AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Fromont jeune et Risler aîné (3)

Qu’est-ce qui aurait donc pu la soutenir au milieu de ce grand désastre ? Dieu ? Ce qu’on appelle le Ciel ?

Elle n’y songea même pas. À Paris, surtout dans les quartiers ouvriers, les maisons sont trop hautes, les rues trop étroites, l’air trop troublé pour qu’on aperçoive le ciel. Il se perd dans la fumée des fabriques et le brouillard qui monte des toits humides ; et puis la vie est tellement dure pour la plupart de ces gens-là, que si l’idée d’une Providence se mêlait à leurs misères, ce serait pour lui montrer le poing et la maudire. Voilà pourquoi il y a tant de suicides à Paris. Ce peuple, qui ne sait pas prier, est prêt à mourir à toute heure. La mort se montre à lui au fond de toutes ses souffrances, la mort qui délivre et qui console.
Commenter  J’apprécie          40
À Paris, pour les ménages pauvres, à l’étroit dans leurs appartements trop petits, le palier commun est comme une pièce de plus, un agrandissement du logis. C’est par là que l’été un peu d’air arrive du dehors, là que les femmes causent, que les enfants jouent.

Quand la petite Chèbe faisait trop de train à la maison, sa mère lui disait : « Tiens ! tu m’ennuies… va jouer sur le carré. » Et l’enfant y courait bien vite. Ce palier, au dernier étage d’une ancienne maison où l’on n’avait pas ménagé l’espace, formait comme un grand couloir, haut de plafond, protégé du côté de l’escalier par la rampe en fer forgé, éclairé par une large fenêtre d’où l’on voyait des toits, des cours, d’autres fenêtres, et plus loin le jardin de l’usine Fromont apparaissant comme un coin vert dans l’intervalle des vieux murs gigantesques. Tout cela n’avait rien de bien gai, mais l’enfant se plaisait là beaucoup mieux que chez elle. Leur intérieur était si triste, surtout quand il pleuvait et que Ferdinand ne sortait pas.

Cerveau toujours fumant d’idées nouvelles, qui par malheur n’aboutissaient jamais, Ferdinand Chèbe était un de ces bourgeois paresseux et à projets comme il y en a tant à Paris. Sa femme, qu’il avait d’abord éblouie, s’était vite aperçue de sa nullité et avait fini par supporter patiemment et du même air ses rêves de fortune continuels et les déconvenues qui suivaient immédiatement.

Des quatre-vingt mille francs de dot apportés par elle et gaspillés par lui dans des entremises ridicules, il ne leur restait qu’une petite rente qui les posait encore vis-à-vis des voisins, comme le cachemire de madame Chèbe, sauvé de tous les naufrages, ses dentelles de noces, et deux boutons en brillants, très petits, très modestes, que Sidonie suppliait parfois sa mère de lui montrer au fond du tiroir de commode, dans un antique écrin de velours blanc, où le nom du bijoutier s’effaçait en lettres dorées vieilles de trente ans C’était là l’unique luxe de ce pauvre logis de rentiers.
Depuis son mariage, Risler avait renoncé à la brasserie. Sidonie aurait eu plaisir à le voir quitter la maison, le soir, pour un cercle élégant, une réunion d’hommes riches et bien mis ; mais l’idée qu’il retournerait dans la fumée des pipes, vers les amis du temps passé, Sigismond, Delobelle, son père, cette idée l’humiliait, la rendait malheureuse. Alors il n’y alla plus ; et cela lui coûtait un peu. C’était presque un souvenir du pays, cette brasserie située dans un coin oublié du vieux Paris. Les voitures rares, des rez-de-chaussée à hautes fenêtres grillagées, des odeurs fraîches de droguerie, de produits pharmaceutiques donnaient à cette petite rue Blondel une vague ressemblance avec certaines rues de Bâle ou de Zurich. La brasserie était tenue par un Suisse, bourrée de gens de là-bas. Quand la porte s’ouvrait, à travers le brouillard des pipes, la lourdeur épaisse des accents du Nord, on avait la vision d’une immense salle basse avec des jambons pendus aux poutres, des tonneaux de bière alignés, de la sciure de bois jusqu’à mi-jambes, et sur le comptoir de grands saladiers de pommes de terre roses comme des châtaignes, des corbeilles de prachtels sortant du four tout saupoudrés de sel blanc sur leurs nœuds dorés.
Commenter  J’apprécie          40




    Lecteurs (55) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Alphonse Daudet

    Quelle est la ville de naissance de Daudet ?

    Paris
    Grenoble
    Strasbourg
    Nîmes

    12 questions
    111 lecteurs ont répondu
    Thème : Alphonse DaudetCréer un quiz sur ce livre

    {* *}