ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger en de meilleures mains.
L'excès de ce bonheur me met en défiance,
Puis-je à de tels discours donner quelque croyance?
DON RODRIGUE : Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c'est son sang ? le sais-tu ?
LE COMTE : Que m'importe ?
DON RODRIGUE : À quatre pas d'ici je te le fais savoir.
LE COMTE : Jeune présomptueux !
DON RODRIGUE : Parle sans t'émouvoir.
Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n'attend point le nombre des années.
Acte II, Scène 2 : (v. 401-406).
Je cherche le silence et la nuit pour pleurer.
( Chimène, acte 3, scène 4)
CHIMÈNE : Je crains plus que la mort la fin de ma querelle :
Allez, vengeance, amour, qui troublez mes esprits,
Vous n'avez point pour moi de douceurs à ce prix ;
Et toi, puissant moteur du destin qui m'outrage,
Termine ce combat sans aucun avantage,
Sans faire aucun des deux ni vaincu ni vainqueur.
Acte V, Scène 4 : (v. 1662-1667).
Le trop de confiance attire le danger.
Je ne viens pas ici consoler tes douleurs ;
Je viens plutôt mêler mes soupirs à tes pleurs.
Plusieurs citations :
Nous n'avons qu'un honneur, il est tant de maîtresses !
L'amour n'est qu'un plaisir, l'honneur est un devoir.
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Ma passion s'oppose à mon ressentiment ;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant ;...
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A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
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Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées,
La valeur n'attend point le nombre des années.
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Et l'on peut me réduire à vivre sans bonheur,
Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur.
Je partis moi tout seul ; mais par un prompt renfort,
Nous nous vîmes cinq mille en arrivant au port.
( d'après P. Corneille )
Un juste déplaisir à ce point m'a réduite ;
Son trépas dérobait sa tête à ma poursuite ;
S'il meurt des coups reçus pour le bien du pays,
Ma vengeance est perdue, et mes desseins trahis,
Une si belle fin m'est trop injurieuse.
Je demande sa mort, mais non pas glorieuse,
Non pas dans un éclat qui l'élève si haut,
Non pas au lit d'honneur, mais sur un échafaud ;
Qu'il meurt pour mon père, et non pour la patrie :
Que son nom soit taché, sa mémoire flétrie.
Mourir pour le pays n'est pas un triste sort ;
C'est s'immortaliser par une belle mort.