Tiens , un Davodeau en couleur ? Millésime 96 , pas très frais tout ça...
Alors , est-ce dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe ? Meilleure , j'en sais fichtrement rien ! Par contre , ce dont je suis sûr , c'est que dans le domaine qu'est le polar , cet auteur focalisé sur l'humain touche également sa bille et rafle une nouvelle fois la mise !
Pochette arborant
le Constat et voiture en rade , le lecteur de base que je suis pensait bien apprendre enfin à en rédiger un qui tienne la route , lui , à défaut de ladite bagnole pliée façon accordéon . Que nenni , puisque l'auteur , lui , beaucoup plus finaud , jouait alors subtilement sur les mots en évoquant la vie de trois êtres totalement dissemblables que rien ne prédestinait à se rencontrer , se confier , s'épauler , se sauver mutuellement .
Une bagnole , trois personnages .
Vincent fuit . Ici , point d'incontinence précoce mais la certitude d'y rester s'il ne taillait pas la route , pensant ainsi illusoirement échapper à ses dangereux acolytes de magouilles auxquels il a joué un bien mauvais tour !
Abel fuit . Beaucoup plus plausible à son âge . Seulement voilà , ce sémillant vieillard végétant en maison de retraite esquive un futur désormais sans surprises pour aller rendre un ultime hommage à sa bien-aimée disparue depuis fort longtemps .
Rose fuit . Elle fuit un morne quotidien , poussée par le vent , sans attaches aucunes , juste bercée par la certitude d'un lendemain qui chante . Elle a fait de la liberté son étendard et le brandit chaque jour que le grand sage à barbe blanche fait .
Road movie épique ! Suberbe évocation du temps qui passe , inexorablement , avec ses cortèges de fantômes . Davodeau évoque des gens ordinaires englués dans des situations qui le sont , elles , beaucoup moins ! Tour à tour touchant , poetique et crispant , ce thriller contrebalance savamment une tension de tous les instants avec un humour au doux pouvoir rassérénant .
De Palmas chantait Sur la Route . Vincent , Abel et Rose auraient pu légitimement s'en réclamer .
Trois personnalités distinctes mais complémentaires . Trois individualités attachantes . Trois destinées vouées à se percuter et fusionner pour faire la nique à un futur s'annonçant mortifère .
La patte Davodeau est déjà présente en privilégiant encore et toujours l'humain et ceci , quelque soit le thème abordé . Un texte puissant . Des dessins expressifs suffisamment ébauchés pour susciter l'adhésion immédiate . Une mise en page nerveuse alternant dialogues et silences révélateurs .
Palpitant et bouleversant du début à la fin , ce constat est sans appel , c'est une vraie réussite ! Et que dire du final...
Le Constat : n'aurait pas détonné dans la cave millésimée des Ignorants !