de cette écriture ne tient pas à de belles phrases, mais il monte de cet ensemble une voix, une atmosphère, une vérité qui vous prend aux tripes. On n'écrit bien que sur ce que l'on connaît, dit l'adage, et l'on voit que Coloane sait de quoi il parle.
Cela m'a fait penser à d'autres voix sud-américaines : Allende, Sepulvéda,
Rulfo.
A vrai dire, j'ai un peu moins aimé la première partie, qui s'éparpille un peu trop à mon goût en plusieurs « sous-histoires » que l'on abandonne ensuite, peut-être parce que Coloane est surtout un auteur de nouvelles. Mais une fois embarqué sur le navire, je me suis laissé prendre avec plaisir par le souffle ancien des îles du Sud.
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