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Citations sur Un merveilleux malheur (89)

Quand le réel est terrifiant, le rêve est un espoir de le surmonter.
La poésie est une arme de survie quand le réel est insupportable.
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Freud pense que l’homme heureux n’a pas besoin de rêves, le réel suffit à le satisfaire. Sartre évoque la « pauvreté essentielle » de l’objet de rêve, toujours au bord de l’évanouissement. Mais Bachelard, comme les petits Stanislas et Serban, dit que « l’Homme de la rêverie baigne dans le bonheur de rêver le monde, baigne dans le bien-être d’un monde heureux. »
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Il n'y a pas de fracas sans métamorphose. Les grands blessés de l'âme, les gueules classées de la carence affective, les enfants battus et adultes écorchés témoignent avec étonnement du développement intime d'une nouvelle philosophie de l'existence. Car l'obligation de comprendre et de demander « pourquoi » entraîne à apprendre et à mieux anaIyser l'agresseur. Puis, le fait de se dire « et maintenant, que vais-je faire avec ma blessure? » invite à découvrir la partie saine de soi et à partir en quête de la moindre main tendue.
Alors se tricote la résilience. Elle n'est pas à rechercher seulement à l'intérieur de la personne, ni dans son entourage, mais entre les deux, parce qu'elle noue sans cesse un devenir intime avec le devenir social.
Il n'est pas inutile non plus d'inventer un terme nouveau afin de lutter contre l'usure des mots et l'engourdissement des théories. Un concept inattendu oblige à préciser les anciens : le fait de représenter la résilience par la métaphore du tricot élimine la notion de force ou de faiblesse de l'individu. Ce qui n'a rien à voir avec la vulnérabilité ou l'invulnérabilité et qui est totalement différent du mécanisme psychanalytique de la résistance qui s'oppose à l'accès à l'inconscient, mais ce qui peut côtoyer les notions d'étayage de la pulsion et des défenses du moi. Le déni, le clivage, l'activisme humain et bien d'autres défenses sont élaborés par ces théories, mais la notion de résilience souligne l'aspect adaptatif et évolutif du moi. On peut être résilient dans une situation et pas dans une autre, blessé un moment et victorieux un autre.
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Quand Pierrot s'est engagé dans la Résistance à l'âge de seize ans, il est resté seul vivant, toute sa famille a disparu. Après la guerre, il a poursuivi ses activités militantes et réunissait régulièrement chez lui de vieux résistants âgés de quinze à trente ans. Leurs enfants jouaient ensemble et baignaient dans ces histoires de mort, de tortures, de lynchages et de dénonciations. Trente ans plus tard, presque tous ces enfants souffrent d'un syndrome post-traumatique. Fascinés par la mort, la conspiration et linjustice, leurs nuits sont torturées par d'incessantes angoisses dont ils repèrent mal l'origine puisqu'ils aiment celui dont ils partagent l'agression. Mais ils ne l'eprouvent pas de la même manière puisque Pierrot et ses amis évoquent des tragédies qui, dans l'après coup, sont devenues des victoires, alors que les enfants, eux, n'éprouvent que l'horreur.
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La réaction de celui qui entend le secret imprègne un sentiment dans le psychisme de celui qui se confie. C'est pourquoi le secret révélé peut aussi bien provoquer un soulagement qu'une torture. II n'est pas rare qu'une victime confie pour la première fois, à la télévision, I'horreur de sa tragédie. Paradoxalement, cet acte public est le contraire d'une indécence, c'est un acte intime : "Quand j'ai voulu en parler à ma grand-mère, elle m'a fait taire. Mes voisines m'ont dit que je mentais, que mon père était un brave homme. À la télé, au moins, je suis sûre de m'adresser à ceux qui sauront me comprendre." Parler à huit millions de personnes par désir d'intimité !
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Quand on tait un secret, on fait parler les choses, mais l'entourage souvent s'arrange pour ne pas voir. Aicha était déconcertée de ne presque rien connaître de son père : « Il n'existe pas dans la maison. Je ne sais pas où il est né. Il ne raconte jamais. » Jusqu'au jour où elle a découvert, dans un tiroir de sa chambre d'enfant, un paquet de photos et un livret de famille, «J'ai eu en main ces objets, je les ai tenus, mais je ne les ai pas regardés. Si ma mère avait su m'aimer, j'aurais regardé les photos et posé des questions sur mes origines. »
Quand le dit n'est pas facile, le para-dit s'exprime, mais souvent les témoins ferment les yeux et se bouchent les oreilles. Ils ont tout pour comprendre, sauf le désir de s'impliquer. Niki de Saint Phalle n'a jamais vraiment caché son si "lourd secret". Elle avait même choisi un nom d'artiste pour le signaler. Dans ce cryptonyme, ce qui est caché se donne à entendre. Il y avait un para-dit qui, pour elle, a été un enfer: "L'été des serpents, celui où mon père, ce banquier, cet aristocrate, mit son sexe dans ma bouche..."
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Quand le survivant joue le rôle du représentant permanent de son propre malheur, il s'agit, dans son monde intime, d'une mission capitale. Son témoignage lui permet de transformer son humiliation en message constructif, en devoir de mémoire, pour que ça ne recommence plus jamais. Il se soigne ainsi puisque, en redisant l'événement, il en transforme l'émotion. Son malheur insensé prend sens et devient supportable puisqu'il le rend utile. Ce qui ne correspond absolument pas au monde intime des auditeurs, ou plutôt des spectateurs qui, eux, n'ont pas à faire ce travail de métamorphose. Quand un ancien déporté est invité à une réunion de jeunes historiens, il est placé là pour réciter quel- ques phrases terribles, comme un slogan que plus personne n'écoute.
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Aimer I'histoire de la vie de l'autre, c'est accepter une relation intime par récit ou livre interposé. A l'inverse, ceux qui sont gênés par l'aveu, et éprouvent une sensation d'impudeur (« Il se met à nu ») témoignent d'une intention de n'établir leurs relations que par les circuits sociaux convenables. Ils se protègent d'une rencontre intime avec l'auteur derrière la convention des stéréotypes sociaux. « Je » n'existe que par le « on ». Quand le moi est fragile, le nous sert de prothèse. Ce cadre identitaire est très agréable, car il permet la communion en adorant la même idole et en récitant les mêmes litanies. Mais l'individu n'a le droit de s'exprimer qu'en tant que membre de cette communauté. Le sentiment d'appartenance est délicieux mais il mène à l'amputation de l'individu et au mépris de ceux qui adorent d'autres idoles et récitent d'autres slogans.
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Les troubles de I'affectivité persistent longtemps puisque les enfants veulent séduire ceux qui les maltraitent et maltraitent ceux qui les séduisent. Mais l'idéalisation et l'intellectualisation se mettent en place très tôt et protègent les enfants. Paradoxalement, quand on les sépare de leurs parents maltraitants, on accentue leur idéalisation. Ils se mettent alors à rêver des parents parfaits qu'ils auraient tant voulu connaître.
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Les chercheurs ont eut deux surprises.
La première fut de comprendre que ceux qui avaient eu l'enfance la plus dure (parmi ces privilégiés) furent ceux qui avaient connu la vie adulte la plus épanouie, probablement parce qu'à l'âge de 18 ans, ils avaient été contraints par leurs petites épreuves de mettre en place des défenses positives. Alors que ceux qui avaient connu une enfance protégée avaient moins su affronter les épreuves de la vie.
La seconde surprise fut de constater que les mécanismes de défense le plus souvent retrouvés chez les adultes épanouis étaient les mêmes que ceux que l'on pouvait noter dans une population d'enfants résilients maltraités :
-La sublimation, quand la force de vivre est orientée vers des activités socialement valorisées, comme les activités artistiques, intellectuelles ou morales, Cette vitalité, aimantée par la société, permet aux blessés de l'âme, petits et grands, d'éviter le refoulement et de s'exprimer en entier, pour le plus grand bonheur de tous.
- Le contrôle des affects est associé à la sublimation : ni colère, ni désespoir, ni rumination, ni passages à l'acte brutaux, pour satisfaire les besoins immédiats. Une douce gestion du temps, une aptitude à retarder la réalisation des désirs et à les transformer, afin de les rendre acceptables. L'altruisme a été un trait caractéristique de cette population. Le dévouement à autrui permet d'échapper au conflit intérieur et permet de se faire aimer grâce au bonheur qu'on donne. Le retour est énorme, Cest une bonne affaire. L'humour a également été une défense précieuse. La représentation de l'événement traumatisant, destiné aux autres, permet de prendre de la distance, de moins se laisser entamer par l'épreuve et même d'en retirer un petit bénéfice de comédien.
Finalement, une population d'enfants maltraités donne à peu près vingt-cing pour cent de dépressions récidivantes au cours de l'existence. Ce chiffre énorme correspond au pourcentage de dépressions dans la population témoin et même dans la population privilégiée.
Alors? Il n'y aurait pas de différence entre la maltraitance et la bientraitance? Si l'on ne faisait parler que les chiffres, on risquerait d'arriver à une telle interprétation. Le seul moyen d'expliquer ce paradoxe, c'est d'apprendre à raisonner en termes de résilience. À chaque étape de l'histoire de l'enfant existe une possibilité de réparation ou d'aggravation.
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