Une histoire du droit international : De Salamanque à Guantanamo

Le prologue de cet « essai graphique » revient sur le sort d'un prisonnier de la base de Guantanamo, arrêté au Pakistan en 2002, soupçonné d'être l'un des dirigeants d'Al-Qaïda. Privé de liberté depuis lors, trimballé et torturé dans diverses bases secrètes de la CIA à travers le monde, il croupit à Guantanamo dans des conditions inhumaines, en dehors de toute légalité, sans procès ni jugement depuis 20 ans, et sans perspective de libération, malgré les promesses d'Obama de démanteler la base militaire.
Cette situation est un exemple de la tension perpétuelle qui existe entre le droit issu des conventions internationales protectrices des droits humains (allègrement violés par les USA en l'occurrence) et l'impossibilité de faire respecter ces conventions, faute de juridiction internationale dont les USA reconnaîtraient la compétence et à laquelle ils accepteraient de se soumettre*.
Ce sont là les enjeux du droit international : mettre en place un système de droit à vocation universelle qui régirait les rapports entre les Etats et à l'égard des individus : un « langage commun qui permet aux Etats d'entretenir un dialogue malgré leurs différences d'orientations politiques, économiques ou religieuses » plutôt que de se faire la guerre. Avec la difficulté qu'un tel droit ne peut être efficace que si les Etats en question mettent en oeuvre un système (obligatoire pour eux) de contrôle juridictionnel indépendant chargé de faire respecter ce droit, sanctions à la clé.
Les auteurs font remonter l'origine du droit international au 15ème siècle et à l'école de Salamanque, lorsque les puissances colonisatrices de l'époque (Espagne et Portugal), sous l'égide de la papauté, se sont entendues pour se partager le Nouveau Monde.
De la conception éthique du droit comme vecteur de progrès à la vision purement politique des intérêts souverainistes de chaque Etat (en gros, la loi du plus fort), le balancier a constamment oscillé au fil des siècles. Mais, entre proclamations de paix et de fraternité qui semblent parfois naïves et realpolitik cynique, le droit international progresse peu à peu, se précise, s'affine et prend corps à travers de multiples règles et organisations supranationales, malgré d'évidentes lacunes et impuissances.
Avec sa perspective chronologique, cet ouvrage didactique et très dense (peut-être parfois un peu trop) donne un aperçu accessible, exhaustif (en tout cas pour une première approche) et teinté d'humour d'un sujet complexe et délicat.

*Soit dit en passant, ce sont ces difficultés et cette impuissance à sanctionner les Etats voyous qui ont pu pousser certaines juridictions (nationales cette fois) à mettre en oeuvre leur compétence universelle (en d'autres circonstances et avec d'autres acteurs, par exemple le cas de Pinochet ou les exactions du régime syrien)
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Bonne BD très dense qui en retraçant l'histoire du droit international permet d'exposer toutes les tensions et débats le traversant. Avec comme mise en scène l'histoire d'un couple débattant de l'utilité (ou non) du droit international, la BD revient sur l'édification du droit international contemporain remontant à l'époque du colonialisme et de la traite occidentale avec toutes ses conséquences, pour passer ensuite à la volonté d'instaurer un ordre juridique pacificateur sans oublier le découpage des frontières des anciennes colonies par les grandes puissances, les deux guerres mondiales et les tentatives belles sur papier mais peu reluisantes sur le terrain d'instaurer la paix mondiale, la remise en cause progressive de l'hégémonie occidentale avec la décolonisation et le mouvement des non-alignés , l'établissement de tribunaux internatinaux pour donner une effectivité au droit international en permettant de poursuivre les Etats et les individus coupable des pires crimes (crimes de guerre, crimes contre l'humanité...), les débats autour de la Cour pénale internationale qui pêche par le fait qu'elle n'a jamais condamné d'occidentaux ce qui entraîne sa remise en cause très opportune par une grande partie des Etats non-occidentaux, le Conseil de Sécurité et ses failles avec le droit de veto ou les pays comme les USA pour ne pas les citer qui le bafoue quand ça l'arrange (guerre en Irak...), les missions de maintien de la paix de l'ONU (enfin le droit international a un bras armé qui ne prend pas partie et veille seulement au bien-être de la population) qui seront soit des succès relatifs eclipsés par d'horribles échecs (Rwanda, Bosnie...), les débats autour de la "responsabilité de protéger" ou de "l'ingérence humanitaires", les grandes résolutions consacrant les indépendances ou l'interdiction de l'agression, les cas de la Lybie (résolution détournée), de la Syrie (veto, veto, veto et conséquences de la guerre en Irak), ou de l'Ukraine, quelques débats théoriques sur le droit international...

Tout y est, et le tout est très accessible ! Je trouve toutefois que la BD pêche par le fait que la mise en scène générale du débat en couple et le ton humoristique par moments ne sont que des prétextes à un contenu peut-être trop purement explicatif et historique pour un format BD. Ca m'a rendu la lecture assez laborieuse et un peu lourde à titre personnel et j'avoue que j'ai mis plusieurs mois à en venir à bout, abandonnant temporairement pour aller vers d'autres lectures plus fluides (y compris des livres bien sûr !), mais c"est assez subjectif et la BD est intéressante, très complète et pédagogique.

Dans cette bande dessinée sortie aux éditions Futuropolis, un couple s'interroge sur ce qu'est le droit international et ses règles. Des 1ères règles de Salamanque à la guerre en Ukraine en passant par les règles de droit maritime, nous découvrons une vision très critique de cette arme juridique.

Philippe Sands, juriste international franco-britannique, auteur notamment de Retour à Lemberg en a fait la préface : « Mars 2003 a constitué un moment clé : plus d'un million de personnes défilaient dans les rues de Londres pour protester contre la guerre qui s'annonçait en Irak, une guerre qui serait menée sans l'autorisation explicite du Conseil de sécurité. […] En y repensant, c'est sans soute le moment où le droit international a pleinement intégré le débat public. »

Olivier Corten et Pierre Klein, professeurs de l'Université Libre de Bruxelles (ULB) ont réussi avec brio à vulgariser le droit international dans cette bande dessinée illustrée par Gérard Bedoret. Amateur.rice de bandes dessinées historiques et politiques n'hésitez pas, foncez.

4,5

Sacré tour de force que ce roman graphique qui nous offre un large panorama de l'histoire du droit international, ainsi qu'un regard critique sur ses racines philosophiques et politiques, son (non)-respect, son utilisation comme instrument de justice ou justement de justification de desseins bien moins humanistes. Évidemment, c'est très dense. Il y a beaucoup de dates, une tonne d'informations, en seulement 250 pages. Une personne qui connaît moins son histoire internationale devra peut-être faire quelques pauses pour digérer tout ça. Mais le tout est présenté de manière intelligente, fluidifiée, grâce à un couple qui met en débat et en réflexion les paradoxes autour du droit international, avec pas mal de petites incursions culturelles (littérature, musique) et humoristiques.
La patte graphique m'a un peu moins parlé, mais cela ne gêne en rien la lecture.

Bref, un très bon ouvrage qui permet de vulgariser tout en nuances un sujet parfois difficile à appréhender (et sans doute pas très sexy !).

Le droit international est un objet mal identifié et mal compris. Cette bande dessinée nous mène, dans récit narratif assez plaisant, des premières doctrines de la guerre juste, formulées par l'école de Salamanque au 15ème siècle, à la prison de Guantanamo, symbole des remises en cause des normes internationales aujourd'hui.
Un couple rythme le récit par des remarques assez pertinentes sur le droit international ce qui nous permet de se poser des questions sur ce qu'on lit et de briser le récit narratif.