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Critique de lafilledepassage


Cécile Coulon dans son plus beau rôle : poétesse.

Dans ses poèmes, Cécile Coulon nous parle de la vie, un peu à la façon de Raymond Carver, dont d'ailleurs elle reconnait l'influence. Pour elle, les situations les plus insignifiantes (comme boire une bière après une journée de travail), les gens les plus banals (le cinquantenaire divorcé), les paysages les plus communs (ainsi un bête mur de palissade se retrouve comme sujet de cantique) sont prétexte à poésie.

Mais il surtout question d'humanité :

« Je me promène parmi les miens et je ne les comprends pas ;

Dans leur maison, la nuit, au-dessus de leur lit,
Ils tracent au plafond deux colonnes : ce qui est bien d'un côté,
Ce qui est mal de l'autre. Ils rangent leurs gestes, leurs paroles,
Leurs pensées dans l'une ou l'autre de ces colonnes
Puis ils peinent à s'endormir, fixant ce plafond blanc,
Les yeux écarquillés, sans penser une seconde à rajouter
Une troisième colonne intitulée : ce qui est humain. »

Elle nous dit « Ils ne savent pas dehors que les toits des mauvaises tuiles abritent des palaces d'amour », car oui parler de la vie, c'est aussi et avant parler d'amour. Alors elle s'interroge « depuis quand est-ce devenu ringard d'être amoureux ? ».

Cécile Coulon écrit sur l'amour avec beaucoup de délicatesse, toute en modestie et en discrétion, ainsi elle « ne reste pas longtemps pour ne pas peser sur [n]os épaules nues, pour ne pas prendre la place qui n'est pas la [s]ienne ». Elle « aime en silence pour protéger ce qui est vrai » et « se cache derrière ses poèmes, parce qu'ils sont plus forts qu'elle ».

Une autre influence, c'est Sylvia Plath :

« Nous sommes si nombreux à nous taire
Quand de vives émotions nous déshabillent
Pour nous laisser là, nus et grelottant d'insécurité.
Nous sommes si nombreux à nous taire
Quand nous ne savons plus comment faire :
Personne ne nous a appris ce que cela signifie
D'être ravagé par la lumière. »

Ou encore :

« Comment faire pour choisir entre ce que je veux et ce que je dois :
Comment faire pour maintenir un pied brûlant
Dans une rivière glacée sans que l'eau ne perde
De sa fraîcheur et la peau de sa fièvre ?
Comment faire pour perdre et ne pas pleurer
D'avoir perdu ?
Comment faire pour apprendre que tomber
Est le meilleur moyen d'être au plus
Proche de cette terre,
Qui, elle,
Ne nous a jamais déçus ? »

La filiation avec Sylvia est moins évidente pour moi, même si on retrouve une certaine fragilité « un refus m'est atroce, les rares moments d'échec ont été suivis de journée plus longue qu'une mer sans vague ». Et de la colère, comme « je porte en moi les grandes violences de mon sang ». Et des paysages de landes et de solitude, de terres noires, de moutons et de brumes froides.

Cécile Coulon rejoint le panthéon de mes poètes préférées, entre Andrée Chedid, Sylvia Plath, Marina Tsvetaieva et Etel Adnan. Bravo, Madame.

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