Mia Couto a été invitée dans le cadre des Conférences d'Estoril (Lisbonne). Ces dernières ayant l'ultime force de lever les questionnements sur les défis de la globalisation.
Mia Couto a préféré la saveur de 7 minutes de lecture percutante et sincère. Sans aucun doute, sa voix porte l'assemblée vers une écoute attentive et respectueuse. le ton y est. Et la vigueur de son texte «
Murer la peur » enveloppe chaque participant d'un devoir moral. Parler de la peur pour
Mia Couto c'est symboliquement démolir le mur qui emprisonne l'humain. D'une couleur sans nom, ce mur d'aprioris étale sa laideur et freine le passage possible entre les failles de ce dernier. Dire à l'enfant de se méfier, d'épier, de craindre l'autre, l'étranger dont on ignore la vie, c'est inculquer le souffle de la peur et le risque de ne plus oser. Ces peurs inconnues, inexistantes auront alors l'apparence d'une vérité inéluctable.
Mia Couto décortique chaque syllabe grâce à son érudition et ce savoir cher aux grands hommes de ce monde. Elle incite à fuir la peur. A démonter les diktats de la construction mentale des enfermements. Elle nomme les murs qui séparent les nations, des riches, des pauvres et l'invisible mur qui sépare ceux qui ont peur de ceux qui n'ont pas peur. Ce mur qui abolit le Vivre-Ensemble, le fronton d'une universalité merveilleuse. Les peurs de
Mia Couto sont sans fin. Sans aucune possibilité de retour vers un horizon de lumière. Comme si les peurs étaient vitales, quasi indispensables pour l'humain. Elle pointe du doigt là où ça fait mal. L'explicit « Et si ça se trouve, il y en a qui ont peur que la peur prenne fin. » est désespérant. Il ferme le cercle des peurs sans aucune issue de sortie possible. le lecteur est foudroyé. «
Murer la peur » est un levier. le lecteur abolira ses peurs invisibles et regardera l'autre, comme son semblable en humanité.
Mia Couto de par ses mots forts pousse le lecteur dans le dos et le force à grandir en cherchant le regard de l'autre, son double de passage sur la terre, subrepticement. Les Editions Chandeigne ont eu la formidable idée de publier ce texte majeur qui incite à réfléchir et à s'auto-analyser. Traduit du portugais (Mozambique) par
Elisabeth Monteiro Rodrigues.