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Citations sur La porte condamnée et autres nouvelles (9)

Le samedi à midi, oncle Carlos est arrivé avec la machine à tuer les fourmis. Il avait dit la veille qu'il nous l'apporterait le lendemain et ma sœur et moi attendions la machine en nous imaginant qu'elle était énorme, qu'elle était terrible. nous connaissions bien les fourmis de Banfield, les fourmis noires qui dévorent tout, qui font leur fourmilière sous-terre, dans les plinthes ou dans cette partie mystérieuse de la maison qui s'enfonce dans le sol, elles font là de petits trous, bien à l'abri des regards, mais elles ne peuvent pas cacher leurs noires processions qui transportent des brins de feuilles et comme ces feuilles sont celles des plantes du jardin, maman et oncle Carlos ont décidé d'acheter la machine et d'en finir avec les fourmis.
(incipit de Les poisons)
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[...] Le seul ennui, dans ce rêve, c'est que je rêvais que j'étais éveillé et que je volais pour de vrai, je rêvais que j'avais déjà rêvé une chose pareille mais que cette fois c'était vrai, et quand je me réveillais c'était comme si je tombais du haut d'un mur, c'est si triste de marcher ou de courir en se sentant toujours tellement lourd, obligé de retomber à chaque pas.
(Dans "Les poisons")
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Et (...) par-dessus la musique, les premiers applaudissements, incapables de se retenir plus longtemps, comme si, dans ce halètement amoureux qui unissait le corps masculin de l'orchestre à l'énorme femelle de la salle toute entière livrée, cette dernière n'avait pas voulu attendre la jouissance virile et s'abandonnait à son plaisir avec des gémissements, des convulsions et des cris d'une insupportable volupté.

Les ménades
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[...] ... Avant de se coucher, Petrone mit en ordre les papiers qu'il avait utilisés dans la journée et parcourut son journal sans grand intérêt. Le silence de l'hôtel était presque excessif et le bruit des rares tramways qui descendaient la rue Soriano ne l'interrompait que pour mieux le laisser retomber. Sans être inquiet, il se sentait un peu nerveux ; il jeta le journal à la corbeille et se déshabilla, tout en se regardant distraitement dans la glace de l'armoire. C'était une vieille armoire placée devant une porte qui communiquait avec la chambre voisine. Petrone fut surpris de découvrir cette porte qu'il n'avait pas remarquée le premier jour. Il avait cru au début qu'il était dans un immeuble conçu pour être un hôtel mais il s'apercevait à présent que, comme beaucoup d'hôtels modestes, celui-là avait été installé dans une vieille maison familiale. A y bien réfléchir, dans presque tous les hôtels qu'il avait fréquentés au cours de sa vie - et ils étaient nombreux -, les chambres avaient une porte condamnée, parfois de façon franche et visible mais le plus souvent dissimulée derrière une armoire, une table ou un portemanteau, ce qui leur donnait, comme à celle-là, une certaine ambiguïté, le désir honteux de se faire oublier, comme une femme qui croit se cacher en mettant ses mains sur son ventre ou sur ses seins. Quoi qu'il en soit, la porte était là, dépassant du haut de l'armoire. Autrefois, les gens avaient dû entrer et sortir par elle, la faisant claquer, l'entrebâillant, lui communiquant une vie qui était encore présente dans son bois, si différent du mur. Petrone se dit qu'il devait y avoir aussi une armoire de l'autre côté et que sa voisine devait penser la même chose de la porte.

Il n'était pas fatigué mais il s'endormit avec plaisir. Il devait dormir depuis trois ou quatre heures lorsqu'une sensation de malaise le réveilla, comme s'il venait de se passer quelque chose, quelque chose de gênant et irritant. Il alluma sa lampe, vit qu'il était deux heures et demie et éteignit. C'est alors qu'il entendit pleurer un enfant dans la chambre d'à-côté. ... [...]
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L'enfant cédait par moments au bercement, à la prière,
puis il reprenait avec un petit gémissement entrecoupé
son inconsolable peine.

Et la femme, à nouveau, murmurait des mots incompréhensibles,
l'incantation des mères pour calmer l'enfant tourmenté par son corps ou par son âme,
par la menace de la mort
ou la menace de la vie.
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[...] ... Il était plus de dix heures lorsqu'il passa devant la réception. Dans un demi-sommeil, vers huit heures, il avait entendu la voix du garçon d'étage et celle d'une femme. Quelqu'un avait marché dans la chambre d'à-côté, traînant des choses. Il vit une malle et deux grandes valises près de l'ascenseur. Petrone trouve au gérant l'air un peu dérouté.

- "Vous avez bien dormi, cette nuit ?" lui demanda-t-il sur un ton professionnel qui cachait mal l'indifférence.

Petrone haussa les épaules. Il ne voulait pas revenir là-dessus puisqu'il ne lui restait plus qu'une nuit à passer à l'hôtel.

- "De toute façon, vous serez plus tranquille à présent," dit le gérant en regardant les valises. "La dame nous quitte à midi."

Il attendait un commentaire. Petrone l'encouragea d'un coup d'œil.

- "Il y avait longtemps qu'elle était là et elle s'en va comme ça, tout d'un coup. On ne peut jamais savoir avec les femmes.

- Non, en effet," répondit Petrone.

Dans la rue, il se sentit pris de nausées, de nausées qui n'étaient pas physiques. Il avala un café sans sucre et se mit à ruminer cette histoire, oubliant ses affaires, indifférent au soleil splendide. C'était sa faute si cette femme quittait l'hôtel, folle de peur, de honte et de rage. Il y avait longtemps qu'elle était là ... C'était une malade peut-être, mais inoffensive. Ce n'était pas elle mais lui qui eût dû quitter l'hôtel. Il était de son devoir de lui parler, de s'excuser et de lui demander de rester en lui jurant une entière discrétion. Il revint vers l'hôtel et à mi-chemin s'arrêta. Il avait peur de faire un faux pas, peur que la femme n'ait une réaction imprévue. Et puis, il était déjà l'heure de son rendez-vous, il ne voulait pas faire attendre ses deux associés. Qu'elle aille se faire fiche. Ce n'était qu'une hystérique, elle trouverait bien un autre hôtel où soigner son fils imaginaire. ... [...]
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Entre deux clameurs de l'orchestre, j'entendis crier une troisième fois ; le cri venait, cette fois, d'une corbeille de droite. Et avec lui, par-dessus la musique, les premiers applaudissements, incapables de se retenir plus longtemps, comme si, dans ce halètement amoureux qui unissait le corps masculin de l'orchestre à l'énorme femelle de la salle tout entière livrée, cette dernière n'avait pas voulu attendre la jouissance virile et s'abandonnait à son plaisir avec des gémissements, des convulsions et des cris d'une insupportable volupté. Incapable de bouger de ma place, je sentais croître dans mon dos comme une avancée de forces, une progression parallèle à celle de la femme en rouge et de ses suivants qui atteignirent le bord de la scène au moment précis où le Maître, tel un matador qui enfonce son épée dans le taureau, plongeait sa baguette dans le dernier mur sonore et se laissait retomber en avant, épuisé, comme si la vibration de l'élan final lui avait porté un coup de corne.
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//----Notes : ----//

Nouvelles extraites du recueil « Fin d'un jeu » (L'Imaginaire n°508)

//---- Structure et titres originaux ----//

-- [Les poisons : Los venenos] --
-- [La porte condamnée : La puerta condenada] --
-- [Les ménades : Las Ménades] --
-- [La nuit face au ciel : La noche boca arriba] –

//---- Citation d'ouverture de « La nuit face au ciel » ----//

Et, à certaines époques, ils allaient chasser
l'ennemi : on appelait cela la guerre fleurie.
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Mais le chef d'orchestre connaissait bien son public,
il organisait des concerts pour les habitués de la salle Corona,
c'est-à-dire des gens tranquilles et comme il faut
qui préfèrent les mauvaises choses qu'ils connaissent
aux bonnes qu'ils ne connaissent pas
et qui exigent qu'on respecte avant tout leur digestion et leur bien-être.
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