Charles Consigny - Je m'évade, je m'explique | Présentation
Tu t'en vas à la dérive
Sur la rivière du souvenir
Et moi, courant sur la rive,
Je te crie de revenir.
Citation de Serge Gainsbourg, La Noyée.
Je voudrai qu'il soit là tout le temps, dans tous les moments et dans tous les endroits, je voudrais qu'l soit là quand je travaille, quand je dors et quand je prends mon petit-déjeuner, je voudrais me lever avec lui et prendre mon petit-déjeuner avec lui et lui téléphoner cent fois par jour quand je travaille ; je voudrais qu'on fasse tout à deux ; je voudrais marcher avec lui dans la rue et qu'on achète des livres et des chaussures, je voudrais une vie normale avec lui, je voudrais faire avec lui toutes les petites choses normales de la vie ; je voudrais qu'on aille voir la campagne ensemble, qu'on regarde les arbres et le ciel et les champs ensemble ; je voudrais tout ça et il n'est pas là et tout ça hélas, comme un effroyable destin, tout ça je le ferai seul, en rêvant de le faire avec lui.
[Sarko] me tend une boîte de chocolats dans laquelle je pioche. Il dit : « C’est bon hein ? C’est bon parce qu’y a du sel. C’est bon parce qu’y a du sel dedans. »
Mon père est un être mélancolique, qui s’émeut du regard d’un enfant ou d’un paysage, de la moindre chanson, d’un souvenir. Aimant avec ses enfants, nous rappelant sans cesse combien il nous aime, combien il est fier de ce que nous faisons, combien il est heureux quand il est avec nous. Ce père tellement français (snob, beau, dragueur et socialiste) nous a prodigué une éducation à l’américaine, le plus petit de nos efforts se voyant couvert de félicitations.
..les illusions, les rêves et les fantasmes sont ce qui me permet de ne pas me jeter par la fenêtre. Mais on ne peut qu’être déçu, finalement, par l’homosexualité, bien qu’elle permette au moins d’échapper à la bêtise, à l’égoïsme et à la platitude dont sont frappés les jeunes couples amoureux avec enfants..
Page 69 :
Le monde est gouverné par l'intérêt personnel.
Friedrich Von Schiller.
Aujourd'hui j'arrive mieux à le vivre, et rassurez-vous je ne suis pas "une folle", je suis un jeune garçon normal, comme tous les autres, qui préfère juste les autres garçons normaux.
Fillon, si tant est qu'il survive à l'affaire Pénélope, ne peut plus jouer le libéralisme et la modernité contre l'administrativisme archaïque de l'adversaire historique de la droite. La ligne qui lui permettrait de l'emporter était celle de la civilisation. Être le candidat qui affirme et défend la civilisation judéo-chrétienne contre les assauts de l'islam politique, de l'Amérique hégémonique, et de la Russie impérialiste. Cela impliquait une laïcité « à deux vitesses », prenant en compte la prévalence millénaire de la chrétienté dans l'identité de la France, ce que le candidat des Républicains n'avait pas tellement hésité à mettre en avant durant la primaire. Mais cela impliquait aussi d'être pro-européen et d'être plus fort sur la scène internationale. Or Fillon ne manifestait guère de goût pour l'Union européenne et avait dérouté les observateurs avec des prises de position froides comme la steppe sur le dossier syrien : à l'entendre, il aurait fallu excuser tous les auteurs d'exactions sur place au nom d'une résolution pragmatique de cette guerre. Les droits de l'homme repasseraient, et d'ailleurs il avait aussi proposé de se délier de la Cour européenne les protégeant, parce qu'elle avait eu l'imprudence d'ordonner la retranscription à l'état civil français de la filiation des enfants nés par GPA à l'étranger – il ne fallait pas fâcher La Manif pour tous !
Si l'on laisse de côté ces errements, il était certain que tant que les socialistes continueraient de fermer les yeux sur la progression du salafisme partout dans le pays, de demander qu'on fasse entrer la Turquie dans l'Europe, qu'on indemnise les arrière-arrière-petits-enfants des victimes de la guerre d'Algérie, qu'on interdise les crèches à Noël, qu'on débaptise les jours fériés, qu'on en crée d'autres pour les fêtes musulmanes, François Fillon, qui était peut-être le plus à droite de tous les Républicains, avait de beaux jours de campagne devant lui et pouvait déborder sérieusement Marine Le Pen sur le terrain identitaire, c'est-à-dire sur le terrain reptilien, sur l'angoisse de fond, sur l'inconscient des électeurs.
Ce plan, pour être payant dans les urnes, n'en est pas moins excluant : le candidat ne s'adressait pas aux musulmans ni aux jeunes, ni aux homos ni aux pauvres, pas vraiment aux femmes. Il pourra objecter que, cherchant à relever la France tout entière, son programme concerne en réalité tous ses citoyens ; mais son attitude personnelle, cette distance qu'il mettait entre le monde et lui, donnait le sentiment d'un homme indifférent au sort de ceux qui n'étaient pas exactement ses semblables.
Quand Michel Houellebecq a fait paraître Soumission, un texte superbe, Zemmour m'a dit qu'il regrettait de ne pas avoir écrit lui-même ce livre plus tôt, car il en avait eu l'idée. Comme s'il suffisait d'avoir l'idée ! J'étais étonné qu'un homme aussi lettré n'envisageât pas la part de magie qu'il y avait dans le roman de Houellebecq, cette lumière inexplicable qui parcourt les chefs-d'œuvre. « Qui sait le plus doute le plus », dit l'adage, et Zemmour ne doute pas de lui-même. Cette assurance lui aura toutefois permis de boxer sans relâche un politiquement correct qui, jusqu'à lui, régnait sans partage sur les ondes françaises ; de porter une contradiction exigeante aux abonnés des plateaux de télévision qui, jusqu'à lui, pouvaient y dérouler leur péroraison sans la voir contestée, mise en doute, éclairée depuis un autre angle que le leur ; de rire au nez des nantis de la culture, qui prétendaient, gorgés de subventions et de bons sentiments, dire le bien et le mal par prêches audiovisuels.
Éric Zemmour est un mousquetaire de l'éditorial parmi les plus talentueux. Cependant, le bout de sa pensée, la mise en musique de son programme, c'est la guerre civile avec les musulmans, l'abandon de l'universalisme français par la déconsidération publique des étrangers, et même la fin de la grandeur française en général, car celle-ci n'est possible, à l'heure des pays-continents, qu'au sein d'une Europe forte dont la France peut partager le leadership avec l'Allemagne. Éric Zemmour affirme souvent que ce n'est pas la construction européenne qui a apporté la paix, mais que c'est la paix qui a permis la construction européenne. Puisse l'avenir lui donner raison, à l'heure de la déconstruction européenne ! Il semble pourtant que la tension qui monte entre les différentes puissances du monde soit le fruit de raidissements politiques (Trump, Brexit, défaite de Renzi en Italie, montée du Front national en France, extrême droite aux portes du pouvoir en Autriche, au pouvoir en Hongrie), et que le lent et patient travail d'édification de relations politiques apaisées permettait, ces dernières années, une cohabitation cordiale entre les plus importants pays de la planète.
Page 108 : Spinoza a écrit que "les pires tyrans sont ceux qui savent se faire aimer".