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EAN : 9782072924217
304 pages
Gallimard (05/11/2020)
3.7/5   25 notes
Résumé :
Ce qui nous arrive n'arrive qu'à nous, mais ce que nous pensons, nous sommes rarement seuls à le penser. Au fond des idées qui nous effleurent, ou des croyances qui nous habitent, retentit une rumeur de marée et moins de quant-à-soi que ne le voudrait notre amour-propre. Singulières, les biographies, collectives, les mentalités. Aussi le film d'une pensée, plus qu'un film d'action, peut en recouper bien d'autres.

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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Régis Debray nous fait prendre de la hauteur et pose un regard sincère, ironique et parfois désabusé sur ses engagements et sa démarche philosophique. Bilan d'une vie engagée.
il nous fait voyager "d'un siècle à l'autre" sur une période de 60 ans, des années 1950 jusqu'à celles des années 2010 et nous délivre ses réflexions , parfois surprenantes , sur tous les thèmes importants qui l'ont occupé : La révolution, la France, L'Europe, les intellectuels, la Gauche, la philosophie, les réseaux sociaux, son action politique, etc.
Sur le thème des intellectuels : Régis Debray cite Bernanos : « l'intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel jusqu'à ce qu'il nous ait prouvé le contraire.»
Sur l'autorité : «je n'aime pas donné des ordres et en recevoir, à dit une militante anarchiste. C'est plus que louable, admirable, mais refuser le lien hiérarchique qui structure une troupe c'est aller tôt ou tard à la débandade.».
Ancien compagnon de route de Che Guevara, il porte aussi un regard ironique sur la révolution : « Un révolutionnaire, comme un religieux, ne peut-être un honnête homme parce qu'il n'y a pas de foi sans mauvaise foi.» ou : «le révolutionnaire de 1920 écrivait des livres et en lisait beaucoup, mais ne devait pas se faire voir. le contestataire de 2020 n'écrit pas une ligne, mais doit à tout prix se montrer.»
Ou encore sur la France : « Le conte d'une France toute entière résistante nous a permis de redresser la tête, un autre organe aussi, d'où le baby-boom et les trentes glorieuses. »
Régis Debray décrit avec dérision et humour, dans une langue intelligente, parfois en quelques formules précises et pertinentes, parfois dans un style plus difficile pour le commun des mortels (Régis Debray est ancien élève de Normale Sup), souvent à l'aide de citations brillantes, son parcours, ses rencontres, son regard (sombre) sur le monde d'aujourd'hui. Les titres des chapitres nous donnent à l'avance une idée des thèmes abordés : À l'école, en prison, transmettre, unir, croire. Un beau programme.
Après avoir fait le tour d'une vie, sans renié cette formule de Romain Rolland «allier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté» Régis Debray avec honnêteté et un peu de tristesse délivre sa conclusion : «vouloir agir sur les esprits par des mots n'est pas un projet sensé. [..] Il m'en aura fallu des zigzags pour trouver finalement le pot aux roses : Ce sont le corps et le coeur qui décident de nos actes. J'ai fait mon temps, mais n'ai rien fait du temps qui m'a fait ? J'ai dû me tromper de thème astral, la clé n'était pas la bonne. Promis, on fera mieux la prochaine fois.»
Ce livre nous prouve que Régis Debray est bien un intellectuel, mais pas un imbécile.
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Livre surprenant.. intense et même drôle. J'ai rarement autant consulté le dictionnaire (ou wikipedia) en devant chercher des mots que je découvrais pour la première fois. C'est un état des lieux de la réflexion, qui part de ce que l'auteur a vécu et perçu pour nous permettre de nous faire notre propre idée sur l'actualité.

Le vocabulaire de Régis D. claque cash et épatant On dirait qu'il insère des mots les uns après les autres pour, au final, exprimer une pensée logique et .. simple. Les phrases très courtes, quelque fois reprises sans verbe déroulent des fils d'idées avec précision.

Les reprises sont savoureuses et je me suis surprise plusieurs fois à rire à voix haute. "La statue tue. Deux fois. Une pensée quand on l'érige; une mémoire quand on la déboulonne". C'est logique, bref et précis. "La Majuscule manipulable à souhait" .. m'a ramené aux discours de politiciens en campagne. Ce sont eux qui devraient lire ce livre avant de radoter devant une salle déjà acquise. La "théo-plouto-démocratie américaine" entre le dollar et la bible est une perle .. J'ai aussi appris que Jean Monnet était vendeur de cognac, et là, j'ai dû reprendre la phrase plusieurs fois :) Et j'ai ri quand j'ai compris. ☺️

Le plus actuel reste les 40 degrés et la zone de fanatisme. La surchauffe du croire est bien trop actuelle... et Gaia a de beaux jours devant elle. Que de chemin depuis le révolutionnaire de 1920 et le contestataire de 2020, et aujourd'hui, 9 juillet, Haiti demeure, encore et toujours, à l'abandon.

Je pourrais ainsi faire des perles en citant les passages que j'ai dégusté. La langue de nougat de l'Unesco (appareil lourd et peu utile à notre survie) est un fait frappant.

Ce livre ouvre une réflexion personnelle et j'ai bien aimé la méthode.

Merci Mr. Debray pour ce livre riche en enseignements (du moins pour moi).

Merci pour partager votre pot aux roses. Chacun y mettra du sien, et avec le temps, fera un bout de chemin grâce ou avec ce livre, et sa précieuse bibliographie..


En guise de conclusion je vous recommande d'écouter: https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/regis-debray-traverse-les-siecles
c'est mieux d'écouter la présentation du livre après qu'avant. 🤩
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Avec talent comme toujours (quel sens de la formule !), Régis Debray, après avoir remisé son treillis de guérillero et ses idées de révolution mondiale, jette sur notre siècle un regard un brin nostalgique mais qu'il veut lucide.
Il pointe une fois de plus la mort des idéologies, le retour des religions, la vacuité de toute politique nationale dès lors que tout se décide au niveau supranational et dans les hautes sphères des multinationales, la puissance de l'individualisme au détriment de l'action collective et dresse un tableau alarmant de la France. Il pousse même le bouchon un peu loin en prônant (sérieusement ?) les États Unis d'Occident sous l'égide des USA, dont la France ne serait plus qu'un cinquante et énième État. le Grand Charles – qu'il admire – doit se retourner dans sa tombe !
Voilà une lecture stimulante où l'amateur de belle prose sera séduit, une fois de plus. Quant au fond, j'ai pour le moins des réserves, me disant à la lecture que c'est trop brillant pour être toujours juste.
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Avec « D'un siècle l'autre », Regis Debray « survole » soixante ans d'engagements personnels, de réflexions sur les mutations de la société, et de démarches philosophiques. Telle la chouette de Minerve, patronne des Philosophes, Régis Debray prend son envol au crépuscule de sa vie. Il s'est éloigné de son statut de rebelle et de courtisan pour s'intéresser aux questions qui agitent l'humanité ( « unir, transmettre, croire » ). L'érudition côtoie l'afféterie ( appréciation rencontrée dans une critique) , l'ironie et l'humour fréquentent le style amphigourique ( lu dans un autre avis). La lucidité le pousse à une honnête franchise : « Il m'en aura fallu des zigzags pour trouver finalement le pot aux roses : ce sont le corps et le coeur qui décident de nos actes … il est inutile d'expliquer quoi que ce soit ». L'Histoire , essoufflée, cède la place à la Géographie, centre de nos préoccupations . La communauté se disperse mais la nation rassemble, la société a besoin de sacré, d'une religiosité civile. Finalement les mots sont moins mobilisateurs que les images, « aucun discours ne tient devant une belle toile ou un grand film …ils émeuvent ». Un ouvrage intéressant, quelque peu ardu, oscillant entre nostalgie, pessimisme lucide et un optimisme ( très) mesuré…
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J'en suis un autre entre XX° et XXI°, alors au coin du feu, je prends mon temps pour suivre mon cher maître, déguste les histoires de l'oncle d'Amérique (latine) dont je m'aperçois que je n'ai lu finalement qu'une petite partie de ses écrits.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/01/que-reste-t-il-de-loccident-regis.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/03/lerreur-de-calcul-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2015/03/un-candide-sa-fenetre-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/06/civilisation-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/09/le-nouveau-pouvoir-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/06/bilan-de-faillite-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/04/france-amerique-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/09/un-ete-avec-paul-valery-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/12/notre-adn-culturel-regis-debray.html
http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/02/le-siecle-vert-regis-debray.html
… et je suis loin d'être exhaustif tant j'ai pu le citer par ailleurs à propos de l'école ou de Venise et vu même en BD.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2014/02/cher-regis-debray-alexandre-franc.html
Certains thèmes développés dans les quelques livres énumérés plus haut se retrouvent dans les 300 pages découpées en chapitres aux titres essentiels : « unir », « transmettre », « croire » en des lieux primordiaux « l'école », « la prison », « le forum », scandés par des citations de Marx, Pascal, Valéry, Malraux, FlaubertJulien Gracq :
« Tant de mains aujourd'hui pour bouleverser ce monde et si peu de regards pour le contempler ».
Le témoin du passage du siècle américain au siècle asiatique est à la hauteur de ses prédécesseurs et j'ai du mal à faire un choix parmi ses formules chantantes :
« Qui avait cru un jour aura chu le lendemain mais qui n'a pas cru un seul jour sera déchu pour toujours ».
J'ai décroché quand il est question de logique, et je ne peux me situer dans les querelles philosophiques qu'il nous permet cependant d'entrevoir, par contre je me sens complètement en phase avec ses évolutions politiques « passant du treillis au costume-cravate », vues d'un oeil attendri et malicieux.
Il n'a pas attendu que ce siècle saigne pour des questions religieuses, il les situe au coeur et en amont du politique.
« Nation c'est narration » mais il débusque avec gourmandise les abus des euphémismes :
« Ainsi un système d'inégalité et d'injustices peut-il devenir « l'ordre international » fondé sur le droit et le respect d'autrui ; vassalité peut muer en « solidarité … un strapontin en « partenariat »»
Attentif aux techniques, il sait que « le collier d'attelage a plus fait pour l'abolition du servage que les lettres de saint Paul » et s'il admet que la prochaine déesse ressemblera à Gaïa ( la terre dans la mythologie Grecque) après « un retour salutaire au fétichisme après le stade positiviste, en particulier dans notre rapport à la terre » il n'abandonne pas « l'Histoire qui s'interpose entre la nature et nous ».
La fresque où la réflexion se marie à l'action, haute en couleurs chaudes, poétique et drôle, n'est pas que rétrospective, elle est d'une vive actualité:
« On localise de mieux en mieux, on périodise de moins en moins. « Où es-tu ? » notre première question sur le portable. « Dans quelle suite tu t'inscris, » serait insolite et déplacé. le numérique désosse le temps et met Clio (Muse de l'Histoire) cul par-dessus tête. Des traces de tout mais pêle-mêle. Plus de chronologie. On cueille à la diable dans le répertoire et qu'importent les continuités pourvu qu'on ait la connexion ; qu'importent les lignées pourvu qu'on soit en ligne »

Lien : http://blog-de-guy.blogspot...
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critiques presse (3)
Telerama
27 février 2023
Avec une nostalgie crépusculaire, geste testamentaire non dénué d’ironie, le philosophe fondateur des Cahiers de médiologie puis de la revue Médium, qui a consacré de nombreux essais aux religions et au sacré, n’a pourtant pas peur d’affirmer dans ce nouveau livre avoir fait son temps !
Lire la critique sur le site : Telerama
LeSoir
30 novembre 2020
Régis Debray dresse le bilan philosophique de sa traversée du siècle.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Bibliobs
09 novembre 2020
« D’un siècle l’autre » est à la fois une traversée au long cours, une autobiographie vagabonde, une autocritique sans remords, et un traité de savoir-vivre à l’usage des intellectuels.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Nous sommes intellectuellement et moralement en dette avec le premier sociologue ès qualités de l'histoire [Auguste Comte] ; le premier écologiste, qui a brandi le drapeau vert et imposé la notion du "milieu" en montrant que l'homme ne pouvait vivre qu'en étroite relation avec l'ensemble du monde animé sans lequel il ne pourrait subsister ; le premier avocat de l'animalité, appelant à « renforcer nos liens avec la Terre » et à inclure dans le « Grand Vivant » les animaux domestiques ces quasi-humains dont il a condamné la « flétrissure théologique » et les mauvais traitements qui leur sont infligés ; le premier anticolonialiste qui a demandé que l'Algérie soit rendue aux Algériens ; (…) le premier à avoir pronostiqué la féminitude des temps à venir, en déclarant que la « révolution féminine doit maintenant compléter la révolution prolétarienne ».
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Chaque prédestination nous vaudra l’hypertrophie d’un organe des sens et l’atrophie d’un autre. L’Avoir se moque des âmes : pas d’introspection, l’intime est verrouillé. L’Être ne regarde qu’en dedans : le dehors est indifférent, on nettoie l’intérieur, point final. Le Faire, qui a sa grimace dans le faiseur, accommode sur les urgences sans se soucier des élégances.

[Contexte]
Nous voulons tous savoir. Mais pas les mêmes choses, ni dans le même but, car se place, à la sortie de l’enfance, comme au début d’une portée de musique, un signe qui va, tel un présage, donner sa tonalité au restant de nos jours. Il en écrit la partition et nous n’en savons rien. Il existe trois clés en musique, le fa, l’ut et le sol, et trois dans nos songes, l’Avoir, l’Être et le Faire. Sous l’augure de l’Avoir, direction École de commerce. Sous celui de l’Être, en route vers les psys. Sous le signe du Faire, direction Sciences Po ou Saint-Cyr. Le ton-maître fixe le but de guerre et les ambitions intimes : chacun se voit en haut de l’affiche, qui en Rockefeller, qui en saint et martyr, qui en Grand Chancelier. Économie et finance pour les uns, lettres et psycho pour les autres, droit et politique pour les troisièmes. Ce choix qui n’en est pas un, pareil à un thème astral qui va nous téléguider, nous voue à une ligne de vie. Accumuler des tableaux, des yachts, des titres en Bourse, cela peut fonder une famille, dans un entre-soi d’héritiers ; chercher à être en paix avec soi-même, cela conduit chez le psychanalyste ou dans un ashram en Inde ; vouloir des actes marquants, cela exige d’aller aux gens et de faire équipe. Chaque prédestination nous vaudra l’hypertrophie d’un organe des sens et l’atrophie d’un autre. L’Avoir se moque des âmes : pas d’introspection, l’intime est verrouillé. L’Être ne regarde qu’en dedans : le dehors est indifférent, on nettoie l’intérieur, point final. Le Faire, qui a sa grimace dans le faiseur, accommode sur les urgences sans se soucier des élégances. « Tant de mains aujourd’hui pour bouleverser ce monde et si peu de regards pour le contempler », déplore Julien Gracq. C’est un regret que je partage pour avoir longtemps trop donné à la main et pas assez au regard, mais chaque esprit a son code génétique auquel il n’est pas facile de désobéir. Je garde, et j’en pâtis, de mon signe zodiacal, une méfiance envers le jus de cervelle, une sainte trouille du bla-bla et une certaine allergie au vaporeux.
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Le chrétien, descendant de Jules César et du veni vidi vici, a un penchant pour le chiffre trois : le Père, le Fils, le Saint-Esprit ; paradis, enfer, purgatoire ; noblesse, clergé, tiers état ; les dieux, les héros, les hommes ; bleu, blanc, rouge ; liberté, égalité, fraternité. Au troisième terme de résoudre la contradiction entre les deux premiers.

[Contexte]
Que répliquait Marx à Ludwig Feuerbach, qui avait dit : « L’homme est ce qu’il mange » ? Que l’homme est ce qu’il fabrique (on dira plus tard, Freud aidant : ce qu’il cache). Qu’il doit quitter l’éden de la pensée pour le purgatoire des empoignades en bazardant les vieilles lunes – sagesse, bonheur et tolérance. Sortir de son jardin de curé pour monter au feu. Et où se trouvait le brasier du siècle rouge ? Dans la zone des tempêtes qui cernait l’Occident. Débordement par les ailes, les bidonvilles. C’était avant notre village planétaire. Il n’y avait pas encore un seul mais trois mondes, presque étanches : l’Ouest, l’Est et le Sud, baptisé tiers-monde (par un Français, Alfred Sauvy). Bourgeoisie, prolétariat, paysannerie. Celle-ci, en prenant les armes, allait régénérer les deux premiers, dont il n’y avait plus que du médiocre à attendre (le bourgeois, à l’ouest, ayant émasculé le prolétaire, et le bureaucrate, à l’est, l’ayant bâillonné). Cette tripartition géopolitique respectait les convenances. Le chrétien, descendant de Jules César et du veni vidi vici, a un penchant pour le chiffre trois : le Père, le Fils, le Saint-Esprit ; paradis, enfer, purgatoire ; noblesse, clergé, tiers état ; les dieux, les héros, les hommes ; bleu, blanc, rouge ; liberté, égalité, fraternité. Au troisième terme de résoudre la contradiction entre les deux premiers. D’où l’espoir qu’on met spontanément en lui. Renvoyant dos à dos les prédécesseurs, il dispensait de prendre parti pour l’un ou l’autre. « La grande lueur à l’Est » s’étant éteinte dans d’innommables crimes qui ne pouvaient plus échapper à personne (après « le rapport attribué à Khrouchtchev » de 1956), l’espérance s’était reportée vers le Sud, et si la Terre restait silencieuse, on entendait le cri de ses Damnés et les appels des porte-voix, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Albert Memmi et d’autres. Hugo nous avait bénis par avance : « La destinée des hommes est au Sud », a-t-il écrit, en ajoutant : « Si le nord est inquiétant, le midi est rassurant. » Et on était d’autant plus rassuré que l’anticolonialisme prenait la suite du chapitre précédent, l’antifascisme. Certains des nôtres et des meilleurs, comme Étienne Balibar, se retrouveront en Algérie, sous le nom de pieds-rouges. Quant aux « blanches nations en joie », je devais en voir peu après les avant-gardes multicolores rassemblées à La Havane en 1965, à la conférence Tricontinentale. La Troisième Voie – l’arlésienne du XXe siècle, qu’on n’a pas cessé de guetter, comme le miracle à Lourdes.
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"L'accès à soi passe toujours par un autre, et se heurter à des gens qui ne nous ressemblent pas est le meilleur moyen de découvrir ce à quoi nous ressemblons (aussi l'exil a-t-il toujours été la meilleure fabrique de patriotes). (...) L'Indien m'a fait Gaulois." p.47
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Les philosophes ont la chance d’avoir Minerve pour déesse protectrice. Sa chouette prend son vol au crépuscule. Heureuse coïncidence, c’est là où j’en suis. Ce volatile, juste avant la nuit, nous prête sa vue plongeante sur l’enfilade des hasards qui nous a fait grandir. On peut alors rembobiner le film et discerner comme une courbe reliant nos saisons l’une à l’autre. Pardon pour l’outrecuidance mais il m’a semblé que la parabole d’un « intellectuel » français, ayant connu plus d’un pays et quelques écarts de conduite, pouvait, comme un document parmi d’autres, contribuer à la cartographie d’une époque très bousculée, sous le choc d’un glissement de terrain digne de considération.
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