Les hommes oubliés de Dieu

Il n'était pas gêné par sa misère. Elle était grande et large et il s'y promenait librement. Elle était comme une prison spacieuse ; il était libre d'aller d'un mur à l'autre de sa misère sans demander la permission à personne. Il était seulement gêné de la sentir si abondante. C'était une misère riche. Il ne savait comment la dépenser.

Ils approchent de la ville. Les réverbères se font plus nombreux et plus éclatants.
La civilisation se fait sentir comme ça, aux lumières qu'elle prodigue autour d'elle pour aveugler les gens.

Désormais, mon amour aura un sens et ma vie une raison. Vivre va signifier pour moi : combattre. Combattre dès maintenant et toujours les puissances barbares qui font que les enfants du peuple marchent pieds nus dans le ruisseau ; que les hommes de ce peuple mendient dans la rue, ou bien acceptent un travail d'esclaves qui ne leur assure même pas le pain de chaque jour.

Malheur au pauvre qui a des loisirs.

Et il recommença de pleurer, parce qu'il était petit et que c'était sa façon à lui de se révolter contre l'injustice du monde.

Mais comment s'arracher de cet homme endormi ? Comment le laisser là, tout seul contre la dangereuse présence des choses.

L'aube se leva sur un quartier régénéré qui n'acceptait plus la vie telle qu'elle était, mais voulait la dominer, la rendre plus hardie et plus belle.

(Excipit)

Chaque fois que tu rencontreras sur ta route un enfant déguenillé qui a faim et froid et qu’à sa vue ton cœur frémira de révolte, je serai près de toi. L’enfant qui pleure parce qu’il a a faim et froid, ça sera moi. L’homme accablé de soucis et qui ne sait où aller, ça sera moi. Et la femme délaissée et les amours rompues toujours à cause de l’argent, et tous les désirs insatisfaits et les envies de manger ou simplement respirer, tout cela, ça sera encore moi, toujours moi.

Il veut tout simplement faire breveter toutes les injures nouvelles que son triste cerveau ne cesse de produire, malgré la morale, la police et toute la civilisation.

L'expression de son visage dénotait, il est vrai, une certaine appréhension, mais de nature purement médiocre et par là même rendue plus saisissante.