🕛 Tout d'abord, une petite histoire. Je me promenais l'été dernier à Colmar lorsque tout à coup je tombai sur cette petite librairie merveilleuse qui, à ma grande surprise d'abord et immense joie ensuite, s'avérait déborder de rayons, d'étagères, de bibliothèques, qui eux-mêmes croulaient sous le poids des livres. J'allais au fond de la boutique et fouillais, à la recherche d'un coup du hasard, d'un coup de foudre littéraire quand je tombais sur ce roman : Minuit sur les jeux, qui résonna en moi comme « Les jeux sont faits, rien ne va plus ». Je l'embarquais sans avoir la moindre idée de son sujet.
🕛 Hier, je décidais enfin de l'entamer. Et quelle découverte ! Il s'agit de la vie de Julie, son adolescence plutôt, depuis son entrée au collège et jusqu'à l'université, et le rapport que, en tant que femme, elle entretient avec l'Education, à travers ses professeurs, avec l'Art, avec ses paires et enfin ses pairs. On lui apprend à écouter, et à regarder, à contempler, et elle fera de cet enseignement son modus operando. Elle ne sera jamais elle-même, mais plutôt le miroir de ses interlocuteurs, les flattant de son attention, et nourrira son existence de la pluralité de ses rencontres ; elle n'est pas une, mais plusieurs. A travers ses expériences, amoureuses, sensuelles ou sexuelles, elle dénigrera l'importance de l'homme, incapable de révéler à la Femme sa nature, que seule une semblable serait capable de faire jaillir, de sublimer.
🕛 A travers différentes péripéties, une vieille espagnole qui la prend pour son amour perdu, un homme qui la désire au détriment de sa propre femme, un amant qui deviendra arroseur arrosé, Julie dépeint un monde indissociable de l'expérience, de la pluralité, de l'égotisme, car en chacune de ses rencontres elle a puisé et trouvé un peu d'elle-même. Voici quelques merveilles que j'ai puisées dans ce roman :
🕛 « le temps me faisait peur car, s'il est la liberté de ceux qui ne bougent pas, il est la prison de ceux qui changent. »
🕛 « Ce monde est sans façon. On passe de la nourriture au lit sans délai, sans l'ébauche même d'une cour, d'un service à récompenser. »
« Je savais maintenant, j'étais grande, que ce trait d'union est un piège pour rapprocher la femme de l'homme, qu'ainsi ralliée elle est occupée par les armes, par cette arme que je voyais pour la première fois, qui fait gémir, pleurer, couler le sang et dont la balle est l'enfant. »
« L'amour n'est pas une patrie, pensai-je. On y part n'importe quand, n'importe comment, dans l'urgence, sur un propos, un silence ou la lancée du regard. »
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Il est franc, pensai-je, c’est peut-être ça la vulgarité.
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Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde : sonnets
Étienne Jodelle
Édition d'Agnès Rees
Préface de Florence Delay
Éditeur Gallimard
Collection Poésie, n° 574
« Étienne Jodelle, ce nom ne vous dit sans doute pas grand-chose et pourtant il s'agit d'un des sept membres de la Pléiade, ce groupe de poètes constitué autour de Pierre de Ronsard et Joachim du Bellay. Un des derniers numéros de la collection Poésie chez Gallimard nous donne à le découvrir avec ce très beau recueil de sonnets avec ce titre superbe : Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde. Ce sont des sonnets, surtout des sonnets d'amour, mais aussi des sonnets politiques, des sonnets religieux... »
Guillaume, libraire à La Procure de Paris
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