Passés le manque de fluidité et le côté un peu décousu du début du livre, l'on est vite touché, désarçonné par la soudaineté avec laquelle
Charles Consigny se livre tout entier, sans ambages ni résistance.
Cela fait de lui un auteur extrêmement authentique bien qu'il navigue dans un monde très superficiel, souvent artificiel et probablement toujours altéré par sa propre cécité.
Il décrit donc à travers ses errements de jeunesse la principale chose que la modernité et le progrès ne savent pas apporter au monde, mais au contraire lui retirent : l'enchantement.
C'est un texte intense, émouvant, fiévreux même. Et pourtant, au départ tout porte à ne vouer que du mépris à ce jeune homme bien né, charmeur, brillant et si effronté.
La force de Consigny, c'est justement de permettre à ces maux universels que sont la dépression, l'ennui, le désespoir de transgresser les couches sociales, et d'ainsi faire ressentir une profonde empathie pour ceux-là même qui ne sont habituellement pas jugés dignes de compassion : les riches, les privilégiés, la jeunesse dorée germanopratine.
Je devrais détester ce personnage comme j'ai détesté la
Francoise Sagan de
Bonjour Tristesse : même milieu, mêmes privilèges, même inconséquence face à la vie, et pourtant celui-là me touche profondément dans son instabilité, son immense fragilité.
Ce livre, c'est de l'émotion pure, en ce qu'il ne contient pas la noblesse supérieure qui est propre au sentiment, mais compense par sa force brute et son pathéthisme.
Depuis
Adolphe de
Benjamin Constant, je n'avais rien lu d'aussi puissant à propos du déchirement amoureux.
On en ressort mi-neurasthénique, mi-nostalgique de quelque chose qu'on n'a pas connu.