(En parlant des parents nés pendant la guerre et ayant vécu la guerre d'Algérie) Et ils goûtèrent a tout, euphoriques. L'infidélité, l'insolence, la dépression, la psychanalyse, les drogues douces, le rock n roll, la réussite, l'échec, le divorce ; ils n'eurent plus leur de la mort. Ils comprirent que l'amour n'était pas une nécessité mais un mot parmi d'autres. On pouvait vivre sans aimer.
Ce n'était pas l'amour qui les avait sauvés, c'était la lâcheté.
Alors ils s'accouplèrent joyeusement et peu importe qu'ils s'aimassent ou non, ils firent plus tard quelques enfants et leur confièrent le soin de les guérir. De remettre le monde en ordre. Et nous arrivâmes, investis de leur rêve d'enfant abandonnés là-bas, sous les rachats des abris, la ferraille de la honte, le sable de la Sebkha.
Alors tu me quittes aussi papa? Non. Mais oui, un peu, tu as raison. Je t'aime, Edouard. Mais on ne quitte pas les gens qu'on aime, papa.
Elle rêvait d’un dernier moment de joie avant le matin cruel, celui où les pelleteuses du nouveau propriétaire viendraient définitivement raser l’histoire d’une famille dont le grand œuvre fut édifié en 1830, offrants brocarts, dentelles perlées, feutrines, jacquards, taffetas et autres wax hollandais aux coquettes d’alors ; un grand magasin qui avait sut résister aux bombes de deux guerres mondiales, aux pavés de 68, à l’arrivée de l’informatique mais pas à celle des grandes surfaces et de leurs robes toutes faites, sans grâce ni doublure, dans des tissus médiocres, cousues par des enfants au bout du monde.
Une femme peut pardonner une maladresse, jamais d'avoir laissé passer une occasion.
J'y retrouvais Dumbo, assis dans la salle commune, au milieu des autres. Les perdus, les perclus; les évadés d'eux-mêmes ou au contraire les enfouis...
"Nous n'eûmes alors plus grand-chose à nous dire. Je me souviens que nous étions très tristes. Que nous eûmes envie de pleurer mais qu'aucun de nous deux ne voulut dévoiler sa faiblesse. (...) Nous nous quittions sans nous quitter, vivions ensemble sans être ensemble. C'est la seule façon pour que tu m'aimes un jour, conclut-elle." (p.103)
"Je ne viens pas avec toi, Edouard. Je vais à Paris, je te l'ai dit. Mais nous sommes mariés. Non, nous avons fait plaisir à nos parents, joué aux grandes personnes, mais nous ne sommes pas un couple Edouard. Juste des colocataires de notre vie, comme tu dis si bien. Alors c'est fini ? Non, pourquoi voudrais-tu que ce soit fini, répondit-elle. On baise. On rit. Parfois on rêve des mêmes choses. Mais on a aussi les chemins qu'on a choisis." (p.103)
Un accouchement est une guerre où l'on ne peut pas rendre les armes.