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EAN : 9782849507728
440 pages
Syllepse (10/11/2019)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Que peut-il bien y avoir de commun entre Mai 68 et le mouvement des Gilets jaunes ?
Cinquante ans après, les objectifs mis en avant par les mouvements de contestation trouvent un écho dans le soulèvement des Gilets jaunes.
Le mouvement des Gilets jaunes s’inscrit dans la chaîne de mouvements populaires porteurs d’aspirations ­démocratiques radicales.
De longue date, la protestation sociale est porteuse de préoccupations écologiques, de la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En finir avec ces musiques bizarres qui brouillent les possibles

« Il s'agit de lire aujourd'hui, dans les signes de la journée, ce qui peut montrer des buts et des chemins pour le lendemain. Essayons de comprendre ce qui a vieilli, de démêler le nouveau et ce qui tombe en ruines, cela nous bouscule tous les jours. Une période longue de notre histoire se finit, avec un retard immense ». le livre débute par un Aujourd'hui et demain ; un rappel aussi sur les questions de continuité et de rupture, sur le surgissement des « invisibles », sur février 1848 et celles et ceux qui « saluent leurs frères de 1792-1794 ». Je souligne en premier lieu le retard immense.

En Ouverture. Nos urgences et le temps présent, Pierre Cours-Salies (PCS) indique : « En novembre 2018, pour une grande part ce livre était écrit quand le mouvement des gilets jaunes s'est manifesté. Ma génération aura donc vécu deux crises politiques suscitées par des mobilisations sociales. Fait rare ». Et ce lien fait, ce pont entre les temps, comme d'autres ponts dans le livre, me semble des plus importants. L'oubli et la mal-connaissance rendent difficile de saisir l'événement dans la continuité/discontinuité du temps, de saisir le déjà là dans les possibles d'hier et d'aujourd'hui, de bénéficier de l'ombre bienfaisante de l'arbre de la liberté.

L'auteur explique la trame originelle de son travail, son remodelage, ses réflexions « sur les moyens pour détruire et dépasser le pouvoir dans la société capitaliste ».

Il aborde, entre autres, l'idée fort répandue – avant le surgissement de l'événement – de la fin d'un certain type de luttes, la surprise de certain·es face aux crises politiques, les réécritures satisfaites – après le trouble – des grèves et des mouvements sociaux, le fil du « agir politiquement « avec qui », « sur quelles bases communes » et « pour faire quoi », tout en « visant quelles transformations de la société » ? », la continuité propre des luttes pour l'émancipation, le chemin éclairé par un futur antérieur…

PCS présente les éléments traités et les différents chapitres. Je n'en souligne que certains (un choix subjectif), la nécessité de partir « de l'étonnement, de la surprise et des ruptures » liées à Mai 68, les grandes préoccupation des êtres humains à travers le monde, les inégalités sociales, le développement destructeur, les folies des autocrates et leurs guerres possibles, le rejet de la consommation pour la consommation, la question du travail, « du pouvoir collectif es producteurs et des usagers pour choisir les biens à produire et les façons de la faire », la limitation de la journée et de la semaine de travail, la réorganisation des objectifs et des formes des productions, le vent de la révolte des jeunes et l'anti-impérialisme en soutien aux populations vietnamiennes, les exigences démocratiques qui s'expriment de Mexico à Prague…

Il nous faut regarder le passé, « les transformations du travail unifient de plus en plus un monde du développement inégal, combinant exploitations, oppressions, humiliations », comprendre les bifurcations, examiner les défaites, garder en tête l'arbre de la liberté, saisir ce qui s'est produit avec le mouvement des Gilets jaunes, « les revendications sociales ont joué un rôle décapant d'une série de faux-semblants, en refusant de séparer les exigences matérielles – même fortes et urgentes dans la vie ordinaire – de l'exigence de changer la démocratie », les freins à la constitutions d'un nous, la place de la répression de rue, « par un usage, souvent illégal, d'une police officiellement républicaine et chargée de la paix publique », la politique d'Etat violemment dirigée contre les personnes racisées…

Contre le fantasme d'une « classe moyenne », Pierre Cours-Salies rappelle quelques données, « 90 % des « actifs » sont salarié·es, le salaire moyen de 2 300 euros et la moitié de la population au-dessous de 1 800 euros » et « Pour 98% de la population, les salaires tiennent dans une échelle de un à quatre », une forme réelle d'unification des salarié·es…

L'auteur insiste sur des exigences élémentaires d'égalité : « celle du droit à un salaire, un travail et à la formation », un nouveau statut du travail salarié réalisant une « sécurité professionnelle », les éléments de « déjà-là ». Il souligne aussi l'auto-limitation du mouvement syndical, sans oublier la responsabilité propre des forces se réclamant de la gauche…

« Il est donc prudent de se souvenir d'une réflexion d'Antonio Gramsci, emprisonné quand les fascistes eurent gagné : il faut se méfier de la seule résistance passive, la revendication du « moindre mal », car celle-ci mène rarement à un mûrissement et à la victoire ; mais plus ou moins vite à un projet de contre-révolution passive dans la classe bourgeoise, et pour en finir avec ses propres craintes celle-ci en vient à des volontés d'offensives, à des actes de contre-révolution active, de « restauration nationale », à la destruction des droits gagnés par les luttes et des libertés individuelles. On ne résiste pas sans but réel ; et les buts réels n'existent que discutés et portés par le plus grand nombre. D'où toute l'importance, immédiate, des mobilisations communes, pour des droits communs, des exploité·es, des opprimé·es et des humilié·es »…



Sommaire :

Première partie : Un avenir qui reste à écrire

Une production qui ne détruise pas

Tout ! Des « sous », des droits et un changement des rapports au travaillent

Une démocratie autogestionnaire

Ce monde va mal, ce monde fait mal-connaissance

Un seul monde ? Une réalité inégale et combinée

Deuxième partie : Un passé à comprendre

Le pouvoir était-il à prendre ?

Origine et portée sociale de 68

Les enjeux de Grenelle

Troisième partie : Les années 68 : une situation révolutionnaire sans révolution

En France, on ne compte plus les grévistes

Écrasement du Printemps de Prague et avenir du communisme

Quelle Europe

« Gauchisme », révolution, autogestionnaire

Quatrième partie : Et, à la prochaine !

Qui peut s'unir et pour quoi ?

Les forces pour une nouvelle « guerre de mouvement »

Un altermondialisme plus actuel

Je ne vais faire une analyse détaillée du livre et des thèmes abordés par l'auteur. Je suis plutôt des fils et une trame. Je suis conscient de ne pas faire toute la place nécessaire à ce qui semble connu mais de fait travesti. Il me semble important de relier l'hier et l'aujourd'hui – le printemps de Prague et la grève générale en France, mai 68 et le soulèvement des Gilets jaunes – de reprendre des questions posées dans les années 60 et abandonnées jusqu'à leur resurgissement récent, d'aborder la complexité et les contradictions, de comprendre le passé dont le poids du fantôme de Joseph, de mesurer la portée de mai 68 et ne pas minimiser les résultats effectifs de la grève et des expériences collectives, de prendre en compte la production de nouveaux droits, de souligner la nouvelle place des femmes et de leurs mobilisations, de ne pas négliger les effets de l'accord intersyndical CGT-CFDT, de discuter de ce qui était possible « mais n'a pas servi de boussole », d'assurer sans mythification une continuité des combats pour l'émancipation, de rendre lisible le paysage socio-politique actuel…

D'hier à aujourd'hui la critique de la production pour la production, la critique du « progrès » pour définir autrement la civilisation, la critique de la consommation de masse, la question de la gestion démocratique et de l'autogestion, la maitrise et l'usage du développement des techniques – dont les procès d'automation, la question des rapports à la « nature », les pratiques autogestionnaires, les potentialités inscrites dans les différentes époques (dont les possibilités de ruptures et d'initiatives politiques), l'exigence de pouvoir récupérer le contrôle de sa vie, le changement du rapport à la politique du plus grand nombre, les rapports entre institutions représentatives et révolution démocratique – dont la place de referendum d'initiative citoyenne…

« Comme un espiègle enquêteur, notre interrogation se déplace : quel est l'axe décisif pour réaffirmation d'un combat qui puisse, mondialement rassembler la classe des exploité·es, des opprimé·es, des humilié·es ? »

Pierre Cours-Salies trace des pistes de rassemblement, « « Pas moins de 60% du salaire médian », pour rassembler la myriade de « laissé·es pour compte », le droit au salaire et le droit au travail, la réduction massive du temps de travail contraint, un nouveau statut du travail salarié, la disparition du rapport individualisé entre la/le travailleur/travailleuse et « sa » machine, l'unification de chacune et chacun sur un projet d'égalité, « Disons à toutes et à tous que nous voulons : le droit au salaire à vie, le droit au travail, le droit à la formation », le changement des rapports sociaux, la liberté de circulation et de mobilité pour toutes et tous, le « droit du sol » élargi aux résident·es, l'accueil « inconditionnel, la liberté de circulation et la reconnaissance de l'égalité des droits indépendamment du statut », les formes de débats démocratiques, « pour ne pas reproduire une histoire sans fins, unir et agir, « discutons des buts communs », un altermondialisme actuel…



« Nostalgie sans perspective ? Combien de fois ai-je entendu la question à laquelle cette conclusion ne peut échapper… Certes, il fallait réduire les faux souvenirs et avec ce travail j'ai voulu permettre de lieux connaître certains chemins antérieurs ; toutefois, l'essentiel est d'indiquer un « arbre de la liberté » et cette conclusion doit tenter de le faire ». Pierre Cours-Salies propose de discuter « de buts communs », d'avancée démocratique, d'une progression de l'autonomie pour chacun·e, « un individualisme nouveau, rendu actuel par quelque principes qui ont été et font des signes forts : comme la déclaration de l'OIT à Philadelphie « le travail n'est pas une marchandise », toute personne a le droit de librement circuler, le droit à une protection sociale, le droit d'intervenir collectivement dans la direction et les choix,des productions et des entreprises… », du retard immense « entre ce qui était possible et ce qui s'est passé », d'analyse stratégique, de propositions de pratique politique, « une manière alternative de penser les alternatives », de ne pas s'en tenir à l'exploitation et refuser le cloisonnement et les divisions (dont celles de sexes de « race », de peuples), d'ancrer les visées historiques dans la vie quotidienne, de la question du travail et de la production, de ne pas en rester à la simple valorisation de dynamiques populaires « de base », de but commun, de démocratie radicale, « l'exigence que les questions majeures soient discutées devant toutes et tous, par toutes et tous », d'appropriation collective des moyens de production, de « la propriété, le temps libéré, le droit à l'inventivité », de l'exigence « du droit au salaire, au travail et à la formation toute la vie »…

Comme le souligne l'auteur parler de « convergence » ne suffit pas, il faut avoir une ou des visées – un principe espérance – une unité possible. Il argumente autour du concept d'égaliberté (Etienne Balibar), de droits communs, de solidarité et d'« individualisme coopératif et créatif »…

Pour renouer le fil contre les dominations, nous ne pouvons pas esquiver « la confrontation avec ce cadavre encombrant, le « socialisme ayant réellement existé » », ni faire l'impasse sur la démocratisation de la démocratie, « Tenir des assemblées militantes pour présenter et discuter ! Si notre ambition est de faire partager un changement radical de la démocratie et pas la simple occupation de places électives, la question clé est que le but et le chemin ne se séparent pas : développer les informations, les échanges, les décisions collectives », bref de penser de manière alternative les alternatives…

Une invitation à retisser les fils de compréhension et d'action, laisser tomber les histoires fallacieuses (« ruiner un mythe pour faire apparaître la réalité dans ses différences »), comprendre les potentialités ouvertes ou révélées par Mai 68, renouer avec les analyses et les revendications radicales, ne plus se laisser dépasser par l'ampleur des exigences politiques, prendre en compte le monde comme « réalité inégale et combinée », refuser les pseudo lois de l'économie, « Les gaspillages humains, sociaux, écologiques se poursuivent au nom des pseudo « lois de l'économie » », dégager des hypothèses stratégiques…

Je n'oublie ni les retours sur les événements et leurs lectures fallacieuses, ni la double négation, « une négation politicienne de la politique possible produit une défaite en France. A Prague, une répression durable bouche l'avenir », ni les formulations d'un « parti de l'ordre », ni le retard dans l'élaboration à partir des potentialités réelles, ni les espoirs d'une république autogérée… ni les portraits de militant·es.

Un bel antidote contre les renoncements (« Nous sommes trop habitués au « c'est ainsi ») et les radotages. Une écriture pleine d'humour et sans le pédantisme de certains. Nous ne pouvons faire l'économie d'une réinterrogation des potentialités de Mai 68 à l'aune du mouvement des Gilets jaunes, des nouvelles mobilisations féministes et antiracistes, des aspirations démocratiques radicales. La prochaine est « toujours nouvelle et différente et surprenante »…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Il est donc prudent de se souvenir d’une réflexion d’Antonio Gramsci, emprisonné quand les fascistes eurent gagné : il faut se méfier de la seule résistance passive, la revendication du « moindre mal », car celle-ci mène rarement à un mûrissement et à la victoire ; mais plus ou moins vite à un projet de contre-révolution passive dans la classe bourgeoise, et pour en finir avec ses propres craintes celle-ci en vient à des volontés d’offensives, à des actes de contre-révolution active, de « restauration nationale », à la destruction des droits gagnés par les luttes et des libertés individuelles. On ne résiste pas sans but réel ; et les buts réels n’existent que discutés et portés par le plus grand nombre. D’où toute l’importance, immédiate, des mobilisations communes, pour des droits communs, des exploité·es, des opprimé·es et des humilié·es
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un individualisme nouveau, rendu actuel par quelque principes qui ont été et font des signes forts : comme la déclaration de l’OIT à Philadelphie « le travail n’est pas une marchandise », toute personne a le droit de librement circuler, le droit à une protection sociale, le droit d’intervenir collectivement dans la direction et les choix, des productions et des entreprises…
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Tenir des assemblées militantes pour présenter et discuter ! Si notre ambition est de faire partager un changement radical de la démocratie et pas la simple occupation de places électives, la question clé est que le but et le chemin ne se séparent pas : développer les informations, les échanges, les décisions collectives
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Il s’agit de lire aujourd’hui, dans les signes de la journée, ce qui peut montrer des buts et des chemins pour le lendemain. Essayons de comprendre ce qui a vieilli, de démêler le nouveau et ce qui tombe en ruines, cela nous bouscule tous les jours. Une période longue de notre histoire se finit, avec un retard immense
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les revendications sociales ont joué un rôle décapant d’une série de faux-semblants, en refusant de séparer les exigences matérielles – même fortes et urgentes dans la vie ordinaire – de l’exigence de changer la démocratie
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