Je pénètre dans l'obscurité du bar où la climatisation lutte en vain contre l'énergie qui se dégage de trois ou quatre cents corps d'hommes en sueur.
Ils sont tous roses. Ca me surprend toujours. Ils sortent des puits de mine ou d'extraction à ciel ouvert et vont droit au pub, chaque centimètre carré de chair exposée incrusté de poussière rose. On dirait qu'ils sont tous maquillés à la truelle.
Vous écoutez Simon Crown, Le troglodyte authentique, sur les ondes de 7 K.B., la radio de Ginger Whisker...porte voix de l'homme souterrain. Il est dix-sept heures trente. Tout est dit.
Partagée entre l'envie de suivre ce personnage qui s'empêtre dans sa naïveté et son alcoolisme mais avec humour et l'envie de l'abandonner en route par manque d'empathie tant il semble démuni et sans la moindre jugeote
Il reste immobile, les mains sur le comptoir, le corps légèrement incliné. La pause se prolonge, le silence s'approfondit, si tant est qu'un silence puisse s'approfondir. Je peux même entendre le tic-tac de la pendule. Les muscles du dos d'Ivan sont alors pris de convulsions et un rot monumental éclate dans la salle, brisant le silence comme un violent coup de tonnerre. Je vous jure qu'il fait reculer le premier rang de spectateurs. Puis s'ensuit une salve d'encouragements, d'applaudissements et de rires.
Ces puits sanitaires m'inquiètent beaucoup depuis l'accident fatal du vieux Bill Anderson. Tranquillement assis sur le trône, il a décidé d'allumer une cigarette. Il a laissé tomber l'allumette dans le trou, embrasant ainsi un mélange improbable de gaz. L'explosion a complètement soufflé le plafond de la cave et pulvérisé le vieux Bill. Ginger Whisker en a rigolé pendant une semaine.
C'est un très beau morceau. Bleu, presque violet, avec des éclats orange et or. Comme le ciel du désert juste avant la nuit. Mais j'y vois autre chose, elle est traversée d'un étroit fil roux à peine discernable: le ginger whisker. Le poil roux. L'imperfection de l'opale. Le ver dans la pomme. C'est un signe de pourriture.
Pour tout dire, j'aime bien ce pauvre couillon détraqué, car j'aime bien les pauvres couillons détraqués.
La seule excuse du dieu qui a créé ce pays est d'avoir donné aux hommes l'ingéniosité de bâtir des pubs pour s'en protéger. J'imagine que c'est Dieu qui a créé ce pays. Il n'a pas pu se former par hasard. Un pays aussi résolument insupportable fait forcément partie d'un grand dessein.
- Qu'est ce que tu bois?
- Tu as quoi comme boisson sans alcool?
- Arrête de déconner, sois sérieux!
On ne couche qu’avec les filles sympas. Sinon, ce n’est pas drôle.