Nous sommes emmenés sous le ciel aveugle. Le train plombé s'enfonce dans la nuit qui ne bifurque plus. Quand le mur, au bout, se déchire, il livre sa cargaison de chair. Poids de plume ou de plomb. Sueur. Sacs d'os. Morts et vivants confondus dans le même prix. Le mur derrière nous s'est refermé. Suture obscure du destin. Dans la puanteur et le grelottement, qui sont notre nouvelle maison, nous nous comptons; et nous nous racontons ce que furent nos vies, jadis, dans un monde lointain où le jour succédait à la nuit.
Nous errons dans les escaliers de l'hôtel, à la recherche d'une issue de secours. Mais les couloirs débouchent sur des caveaux de marbre peint ou s'ouvrent sur le vide. Nous descendons encore. Les portes au fond des couloirs ne s'ouvrent plus et les édifices mortuaires en trompe-l’œil continuent de nous refuser l'entrée qui nous sauverait. Bientôt, la trappe derrière nous rabattue, nous nous serrerons, assis sur nos valises, sous l'ampoule nue de la cave, fermant sur nos poitrines nos manteaux fatigués.