Trois parties distinctes dans ce beau roman de
David Machado. Trois époques différentes : 1994, 2010, 2017. Deux personnages principaux, deux femmes à différents âges de leur vie : Julia et Catarina. Au début de la première partie, un narrateur à la troisième personne nous apprend que Julia a subi un terrible traumatisme qui ne s'efface pas. Dépressive, elle rumine des idées suicidaires. Dans l'appartement d'à côté, très souvent, un couple se dispute violemment. Un petit matin, alors que Julia fume un joint penchée à sa fenêtre, une petite fille de quatre ou cinq ans l'interpelle deux fenêtres plus loin. Elle n'aura plus qu'une idée : arracher cette enfant à son enfer de cris et de coups…
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Si la construction du roman semble simple de prime abord, la lecture réserve des surprises. La première partie traite de Julia, de sa dépression. le lecteur comprend ce que la jeune femme a subi, mais ce n'est jamais totalement explicite. le traumatisme imposé régulièrement à la petite fille, Catarina, est plus clair. Dans la deuxième partie, on suit un écrivain traumatisé par la guerre en Angola, entre autres violences, et on voit son roman en train de s'écrire en prison, mais la guerre n'en est pas le sujet. Dans la troisième partie, Manuel, 11 ans, enregistre des cassettes dans lesquelles il s'adresse au Manuel adulte qu'il espère devenir. le jeune garçon vit dans le traumatisme permanent que lui fait subir la probable paranoïa de sa mère. Les parties sont interreliées, mais le lecteur ne le découvre que petit à petit, et il doit littéralement décoder certains aspects du récit. La première partie qui semblait claire suscite de nombreuses questions quand on prend connaissance de la deuxième. On trouvera des réponses et une touche d'espoir dans la troisième partie.
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J'ai beaucoup aimé
Des abeilles sous la peau, un roman qui impose au lecteur un travail de déduction. Toutes les parties ont leur intérêt, et le style d'écriture diffère selon le narrateur. La plongée de Julia dans la dépression, ou plutôt la plongée dans la dépression de Julia se révèle bouleversante et fait partager l'égarement de la jeune femme comme ses accès de panique. La présentation de la partie métafictionnelle m'a séduite par son contenu, mais aussi par sa forme : alignement à droite ou à gauche selon le cas, phrases et mots raturés mais qui restent lisibles, par exemple. Les trois personnages narrateurs (on découvrira qui se cache derrière celui de la première partie) nous plongent dans leurs traumatismes, nous font partager les violences subies sans jamais les décrire vraiment, nous amènent à comprendre à quel point ces accidents de la vie les ont marqués à jamais et comment leur douleur finit par contaminer leur entourage. Il faudra l'innocence et le courage de Manuel, sa conscience d'être aimé pour que s'ouvre la possibilité d'un avenir meilleur. Je n'ai pour le moment rien lu d'autre de
David Machado, mais je le ferai !
Lu dans le cadre du prix des Lecteurs de Cognac