“Un mariage!” La première phrase donne le ton de ce roman qui raconte l'histoire d'un couple de new-yorkais ultra-riches. Dans la vie de Cynthia et Adam, les ratés n'existent pas. Certes, il fait une chaleur accablante à Pittsburgh. Les demoiselles d'honneur sont en nage. Les invités s'évanouissent sur les bancs de l'église. Eh bien, cela contribue à faire de leur mariage un événement mémorable. Ainsi pense Cynthia. A peine marié, le couple retourne à New York. Adam fait carrière dans la finance et Cynthia décore leur appartement. L'argent coule à flots. Rien ne s'oppose à leurs envies. Pas la loi, qu'ils n'hésitent pas à bafouer, confiants de ne pas se faire prendre. Pas même leurs enfants, April et Jonas, qui n'ont pas le pouvoir de les décevoir. Dans cette société où l'argent et l'apparence sont tout, Adam et Cynthia sont les plus jeunes, les plus beaux, les plus prometteurs. On les envie d'abord un petit peu. Et puis, au fil des pages, l'absurdité de leur vie apparaît. Parce que tout leur sourit et que rien ne les touche, Adam et Cynthia se déshumanisent. On étouffe dans cette famille conçue comme une forteresse, qui ne s'embarrasse des autres que pour se faire valoir ou faire la fête. On déteste ce monde où tout s'achète, même une femme qui veille son compagnon à l'article de la mort. On guette le moment où la machine à succès va s'enrayer. le point de rupture n'arrive jamais.
Je n'aurais pas spontanément choisi de lire ce roman qui est au programme de mon club de lecture. Les plongées dans le monde de l'argent et de l'apparence ne m'attirent pas en général. Cependant, j'ai lu
Les privilèges d'une traite. Si April et Jonas ont le profil des héros de “Gossip girl,” Cynthia et Adam sont des personnages atypiques, loin des caricatures. Ils s'aiment, ils ont conscience de leur supériorité et ils pourraient se suffire à eux-mêmes, mais non. Ils choisissent de se lancer dans une absurde course à l'argent. Très vite, ils ont tout, sans avoir le temps de ne rien désirer : un appartement immense, une maison de campagne luxueuse, des vacances de rêve... Leur réussite ne doit faire aucun doute. Comme si le regard des autres - dont ils n'ont que faire - leur était néanmoins nécessaire pour exister. La démonstration en quatre volets est implacable. le couple devient peu à peu le jouet de cette société factice qu'il croit dominer, allant jusqu'à lui sacrifier ses propres enfants sans en avoir conscience. Il manque une âme à ce roman, comme à ses personnages, mais force est de reconnaître que
Jonathan Dee a réussi son coup et écrit un très bon livre.
A lire, dans la même veine, "La belle vie" de Jay MacInerney et "
Le bûcher des vanités" de
Tom Wolfe.