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sur 66 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quel tour de force ! Réussir à nous faire partager 52 ans d'actualité politique, sociale, économique d'un pays au travers des chansons à succès du moment, Gérard de Cortanze l'a fait ! Laisse tomber les filles est un titre réducteur par rapport à l'ambition de ce roman mais il fallait bien choisir le titre d'une chanson en vogue…
L'intérêt d'un livre est bien sûr dans ce qu'on lit et dans ce que cette lecture évoque, rappelle ou apprend. L'ambiance musicale du livre a été enregistrée sur un double CD, une compilation de 52 titres choisis par l'auteur, le tout complété par un vinyle aux Éditions E.P.M.
Revenons au texte qui débute en 1963, avec Lorenzo qui n'a pas 15 ans : « Façonné par l'école religieuse, il n'en admet aucun des principes. Lorenzo a le sentiment de n'être nulle part à sa place. » Il fait partie de ma génération : « Une génération, la première, à n'avoir jamais à craindre sérieusement la mort. » le mot adolescent est à la mode. On parle de baby-boom…
Dans le métro, Lorenzo, comme beaucoup d'autres jeunes entre 15 et 20 ans, lit Salut les Copains : « Ils arrivent à l'âge de la consommation tandis que leurs géniteurs accèdent à une aisance jusque-là inconnue. »
Place de la Nation, Salut les Copains fête son premier anniversaire. Ce magazine lancé en juillet 1962 connaît un succès foudroyant grâce à Europe 1 et surtout à la généralisation du transistor. Danyel Gérard, Richard Anthony, Johnny Halliday, Sylvie Vartan… se succèdent sur scène. On danse le twist, on commence à flirter mais vous l'avez compris, nous sommes à Paris, ce qui permet bien des choses à l'auteur, lui donnant une immense palette pour faire évoluer ses quatre héros.
Si Lorenzo est le premier rencontré, vont suivre Michèle, Antoine et François. Ils vont, au fil des pages et des années, se rencontrer, se perdre, se retrouver, se révéler beaucoup d'amour, se cacher plein de mystères, être heureux ou malheureux, un peu comme nous tous mais en étant souvent au coeur d'une actualité trouvant son paroxysme au cours de ce fameux mois de mai 1968. Ceux que l'auteur appelle les mousquetaires se rendent à la Sorbonne : « Ils sont partie prenante de l'Histoire en train de se faire. Ils en sont les acteurs, les protagonistes. »
Titres ou extraits de chansons ouvrent les chapitres et sont toujours bien choisis, adaptés à la situation. Les évolutions techniques comme ce Teppaz sur lequel on peut enfin écouter des disques, sont importantes et chaque famille a pu fêter son apparition comme une petite révolution.
Michèle, je peux le dire sans nuire à l'intérêt du livre, est le personnage central de l'histoire. Elle rompt avec la vie des femmes de la génération précédente mais tout de même, « chez ces mêmes yéyés, une fille reste une fille et un garçon un garçon. Chacun reste à sa place. »
Au fil des années, Gérard de Cortanze a voulu mener ses héros jusqu'à nos jours, ce qui n'était pas chose facile, jalonnant toujours le récit d'événements importants, souvent oubliés mais il offre une fin complètement différente du reste du livre, où le fantastique côtoie le réel, preuve, peut-être, que les souvenirs s'effacent…
Laisse tomber les filles est un roman qui s'adresse à toutes les générations, même si ceux qui ont vécu ces années, ont un ressenti différent. Gérard de Cortanze a rafraîchi ou entretenu les mémoires et l'a bien fait avec réalisme et fantaisie parfois, des rêves de jeunesse au mot fin qui clôture toute vie.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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― On ne peut pas trimballer ses amis d'enfance toute sa vie avec soi, dit Antoine.
― Et pourquoi pas ? répond Michèle.

Attention : immense coup de coeur. Je vous préviens : j'ai l'intention de m'étaler (même si j'ai dû retirer les citations ici mais vous les retrouverez sur mon blog.) Je ne m'attendais pas à prendre une telle gifle en ouvrant la première page. J'avais adoré « Zazous », j'ai été définitivement conquise par « Laisse tomber les filles ».
On suit donc la jolie Michèle entourée de François, Lorenzo et Antoine, année après année, de 1963 jusqu'à 2015. On assiste à leur évolution, leurs hésitations, leurs prises de position, leurs nouvelles forces et gravités. Au fil des ans et des épreuves, François découvre la drogue, Lorenzo aime se perdre dans les livres et l'écriture, et Antoine reste le sportif du quatuor. Tous sont touchants à leur manière. Le temps de plus de 400 pages ils sont devenus mes potes à moi.
Ce qui me frappe le plus en refermant ce livre, c'est encore le spectaculaire et fabuleux travail de documentation effectué par l'auteur. C'est presque un film qui défile sous nos yeux ; j'avais la sensation d'être lovée dans le fauteuil d'un cinéma. C'est un roman sur la musique qui secourt et rassemble – et d'ailleurs, au dos du livre, un flash-code nous donne accès à toute la bande-son choisie par l'auteur. C'est un roman sur l'harmonie de l'instant, sur son pétillement, c'est un roman sur l'aube qui promet tout et l'insouciance.
Mais la lumière n'est jamais totale et voici qu'on la déchire d'un coup de lame : aux vrilles joyeuses des Beatles et des Chats Sauvages, succède l'assassinat de Kennedy. On parle du mariage de Johnny Hallyday et Sylvie Vartan, on organise ses premières « surboums », on porte les cheveux courts quand on est une fille et les cheveux longs lorsqu'on est garçon, on essaie ses collants – la nouvelle mode qui fait fureur – et on écoute « Sur ton visage une larme » en pensant à celle qui nous obsède le coeur.
A partir de 1971 les années passent plus vite, trouées, pointillées, entre questionnements et nostalgie indéfinissable. On pense à ceux qui nous manquent et que la vie nous a retirés. On pense à nos espoirs de mômes en observant notre vie d'aujourd'hui qui dissone et soupire. On est adultes et on n'a plus le temps. De rire sans raison, d'agir sans réfléchir et d'aimer sans borne. On est adultes et tout semble un peu fade et tiède et gris. Tout va trop vite. Mitterrand est élu Président, on scande « Touche pas à mon pote », le Mur de Berlin est pulvérisé et Charlie Hebdo baigne dans le sang.
Tout le long du roman, les pages ont chanté dans ma tête. J'en avais plein la peau des yéyés, je lisais parfois en balançant la tête. De façon très étrange, j'ai ressenti une épaisse nostalgie pour une époque que je n'ai pas vécue ; c'est dire si la plume est vivante. Le texte danse et ondule et sourit. Aucune phrase n'est encombrante dans le sens où chaque ligne est pensée, dosée et élaguée. L'écriture de Gérard de Cortanze reste une authentique merveille. Ses pages sur mai 68 sont absolument sublimes. Celles qui racontent ce fameux 9 novembre 89 et la chute du Mur sont magistrales.
C'est peut-être cette fraîcheur et cette désarmante sincérité qui émane du texte. C'est peut-être la candeur tendre de ces gosses qui me touche et m'émeut. Mais ce qui est certain, c'est que Gérard de Cortanze a un don spectaculaire pour narrer les histoires. Il raconte comme personne. Il sait faire rire comme il sait embraser ou émouvoir. Sous sa plume de virtuose les décors se relèvent, les paysages se reconstruisent, les personnages reprennent couleur et les voix se raniment. C'est tellement authentique et sincère et vibrant. C'est empli de désirs et de soleils, ça palpite, ça espère, ça rêve.
Au final, c'est un roman sur l'enfance qui doucement se détache. Sur ce passage parfois brutal, parfois plus doux, du moelleux à la gravité du monde. On se quitte, on s'attend, on regrette, on espère. Une tristesse aérienne traverse les pages parce qu'on y sent combien tout est éphémère et fragile. Et ce roman donne l'envie de vivre tellement plus fort, tellement plus vite, tellement plus « vrai ». Ce roman donne l'envie de jeter sa main dans l'air pour happer cet instant minuscule, mais cet instant qui frôle la perfection tant il est intense et brillant. La jeunesse. La vie qui pulse dans chaque recoin de la chair.
J'ai fait traîner volontairement le dernier tiers du livre parce que je refusais de quitter les « Quatre Mousquetaires ». Je les ai vraiment aimés. Et c'est je crois ce que je recherche en premier dans une lecture : qu'un personnage m'embarque, qu'il me prenne par le bras et m'entraîne à sa suite, qu'il ne me lâche plus et que j'aime cette sensation de piège, qu'il m'émeuve, qu'il m'ensorcelle, qu'il me hante. Ce livre m'a rappelé pourquoi je lis. Il m'a complètement ravagé le coeur mais c'est merveilleux d'être ravagée comme ça.
J'ai fini en larmes auprès d'eux fin 2015, en miettes sur mes pages gondolées. Et pourtant je n'ai qu'une envie : trouver très vite un autre roman signé Gérard de Cortanze. J'espère vraiment que ce roman fera parler de lui. Un immense merci à Babelio et aux éditions Albin Michel.
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Ce roman est une plongée magistrale dans les années 60, ces yéyés que je n'ai pourtant pas connus mais que je ne me lasse pas d'écouter. J'ai passé trois jours entre 1963 et 2015, trois jours en apnée, j'ai ri, pleuré, vibré. Aujourd'hui, le retour en 2018 est rude et je me sens orpheline. De cette époque formidable où tant de choses changeaient, et triste aussi de laisser cette bande d'amis si attachante, si libre, qui traverse cinquante ans d'Histoire de France, convaincue de pouvoir révolutionner le monde et le rendre meilleur.
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