Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N' ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire [... ]
L'INFANTE : Ah ! qu'avec peu d'effet on entend la raison,
Quand le cœur est atteint d'un si charmant poison !
Et lorsque le malade aime sa maladie,
Qu'il a peine à souffrir que l'on y remédie !
Acte II, Scène 5 : (v. 523-526).
L'INFANTE : Ma plus douce espérance est de perdre l'espoir.
Acte I, Scène 3 : (v. 135).
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
DON RODRIGUE : Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères !
CHIMÈNE : Rodrigue, qui l'eût cru ?
DON RODRIGUE : Chimène, qui l'eût dit ?
CHIMÈNE : Que notre heur fut si proche et sitôt se perdît ?
Acte III, Scène 4 : (v. 986-988).
LE COMTE : Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain,
Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main ?
DON RODRIGUE : Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.
LE COMTE : Sais-tu bien qui je suis ?
DON RODRIGUE : Oui ; tout autre que moi
Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d’effroi.
Les palmes dont je vois ta tête si couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur ;
Mais j’aurai trop de force, ayant assez de cœur.
À qui venge son père il n’est rien d’impossible.
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.
Acte II, Scène 2 : (v. 407-418).
L'INFANTE : L'amour est un tyran qui n'épargne personne :
Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l'aime.
LÉONOR : Vous l'aimez !
L'INFANTE : Mets ta main sur mon cœur,
Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur,
Comme il le reconnaît.
Acte I, Scène 2 : (v. 81-85).
L'INFANTE : Quand je vis que mon cœur ne se pouvait défendre,
Moi-même je donnai ce que je n'osais prendre.
Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens,
Et j'allumai leurs feux pour éteindre les miens.
Ne t'étonne donc plus si mon âme gênée
Avec impatience attend leur hyménée :
Tu vois que mon repos en dépend aujourd'hui.
Si l'amour vit d'espoir, il périt avec lui :
C'est un feu qui s'éteint, faute de nourriture ;
Et malgré la rigueur de ma triste aventure,
Si Chimène a jamais Rodrigue pour mari,
Mon espérance est morte, et mon esprit guéri.
Acte I, Scène 2 : (v. 101-112).
ELVIRE : Il vous prive d’un père, et vous l’aimez encore !
CHIMÈNE : C’est peu de dire aimer, Elvire : je l’adore ;
Ma passion s’oppose à mon ressentiment ;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant ;
Et je sens qu’en dépit de toute ma colère
Rodrigue dans mon cœur combat encor mon père.
Acte III, Scène 3 :(v. 809-814).
CHIMÈNE : Un moment donne au sort des visages divers,
Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers.
Acte I, Scène 1 : (v. 55-56).