Citations sur Cannibale (92)
- "Tu vois, on fait des progrès : pour lui nous ne sommes pas des cannibales mais seulement des chimpanzés. Je suis sûr que quand nous serons là-bas, nous serons redevenus des hommes." (p. 41)
Le respect, chez nous en pays kanak, il ne vient pas à la naissance comme la couleur des yeux. Il se mérite tout au long de la vie.
Moi, je suis sénagalais. Je suis né en Casamance. Presque tous les jeunes de mon village sont morts à Verdun. A cause des gaz... Les soldats blancs ne voulaient plus monter à l'assaut, et c'est à nous, les tirailleurs des troupes coloniales, que le général a demandé de sauver la France. On s'est dégagés de la boue des tranchées, au petit matin, sans masques, poussés par la police militaire et les gendarmes qui étaient protégés, eux, et qui abattaient les frères qui essayaient de fuir le nuage de mort...
Tout le monde nous court après, et toi, tu nous aides. Pourquoi? Tu ne nous connais pas, tu ne sais rien de nous...
Des enfants sont passés en chahutant, de l'autre côté de la cloison. Fofana s'est raclé la gorge pour s'éclaircir la voix, puis il a souri.
- On a un peu la même couleur, bien que vous ne veniez pas d'Afrique, et quand des Noirs sont poursuivis par des policiers, je ne sais pas pourquoi, je suis du côté des Noirs... Moi, je suis sénégalais. Je suis né en Casamance. Presque tous les jeunes de mon village sont morts à Verdun. A cause des gaz... Les soldats blancs ne voulaient plus monter à l'assaut, et c'est à nous, les tirailleurs des troupes coloniales, que le général a demandé de sauver la France. On s'est dégagés dans la boue des tranchées au petit matin, sans masques, poussés par la police militaire et les gendarmes qui étaient protégés, eux, et qui abattaient les frères qui essayaient de fuir le nuage de mort... Je me suis jeté dans un trou d'obus. Il y avait un cadavre. Je me suis barbouillé avec son sang, et j'ai fait comme si j'avais été touché... Le nuage planait au-dessus de moi... Je n'en ai respiré qu'un peu... Cela fait quatorze ans que je suis sorti de ce trou, mais le souvenir est toujours-là, devant mes yeux. Il est devenu mille fois plus précis quand je vous ai vus courir devant les policiers...
De quel droit mettez-vous les oiseaux en cage ?
De quel droit otez-vous ces chanteurs aux bocages,
Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
Victor Hugo
En exergue du livre "Cannibale"
- "Tous les enfants de la tribu m'entourent et me demandent comment c'était la France, Paris. Je leur invente un conte, je leur dis que c'est le pays de merveilles. Mais très tard, je raconte pour les Anciens. Je leur explique qu'on nous obligeait à danser nus, hommes et femmes; que nous avions pas le droit de parler entre nous, seulement de grogner comme des bêtes, pour provoquer les rires des gens, derrière la grille; qu'on insultait le nom légué par nos ancêtres." (p. 47)
Le respect , chez nous en pays Kanak , il ne vient pas à la naissance comme la couleur des yeux . Il se mérite tout au long de la vie .
Nous avons longé la Seine, en camion, et on nous a parqués derrière des grilles, dans un village kanak reconstitué au milieu du zoo de Vincennes, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles. Leurs cris, leurs bruits nous terrifiaient. [...] Au cours des jours qui ont suivi, des hommes sont venus nous dresser, comme si nous étions des animaux sauvages. Il fallait faire du feu dans des huttes mal conçues dont le toit laissait passer l'eau qui ne cessait de tomber. Nous devions creuser d'énormes troncs d'arbres, plus durs que la pierre, pour construire des pirogues tandis que les femmes étaient obligés de danser le pilou-pilou à heures fixes. [...] J'étais l'un des seuls à savoir déchiffrer quelques mots que le pasteur m'avait appris, mais je ne comprenais pas la signification du deuxième mot écrit sur la pancarte fichée au milieu de la pelouse, devant notre enclos : Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie.
- Tu vas te taire, à la fin ! Si tu n'essaies pas de t'échapper, si tu ne hurles pas, on ne te fera pas de mal... on veut seulement parler avec toi. Tu vas venir avec nous sans faire d'histoires...
Il a marmonné contre ma main, en roulant des yeux et en relevant ses sourcils. Badimoin a assuré sa prise puis il l'a obligé à escalader le monticule. Nous nous sommes arrêtés à l'autre extrémité du relief qui formait une sorte de terrasse naturelle au-dessus du marigot. On entendait distinctement les clapotements, les respirations inquiétantes, les claquements de mâchoires des sauriens affamés. J'ai fait glisser ma main, libérant ses lèvres.
- Qu'est-ce que vous me voulez tous les deux ? Vous vous croyez dans votre jungle !
Badimoin, qui lui interdisait tout mouvement s'est penché à son oreille.
- Si ça n'avait tenu qu'à nous, on y serait restés...
Au cours des jours qui ont suivi, des hommes sont venus nous dresser, comme si nous étions des animaux sauvages....Le reste du temps, malgré le froid, il fallait aller se baigner et nager dans une retenue d'eau en poussant des cris de bêtes.