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Citations sur Je suis victime (7)

La honte et la culpabilité se développent à la suite d'attitudes ou d'actes répréhensibles. Pourquoi de tels affects sont-ils éprouvés chez des individus qui ont été assujettis au malheur et à la souffrance ? L'explication est peu connue et ne tombe pas sous le sens. On est en présence d'un effet mécanique de la dégradation du moi. Si vous êtes maltraité, si vous subissez une dégradation, vous éprouverez de la honte. C'est typiquement ce qui arrive aux victimes d'agressions ou d'abus sexuels. Et on peut donc comprendre le dilemme que vit la victime, ainsi prise entre le besoin de reconnaissance et l'envie irrépressible de se cacher aux yeux d'autrui.
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La fabrique contemporaine de la victime a imposé un modèle socio-judiciaire sur des souffrances psychiques qui auraient dû être circonscrites au domaine soignant. (...)
Dorénavant, il faut dire, parler, répéter aux soignants, aux secouristes, aux enquêteurs, aux avocats, aux magistrats, aux assurances, aux proches, aux témoins...parler pour l'autre, de ce que l'autre veut entendre et non parler pour soi et de ce que l'on voudrait réellement dire. Une telle parole sous injonction, voire sous ce que nous pourrions qualifier de "contention verbale", est une parole qui ne peut pas conduire à une mise en sens de ce qui a été vécu et à un récit : elle se réduit à un témoignage, mots sans réflexivité par rapport au vécu traumatique, à une déposition qui réduit la parole à une plainte. Se plaindre, c'est être considéré comme victime. Autrement dit, se plaindre avec les mots correspondant à ce que la société souhaite entendre, c'est être entendu comme victime et se voir ouvrir des droits.
Mais cette évolution laisse hors du monde des milliers de personnes traumatisées, des sujets aux vies fracassées par un accident, une maladie, un deuil, une agression, des maltraitances ou des violences. La très grande majorité des traumatisés psychiques ne se plaint pas : la honte, la culpabilité (...)
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Exemple marquant : celui du double attentat de marathon de Boston le 15 avril 2013. Des recherches ont montré que les personnes ayant visionné des images à la télévision étaient autant touchées, voire plus que celles étant sur le lieu du drame. Résultat absolument pas attendu lorsque les études ont été lancées. [...]
Autrement dit, entre vécus traumatiques propres et vécus traumatiques "virtuels", peu, voire pas de différence.
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Deuxième catégorie de ces "volontaires" : ceux à qui la mort, la souffrance, procurent une sorte de jouissance perverse.
La douleur et le sang sont très souvent érotisés par notre société et il existe une sorte de fascination très primitive de l'être humain devant ce genre de scènes. C'est comme si les victimes - des attentats terroristes en particulier - étaient foudroyées par une colère divine et payaient pour les fautes commises par tous les autres. C'est la "victime", au sens "sacrificiel" du terme qui intéresse ces personnes, et pas les soins qu'elles pourraient lui apporter. Ces sauveteurs particuliers alors, derrière une présence et une action apparemment plus que louable, se révèlent particulièrement dangereux : ils peuvent infliger des dommages collatéraux aux victimes.
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Ce que nous souhaitons relever ici, c'est l'aspect très paradoxal de cette "victimophilie" : le gouffre entre l'attention sociétale, revendiquée par les discours politiques, et la réalité de ce à quoi sont exposées les personnes qui survivent à des drames. Les traumatisés sont expulsés de la scène sociale où les victimes ont pris tout l'espace.
(...)
Une personne traumatisée parle comme elle le peut de ce qu'elle a vécu. Comment mettre en mots l'indicible ? Comment parler de ce qui reste à soi inintelligible ? Comment faire confiance à un autre quand on a été confronté à l'arbitraire et que tous ses repères, toutes ses croyances, se sont effondrés en quelques secondes ? Il est très coûteux psychiquement de décrypter l'horreur vécue et de parvenir à faire un récit.
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De sujet souffrant, le traumatisé psychique est désormais objet, support de plaintes, projection expiatoire des angoisses modernes et de la culpabilité de notre société individualiste et concurrentielle. Dépossédé de son histoire et de sa singularité, le traumatisé est condamné à être victime pour que la cohésion collective puisse se dégager de ses insuffisances à penser la subjectivité individuelle. Il est contraint d'exposer sans limite son histoire devant les témoins, les enquêteurs, la justice, les media, pour pouvoir prétendre être reconnu comme ayant droit à une réparation qui engage l'Etat ; devenu Etat-providence et donc qui implique indirectement la collectivité.
Mais nous devons apporter une précision essentielle : ce ne sont pas tant les réparations judiciaires, les aides financières ou les sanctions pénales obtenues quand il y a eu plainte qui participeront à la restauration psychique. Elles sont importantes mais, psychiquement, elles ne priment pas.
Humainement, l'essentiel est d'être reconnu en tant que sujet.
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Pour reprendre l'expression de la psychanalyste Simone Korff Sauss, il ne s'agit plus d'un miroir brisé mais d'un "miroir sans tain". Les miroirs sans tain sont ces miroirs semi-réfléchissants dont la particularité est de ne réfléchir qu'une partie de la lumière reçue et de laisser passer l'autre partie dans le vide. C'est bien à cela que se trouvent contraints ces enfants, comme tant d'enfants victimes condamnés au silence de leurs maux : ne laisser réfléchir que ce qui ne risquera pas de heurter l'Autre et s'amputer de tout le reste...
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