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Albert Cossery, génial chroniqueur de cette « comédie pleine de fureurs dérisoires » qu'est la société humaine, offre avec ce roman un très savoureux moment de littérature.
Avec une plume d'une grande justesse, il nous plonge dans une société orientale pré-fondamentaliste et despotique, sans éléments folkloriques pouvant nuire au caractère universelle de cette fable.
Les personnages sont construits comme de fines caricatures; bien identifiables dans leurs aspirations, ils incarnent les facettes d'une résistance plus ou moins « active » face cet oppresseur informe, jusqu'à interroger la responsabilité de chacun dans cet état de fait.
La réponse par la dérision et l'ambivalence, de ce cynisme non encore totalement résigné, permet d'ouvrir les pensées vers une nécessaire complexité, le tout dans une grande légèreté.
Doutes parfumés… Dangereux conspirateurs ou facétieux cabotins ? Elévation féminine ou petite misogynie ? A vous d'y répondre, si vous le voulez…
L'originalité, ainsi que la qualité de lecture proposée, garantissent à cet Egyptien d'expression française une place de choix dans notre paysage littéraire. On l'imagine ricanant intérieurement de ses histoires où rien n'est véritablement établi…
Indispensable.
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La violence et la dérision est un récit incisif et drôle. Il a été publié en 1964 et n'a rien perdu de sa force subversive, grâce à une langue française magnifique qui mêle narration très classique et dialogues savoureux recréant le parler cairote. Mais ce récit n'est en aucun cas réaliste. Il s'agit davantage d'un conte philosophique.
Dans une ville indéfinie aux accents orientaux, un gouverneur grotesque veut nettoyer les rues des mendiants qu'aucun conquérant n'a réussi jusqu'alors à exterminer. Comment s'opposer à cette infamie ?
En ouverture du livre, nous assistons à une bonne farce aux dépens d'un gendarme venu déloger avec brutalité un mendiant. Karim l'auteur de la bouffonnerie vit sur la terrasse stratégique d'un immeuble et travaille dans l'aéronautique. Il confectionne des cerfs-volants pour les enfants. Il néglige Amar la jeune prostituée qui semble l'aimer sincèrement. Karim a d'autres préoccupations excitantes en tête. Ancien révolutionnaire repenti, il doit rejoindre son mentor Heykal maître ès dérision qui par la seule force du mépris railleur se fait fort de destituer le dictateur. Karim a un plan secret qui demande des compétences particulières que lui fourniront des amis hauts en couleurs. Celle de l'illettré richissime Khaled Omar qui a découvert en prison le secret du négoce juteux. Et puis celle du lettré Urfy qui alphabétise les petits au sous-sol de sa maison grâce à une pédagogie tout à fait singulière. Urfy est accablé par une mère folle dont il a la charge. Cette dernière tourmente son fils et fascine Heykal à tel point qu'il lui offre des fleurs. Heykal est un dandy aussi cynique que séducteur. Il reçoit également l'aide de Soad une jeune rebelle espiègle, fille gâtée d'un ami du gouverneur qui le renseignera. Leur principal ennemi n'est pas le gendarme mais un ancien camarade de Karim, poseur de bombes fanatique...
Je suis contente. J'ai encore quelques Cossery à découvrir !
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Un merveilleux petit roman du grand Albert Cossery, écrivain d'origine égyptienne et d'expression française. Ce petit livre qui date de 1964, retrouva récemment une nouvelle jeunesse fort légitime en circulant de manière plus ou moins clandestine parmi la jeunesse révoltée de Tunisie, d'Égypte et de quelques autres pays fatigués de leurs tyrans ubuesques. Si bien qu'il n'est pas exagéré d'estimer qu'il participa vaillamment à précipiter leur chute. Ses armes, l'humour et la dérision employés "stratégiquement". Ceci n'empêchera nullement d'apprécier la légèreté et la verve du style de Cossery, écrivain parfaitement atypique au regard de l'intellectualisme parisien; Paris où il vécut pourtant plus de 60 ans dans une chambre d'un petit hôtel de Saint-Germain, loin des médias et de toute ostentation.
Si vous ne connaissez pas encore Cossery, partez vite à la découverte de son oeuvre: il n'est pas du tout impossible qu'elle vous aide à affronter la vie avec un peu plus de bonheur et d'intelligence.
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Une ville du Moyen-Orient. Un gouverneur, moitié bouffon, moitié dictateur. Et des opposants. Certains sont organisés dans la rébellion armée. Taher est un concepteur de bombes qui sort de prison. Karim quant à lui est un jouisseur qui aime séduire et s'amuser. Des liens d'amitié les lient, du moins tant qu'ils ne parlent pas politique.

Karim se met en relation avec Heykal, Urfy et Omar, qui partagent son amusement face au gouverneur. Il faut savoir rire de ce tyran pitre, se moquer de lui, le faire mousser, le faire gonfler comme la grenouille de la fable et ainsi arriver à s'en débarrasser. Leur idée... vanter les mérites du gouverneur, à tel point que cela confine à l'excès. Il faut faire croire que le gouverneur ou ses partisans sont à la manoeuvre de cet excès de battage. A tel point que le gouverneur ne peut manquer d'être plus ridicule encore. En alliant amusement, libre pensée et pacifisme, Karim et ses amis en sont sûrs, ils arriveront à se débarrasser de l'importun.

Mais qui lui succédera? Vient l'instant du doute chez les rebelles quand ils sont prêts de la réussite... Et si le successeur se révélait plus cruel, ou moins bouffon? L'auteur pose ainsi les bases d'une résistance non armée, à l'instar du faux Soir, ce journal belge que les Allemands avaient volé lors de la Seconde Guerre mondiale, qui reste un exemple incontournable de résistance pacifique mais néanmoins efficace.

Avec un style impeccable, une langue française précise, de l'ironie et une belle sensualité, Albert Cossery nous envoûte, nous charme. Il apporte à Beckett ou Kafka la dose de sensualité, de désir, de soleil méditerranéen qui fait passer toutes les dictatures et les absurdités qu'elles engendrent.
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Une ville non identifiée, mais qui ressemble à une ville égyptienne. le nouveau gouverneur fait du zèle, fait pourchasse les prostituées, interdit les mendiants. Un groupe se dresse contre ses agissements. Mais ses armes sont ceux de la dérision. Des mannequins imitant des mendiants, des lettres aux journées chantants la gloire du gouverneur d'une façon tellement outrée, qu'il est ridiculisé, des affiches à sa gloire tellement exagérés que les passants sont pliés de rire, et enfin le lancement d'une souscription pour une statue du tyran.
Derrière ce complot de la moquerie se cachent quelques jeunes gens, qui ont choisi de refuser de prendre la vie au sérieux. Mais les révolutionnaires professionnels veillent, outragés par cette façon de faire la guerre, et bien décidés à provoquer des actions sanglantes.
Albert Cossery creuse la veine de la dérision et du rire comme arme suprême. Ses héros choisissent les plaisirs simples de la vie et la moquerie des puissants. Ceux qui veulent occuper le pouvoir en se prenant au sérieux, sont renvoyés dos à dos, les révolutionnaires idéalistes arrivés au pouvoir seront aussi féroces pour la population que les tyrans d'aujourd'hui. Alors la seule arme des faibles est l'amour de la vie, la capacité à apprécier les petites choses de la vie et surtout à se délecter du ridicule sous toutes ses formes.
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Ouvrir ce livre d' Albert Cossery, l'iconoclaste qui manie dérision et humour c'est avoir en mains un texte abrasif, toujours loin des sentiers battus, court ce qui ne gâte rien et qui offre un plaisir maximum.
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Karim est un révolutionnaire repenti. Après avoir exprimé son sentiment de révolte par des actions parfois violentes, et l'avoir payé d'un séjour en prison, il a adopté une philosophie de vie qui le comble d'une joie permanente... considérer l'iniquité du monde et la bêtise de ceux qui le gouvernent à travers le prisme de leur irréductible absurdité, lui permet d'aborder l'existence avec un sens de la dérision qui le détache totalement des drames de l'existence. C'est son ami Heykal qui l'a initié à cette nouvelle façon de voir le monde.

Il faut dire que le dernier gouverneur en date donne de nombreuses occasions de se réjouir, tant sa suffisance et son despotisme révèlent l'ampleur de sa stupidité. Son principal credo est de débarrasser la ville de la mauvaise engeance qui atteint à sa respectabilité. La police pourchasse mendiants et prostitués, la paresse et la nonchalance sont jugés comme crimes contre la nation.

Estimant que répondre à l'injustice et à la tyrannie par la haine revient à entrer dans le jeu du pouvoir en adoptant une attitude similaire à ceux qui le détiennent, Heykal a décidé d'expérimenter une autre forme de contestation. La seule réponse à opposer à la bêtise ambiante, la seule manière de s'en différencier, est de pratiquer l'humour. Son plan d'attaque s'appuie sur une campagne de décrédibilisation du gouverneur. Pour ce faire, lui et ses amis placardent sur les murs de la ville des éloges si dithyrambiques à son égard qu'ils en deviennent risibles, poussant la flagornerie jusqu'à la rendre insultante.

J'ai retrouvé dans "La violence et la dérision" certains des ingrédients qui avaient fait de ma lecture de "Mendiants et orgueilleux" -titre avec lequel j'ai découvert Albert Cossery- un vrai moment de plaisir : la dimension théâtrale des situations, le trait caricatural avec lequel l'auteur dépeint ses personnages, et surtout cet hommage rendu à la joie et à l'épicurisme, cette volonté de s'amuser même des tragédies de l'existence, en traquant l'aspect burlesque et dérisoire de la plupart des actions humaines.

Malheureusement, j'ai trouvé que la brièveté du texte ne permet pas à l'auteur d'étoffer suffisamment ses personnages pour nous les attacher, ni d'exploiter véritablement la veine satirique de son intrigue. le lecteur se sent ainsi exclus de la farce dont on lui relate le déroulement sans lui en détailler le contenu. J'aurais aimé profiter moi aussi de la blague faite au gouverneur en prenant connaissance du texte des affiches, par exemple...

"La violence et la dérision" se limite ainsi à la relation d'un épisode plaisant mais peu marquant.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Un concentré de sarcasme à l'encontre des bourgeois et des dirigeants, ce livre est une heureuse découverte. Nous ne sommes pas dans un roman réaliste mais dans le monde romancé du conte philosophique : des personnages d'une bienveillance hors-du-commun prônent la distanciation par rapport à la misère, le droit d'être inutile et non-productif, et le rire face à des dirigeants mégalomanes qui veulent être pris au sérieux. La révolution ici se veut non-violente, loin des constantes de tous les régimes : la police et les révolutionnaires. L'humour omniprésent, on apprend à rire d'une humanité entièrement folle plutôt qu'à se lamenter sur son sort, et à "combattre la bêtise et la violence par la louange démesurée du bourreau", de manière à indigner même les plus fervents défenseurs de la bêtise, sans tomber dans le piège d'une révolte armée encourageant l'autoritarisme d'un pouvoir crédibilisé dans son image et justifié dans ses mesures de représailles.
Un conte qui m'a plus charmé que ceux de Voltaire ; ici le travail n'éloigne pas "l'ennui, le vice et le besoin" comme dans Candide, c'est même l'opposé.
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