Il a suffi qu'il croise le regard d'une gamine dans sa salle d'attente puis voit furtivement son visage derrière la vitre d'un car, pour qu'Yves, médecin à la réputation établie, marié à une bourgeoise, père d'un quasi bachelier, perde le contrôle de sa vie, assailli par le démon de midi qui lui met le diable au corps.
Vers quel échec fonce-t-il tête baissée ? Pourquoi cet homme réfléchi accepte t-il son suicide social ? de cet adultère non charnellement consommé, portant en germe une infinité de drames et d'issues tragiques, le toubib dit qu'il est né d'un instant culminant, un instant terrible placé sur sa trajectoire de vie, qui l'attendait. Au moment où il l'a atteint et percuté, son comportement est devenu démentiel, sans qu'Yves puisse refuser de se soumettre à son destin tout en étant capable d'analyser avec franchise ses états d'âme et les incohérences disproportionnées de son existence.
C'est toujours un vif plaisir de retrouver
Frédéric Dard, son talent illimité pour croquer en quelques mots choisis un personnage, décrire un lieu, restituer une atmosphère. le style est d'une apparente simplicité mais pour arriver à un tel degré de précision, il faut un esprit de synthèse exceptionnel, des connaissances pointues de la langue française, et surtout de la modestie littéraire. Jamais - tout comme
Simenon -
Frédéric Dard ne se met en avant ou cherche à faire l'intéressant en étalant ses connaissances, en se regardant écrire. le romancier est au service de son roman.
le cahier d'absence, est paru en 1962, le choix du titre est expliqué en cours d'intrigue. de nos jours le thème choisi s'attirerait certainement les foudres approximatives de certaines féministes. Pour ma part, j'absous
Frédéric Dard de tout machisme, car remise dans son contexte sociétal et historique, l'histoire est hélas banale et très fréquente. Il faut d'ailleurs noter un positionnement subversif du personnage principal, médecin qui n'hésite pas – sans en tirer aucun bénéfice personnel - à aider des jeunes femmes enceintes avec l'aide de confrères hospitaliers alors que l'avortement est encore prohibé.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres parmi lesquelles une vision romantique des relations sentimentales qui aboutissent souvent par excès d'amour à des meurtres, j'apprécie les romans de
Frédéric Dard.